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LE MECHANT GARCON

L’enfant court à toute allure dans cette rue droite et déserte. Au loin, derrière lui, des cris  » Vaurien ! Voyou ! « . Il tourne la tête, pour voir si ses poursuivants le rattrapent.  » Moi, faut pas me chercher. S’il n’avait pas traiter ma mère, sa fenêtre serait encore entière « . Il court comme s’il avait le diable à ses trousses. Il ferme les yeux et reprend sa respiration. Alors, il heurte un homme, planté là, au milieu du trottoir, dans cette rue qu’il croyait vide et déserte, du moins juste avant.

L’Homme l’attrape par le bras. Sa main est ferme et douce. Ce contact le calme dans son corps. Son cœur s’arrête de battre la chamade. Sa respiration se faite lente. Un sourire ouvre ses lèvres. Mais sa colère aussi s’apaise, comme un vent chasse les nuages d’orage et découvre un ciel inondé d’un doux soleil de printemps.

L’enfant lève les yeux vers cet Homme qui lui tient le bras. Son regard est… Impossible de dire. Mais il ne peut plus s’en passer. C’est comme si chaque regard le faisait grandir dans son cœur.  » Mais Monsieur c’est pas ma faute ! C’est lui qui a commencé ! « . L’Homme lui sourit et lui lâche le bras.  » Nous faisons un bout de route ensemble, garçon ?  »

Répondre non, ne lui effleure même pas la tête. Alors le petit lui raconte tout, qu’il est un bon à rien, qu’il est un cancre fini à l’école et un fieffé coquin dans les cours de récréations ou d’immeubles, que tout le monde le pense méchant même son père et sa mère…

L’Homme s’arrête et dit :  » Je ne connais pas de garçons méchants, je ne vois que des garçons malheureux. Les gens te disent méchant mais en fait, tu es malheureux. Je ne connais pas de personnes heureuses qui soient méchantes, et toi, garçon ? « . Le ton de l’homme est doux et son regard est…

Alors, tout d’un coup le garçon se met à pleurer toutes les larmes de son corps. La digue qu’il avait érigé avec le plus grand soin tout autour de son cœur, cède là, dans cette rue, et un torrent impétueux emporte tout sur son passage. Il sent tous les mots blessants, les punitions injustes, les coups immérités, les regards désapprobateurs, les silences moqueurs, les jugements hâtifs, balayés par ces flots tempétueux. Cet inconnu est le premier à voir la tristesse cachée derrière ses bêtises ! C’est le premier à ne pas le traiter de vaurien ! C’est le premier à poser un regard aimant sur lui !

L’enfant sent alors le contact chaud des mains de l’homme sur ses épaules secouées par les sanglots. Il se sent guéri d’une blessure profonde et ses yeux se font sourire. Il essuie une dernière larme d’un revers de manche et regarde cet Homme  » doux et humble de cœur  » qui lui sourit la tête légèrement penchée. Il soupire un  » Merci Monsieur ! « .

L’Homme prend les mains de l’enfant dans les siennes  » Merci à toi, garçon, tu m’as fait un beau cadeau, tes larmes étaient très belles, car c’étaient des larmes d’amour « . Le regard de l’Homme posé sur l’enfant est aussi léger qu’une colombe tranquille sur une branche d’olivier bercée par la brise du soir. Ses yeux sont Amour. Il est Amour

L’enfant rebrousse chemin d’un pas tranquille. Il se retourne une dernière fois et demande :  » Au fait Monsieur, comment tu t’appelles ?  »

 » Peu importe comment tu m’appelles, sache seulement que moi aussi j’ai souffert à cause des hommes, sache que moi aussi j’ai beaucoup pleuré à cause d’eux, et que, comme toi, c’étaient des larmes d’amour « .

 » En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.  » (Mt 25, 40)

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Michel ROSSI