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L’enfant qui vient et sa naissance, vus par la Tradition canonique de l’Église

Prof. Hdr. Archim. Grigorios D. Papathomas

 

L’enfant qui vient et sa naissance, vus par la Tradition canonique de l’Église[1]

 Status Quaestionis

Pour aborder le sujet proposé, c’est à l’événement de la Création qu’il convient de se référer tout d’abord car c’est à cet événement que la vie humaine dans son ensemble est organiquement liée. En effet, le Dieu incréé a créé l’être hu­main, l’homme, lui offrant, gracieusement, la vie dont Il est Lui-même la Source, et cela, par pur amour et sans aucune condition, c’est-à-dire en pleine liberté. C’est à cet événement que nous renvoie le Christ, lorsqu’il dit de Lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la Vie »[2]. La vie de l’homme, depuis sa création, n’est pas seulement ou uniquement une réalité psycho-biologique, mais elle est bien plus que ce que l’on en perçoit. La vie de l’homme est principalement ontologique, c’est-à-dire qu’elle tire son exis­tence véritable de Celui qui est — selon les Pères de l’Église — l’« o[ntw »  [On », l’être vrai, l’être existentialement vrai. Bien que l’homme ne jouisse que d’une existence créée sous le regard de son “Créateur incréé”, il a acquis de Dieu la capacité et la possibilité d’être lui aussi — à l’image ressemblante[3] de son Créateur incréé — créateur d’autres êtres humains, qui sont ses pro­chains.

L’homme-créature, être unique dans l’ensemble de la Création, devient ainsi (pro)créa­teur, ou, plus précisément, co-créateur (sun-dhmiourgo; ») — un “créateur créé” en communion avec son Créateur incréé. La nais­sance d’un enfant, autrement dit, l’événement de “co-création d’un enfant”, est, dans son essence synergétique. Il s’agit d’un événement ontologique, c’est-à-dire un évé­nement constitutif d’une autre existence, précisément car c’est l’aboutisse­ment d’une co-création. Ce point est capital pour une juste appréciation de la ques­tion que nous examinons aujourd’hui.

Etre “créateur créé” signifie avoir la même intention et les mêmes ca­ractéristiques que le Créateur incréé : vouloir offrir la vie, de façon gracieuse, sans aucune condition, en pleine liberté et par amour ontologiques, à de nouveaux êtres créés, juste­ment en raison de la volonté créatrice com­mu­ne de l’homme et de la femme. De nouveau, le terme “ontologique” ici ren­voie, comme auparavant, à la liberté et l’amour de Dieu. Le fait donc d’avoir “un enfant qui vient et un enfant-né” est lié à cet événement créateur : dans la liberté et l’amour, les parents mettent en œuvre le don qui leur a été confié par Dieu. Toute existence est un don de liberté et d’amour, redisons-le. C’est ainsi que cette confiance divine les institue comme gardiens de l’inté­grité de la vie de l’“enfant qui vient”, nouvelle création, fruit de la co-créa­tion librement exercée dans l’amour, et aussi comme protecteurs de la croissance de l’“enfant-né”, au moins jusqu’à l’âge de douze ans, selon la Tradition canonique de l’Église.

Si ces remarques préliminaires théologiques sont pertinentes, elles doi­vent se retrouver évidemment dans la tradition biblique et patristique mais aussi dans les canons ecclésiaux et les textes de la Tradition cano­nique de l’Église, en expliquant bien leur sens profond et leurs intuitions thé­ologiques. Il est vrai que ces sources canoniques expriment l’expérience de la vie de l’Église. C’est à ce travail que nous allons maintenant nous attacher et étudier en détail les canons ecclésiaux sur le sujet proposé.

Le fond canonique à étudier est assez restreint. Pour des raisons méthodologiques, nous distinguerons : Les données canoniques concernant l’en­fant à naître d’une part, et, d’autre part, celles qui sont relatives à l’enfant né. Nous les examinerons successivement après avoir présenté rapidement, en guise d’introduction, les sources canoniques indirectes (non ad hoc).

Il convient donc de rappeler ici la parole de saint Basile de Césarée : « En premier lieu, nous citerons ce qui, en pareil cas, est primordial, la cou­tume en vigueur chez nous, que nous pouvons avancer comme ayant validité d’autorité puisque nos institutions nous ont été transmises par des saints ; or, la voici : »[4].

I. Les Textes canoniques “non ad hoc

La “Didachè des Douze Apôtres” (Doctrina apostolorum)

Le premier texte canonique — non ad hoc —, qui importe à notre su­jet est le texte connu sous le nom de “Didachè des Douze Apôtres” (Doctri­na apostolorum). Daté des années 100-120 ap. J.-C., c’est-à-dire quelques années après le dernier livre du Nouveau Testament, cet écrit est divisé en quatre parties. Seule la première, composée de six chapitres, nous intéresse ici. Elle introduit de prime abord une distinction importante et significative, présen­tée sous la forme du Duae viae : « I. 1. Il y a deux voies, l’une de la vie, l’autre de la mort ; mais la différence est grande entre ces deux voies. 2. Or la voie de la vie est la suivante : D’abord, tu aimeras Dieu qui t’a fait ; en second lieu, ton prochain comme toi-même, et tout ce que tu ne voudrais pas qu’il te soit fait, toi non plus, ne le fais pas à autrui »[5].

L’“enfant qui vient” fait partie des personnes qu’on qualifie ici des termes “prochain” et “autrui”. Ce fait s’explicite dans le IIe chapitre du même livre : « II. 1. Deuxième commandement de la doctrine : 2. Tu ne tueras personne, […], tu ne feras pas mourir par le poison, tu ne tueras pas l’enfant/le fœtus par avortement et tu ne tueras point l’enfant déjà né […] »[6]. « […]. IV. 14. Telle est la voie de la vie »[7]. Selon cette doctrine, il faut donc lire : “Voici l’instruction relative à ces commandements (amour de Dieu et du prochain) : Tu ne tueras point, etc.”. D’après cette clarification des différents aspects, tout devient parfaitement naturel.

Le texte de la Didachè envisage non seulement l’enfant “engendré”, et donc conçu, mais “né de fait”, comme le suppose le parallélisme des situa­tions. Dans la Lettre à Diognète du 3e siècle, le sens est clair. En effet, dans le cadre de la société païenne, une des caractéristiques des chrétiens est qu’« ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés »[8]. Cela signifie qu’une telle pratique était impensable pour les chrétiens des trois premiers siècles.

De même, nous possédons un bon nombre de textes se rapportant aux enfants abandonnés et, par suite, recueillis ejk kopriva », c’est-à-dire du dépo­toir commun. « On sait quelle était, à l’époque, la pratique du monde gréco-romain. Si l’on est géné­ralement heureux d’avoir un fils, et, à défaut, une fille, la naissance des fils puînés, susceptibles de diviser le patri­moine, des filles en surnombre, et à plus forte raison des enfants illégitimes, est souvent regardée, au contraire, comme un encombrement domestique tout à fait in­désirable. La coutume, principalement appuyée sur le droit immé­morial du père de famille, à l’exer­cice duquel, en cette manière, semble con­sentir le si­lence des lois de la Cité, offre alors deux issues possibles, éga­le­ment accep­tées sinon même ju­gées normales : ou bien la drogue qui procurera l’avortement — c’est la solution préférée —, ou bien l’“exposi­tion” du petit être anonyme en nul autre lieu, le plus souvent, le dépotoir commun, kopriva »[9].

Dans le monde païen, « supprimer l’enfant conçu ou déjà né, c’était, pour en beaucoup de situations gênantes, la voie des solutions faciles. Sur ce point comme sur beaucoup d’autres, on peut dire que le monde vétéro-testamentaire, dans son ensemble, a résisté à l’entraînement de son entourage, moins toutefois en vertu d’une disposition expresse de la loi ancienne, qu’en vertu du respect profond de la vie que toute sa tradition lui avait inspiré[10]. La fé­condité est la première des “bénédictions” divines après celle de la longévité. Longévité et fécondité, l’une et l’autre ont longtemps constitué, dans l’âme du peuple d’Israël, la meilleure part de cette espérance de la faveur de Dieu que semblait promettre la “justice”. Le moment venu, le prosélytisme n’a pas manqué, on le pense bien, de voir dans cette attitude une supériorité et un avantage, ce en quoi il s’est rencontré avec les apologistes simplement désireux d’expliquer leur particularisme auprès du monde païen. Il a condamné comme un homicide toute pratique attentatoire à la vie de l’enfant : la teknoktoniva (le meurtre de l’enfant) par avortement ou l’infanticide qui n’est pas un crime moins grave que l’ajndrofoniva [homicide] »[11].

De façon très significative, le Duae viae de la Didachè range, dans la suite de ses commandements, notre cas spécifique immédiatement après le meurtre — compris en général — et l’adultère. À ce propos, il semble égale­ment significatif que la suite du texte fait référence à une considération gé­né­rale qui paraît bien encore un cas de début : « Mon fils, fuis toute espèce de mal, même tout ce qui en aurait l’apparence »[12]

Si ces observations sont également exactes, elles peuvent aider à fixer le sens du meurtre du Duae viae dans son ensemble par rapport aux deux dis­tinctions de notre sujet : de “l’enfant qui vient” d’une part, et de “l’enfant après sa naissance”, d’autre part. Les motifs de l’“instruction” sont tout en­tiers contenus dans les deux com­mandements : « Tu aimeras d’abord Dieu qui t’a fait, puis ton prochain comme toi-même »[13], auxquels [motifs] s’ajoute une exhortation de l’ordre de recommandation inspirée par le commandement, censé être issu directement de Dieu : « Ce que tu ne voudrais pas qu’il te soit fait, toi non plus ne le fais pas à autrui »[14]. Il est vrai que les com­man­de­ments sont à la deuxième personne du singulier : C’est Dieu qui est censé parler (“didach; Kurivou”) ; il s’adresse à l’individu — pas au couple : « Tu ne tueras point, etc. ». Ici l’accent, portant sur la responsabilité indi­vi­duelle ou personnelle, peut paraître ineffable, néanmoins elle de­meure flagrante.

La prescription de la Didachè ne s’arrête pas-là ; elle continue en établissant une liste d’actes négatifs à commencer par le meurtre. « V. 1. Voici maintenant quelle est la voie de la mort : avant tout elle est mauvaise et pleine de malédiction : meurtres, […], [et ainsi de suite]. 3. […], [Il y a des personnes] qui sont tueurs d’enfants, par avortement ou autres manières, et ainsi destructeurs de la créature de Dieu, […]. Mes enfants, tenez-vous loin de tout cela »[15]. Et la première partie de la Didachè finit en disant que : « VI. 1. Veille à ce que nul ne t’écarte de cette voie de la Doctrine ; car ce­lui-là te propose un enseignement étranger à Dieu »[16]. Vu son contexte, le texte aligne, sans se donner beaucoup de peine, commandements et transgres­sions.

La “voie de la vie” est celle de la fidélité aux commandements, c’est-à-dire la voie exprimant une orientation eschatologique, tandis que la “voie de la mort” est celle de la transgression. Toute l’exhortation intérieure de la Didachè trouve là sa racine. De façon très significative, on a écarté l’esprit juridique de la Loi vétéro-testamentaire ou la restriction de n’importe quelle loi de chaque société humaine et on s’adresse de façon paternelle, exhortative, aimant à entourer la révélation des perspectives correctes de l’expérience du Royaume de Dieu-Père et à présenter son enseignement dans la ligne de la paternité divine : tevknon mou, tekniva mou, “mon fils”, “mes enfants”. La forme adop­tée du texte est imprégnée de l’atmosphère de l’expérience apos­tolique et l’ex­prime. C’est à ce sujet également que la simple proposition du commandement commence à porter, de façon plus sensible, vers l’exhorta­tion et se montrer du même coup soucieuse de se justifier par l’expérience de la “voie de la vie”. Il faut souligner ici le fait que la nuance est bien comprise si l’on compare ce style d’expression et d’exhortation aux impératifs de la loi…

Il reste peu de chose à ajouter à ce que nous avons déjà été amené à dire du Duae viae. Pour le fond, en lisant la Bible, l’Évangile se trouve axé sur les deux grands commandements de l’amour : celui de Dieu et celui du prochain. La question que nous traitons ici est placée dans ce con­texte qui touche notre orientation eschatologique la plus intime : elle doit être abordée en liaison avec ce fait. Les deux instructions principales du Duae viae sont des exhortations adressées au “peuple”. Celui-ci sans doute n’est pas oublié, et en définitive c’est même toujours lui qui est le dépositaire des en­gagements. Il reste néanmoins vrai que le choix entre le “chemin de la vie” et le “chemin de la mort” dans le contexte de notre question, entre la “béné­dic­tion” et la “malédiction”, est beaucoup plus que jamais dans le passé res­sen­ti comme relevant de la responsabilité individuelle ou personnelle…

II. Les Canons (Corpus canonum) de l’Église

Les textes canoniques ne peuvent être considérés comme ayant tout dit de la question qui nous préoccupe. Après avoir faite nôtre l’interrogation de saint Basile, « nous, que devons-nous faire ? Dire ce qui fut écrit ou bien recherché ce qui fut tu ? »[17], nous répondons qu’il faut s’acquitter des deux tâches.

Douze canons traitent explicitement du sujet de notre réflexion. Ces canons ont été conciliairement promulgués entre le 3e et le 7e siècles. Leur contenu témoigne d’une belle unanimité et montre à l’évidence que la volonté constante de la Tradition canonique de l’Église a été d’aborder le problème difficile de l’infanticide en ayant d’abord la préoccupation de façon guérissante et sotériologique.

Après la brève introduction que nous avons faite des textes canoniques non ad hoc (“Didachè des Douze Apôtres” et “Lettre à Diognète”), qui enre­gistrent la coutume et les us canoniques des trois premiers siècles, passons maintenant à “ce qui fut écrit” tant dans les textes canoniques que dans leurs commentaires (herméneutique canonique). Comme nous l’avons annoncé, nous étudierons d’abord a) les données canoniques concernant “l’enfant à naître”, puis b) celles concernant l’enfant-né.

Une remarque préliminaire s’impose. Les canons considèrent d’une part “l’enfant qui vient” (autrement dit, l’embryon), et d’autre part, “l’enfant après sa naissance” d’une manière semblable. Ils utilisent les mêmes termes canoniques pour qualifier l’interruption de la ligne de leur vie, une vie qui commence au moment et à partir de sa conception. St Basile le dit expressis verbis : « La distinction entre fœtus déjà formé et fœtus non-formé n’existe pas chez nous [chrétiens] »[18]. Mais on va voir par la suite les différents aspects de cette question qui apparemment demeure ouverte depuis l’Antiquité idolâtrique, d’une part, et l’Antiquité hébraïque, d’autre part.

A. L’enfant avant sa naissance (l’enfant conçu et le fœtus)

Selon les données des canons, avant sa naissance, l’enfant conçu, l’embryon, et l’enfant formé dans le sein de sa mère sont concernés, par les deux cas suivants : a) l’avortement et b) la fausse-couche.

a) L’avortement (meurtre volontaire)

Comme nous l’avons déjà vu plus haut dans la Didachè, l’avortement est considéré comme un meurtre volontaire. Le Concile local d’Ancyre (314) enregistre une coutume préexistante, une “ancienne ordonnance”, des trois premiers siècles, qui est ainsi conçue : « Des meurtriers. Pour les meurtres vo­lontaires, ils devront être substrati (retranchés) et ne pourront être reçus complètement qu’à la fin de leur vie »[19]. Dans la rubrique “ancienne ordon­nance”, on doit voir une réminiscence de l’ancienne discipline plus rigou­reuse, qui s’exprime ici par ce canon 22 du Concile local d’Ancyre. Pour comprendre l’a priori de cette “ordonnance”, il faut encore rappeler ici que le niveau spirituel du corps ecclésial des trois premiers siècles des persécutions n’est pas le même par rapport à ce qui se forme juste après la tolérance de l’Édit de Milan (313)…

Presque quatre siècles plus tard, le Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691) voit et aborde les réalités de la même manière : « Des peines canoniques contre celles qui donnent et reçoivent des poisons abortifs. Les femmes qui procurent les remèdes abortifs et celles qui absorbent les poisons destinés à tuer l’enfant qu’elles portent, nous les soumettons à la peine cano­ni­que du meurtrier »[20].

De cela nous pouvons tirer six conclusions successives :

1°) l’avortement est considéré par les canons comme un meurtre ;

2°) en conformité avec la Didachè, il s’agit d’un meurtre volontaire ;

3°) il n’y a aucune distinction de forme de “l’enfant que les femmes portent”, lorsqu’elles sont enceintes ;

4°) soumission des femmes qui se font avorter à la peine canonique du meurtrier ;

5°) la même sanction canonique sera imposée également à celles [femmes] ou à ceux [époux, médecins, amis, etc.], qui “procureront les remèdes abortifs” et qui les aideront à se faire avorter ;

6°) l’épitimie canonique proposée par l’“ancienne ordonnance” et les canons touchent la privation de la communion jusqu’à la fin de leur vie.

Cette énumération un peu sèche nous invite à l’évidence à rechercher plus exactement comment la conscience de l’Église percevait alors l’infantici­de.

La conception et la naissance d’un enfant, autrement dit, la création d’un être humain, se font par amour, c’est-à-dire dans une volonté constante de créer des êtres en vue d’établir avec eux une communion en pleine liberté, comme Dieu l’a fait pour l’homme. Les canons veulent sauvegarder la voca­tion créatrice donnée par Dieu à l’homme ainsi que la communion qui en est le but. Cela est clairement montré dans les ca­nons du 4e siècle chrétien qui se rappor­tent à la question que nous traitons aujourd’hui. St Basile de Césarée est le premier à l’exposer d’une manière systématique et claire dans sa pre­mière lettre à Amphiloque, évêque d’Iconium.

Dans son canon 2, il écrit : « De celle qui s’est employée à tuer l’en­fant qu’elle portait dans son sein. Celle qui a usé des moyens de tuer l’enfant qu’elle portait dans son sein est responsable d’un meurtre. La distinction entre fœtus déjà formé et fœtus non-formé n’existe pas chez nous. Dans notre cas, on ne venge pas seulement l’enfant à naître, mais on punit aussi “celui qui a attenté à sa propre vie”, vu que le plus souvent les femmes succom­bent à de tels actes. La mort de l’enfant à naître s’y ajoute, comme un autre meurtre, dans l’estimation du moins de celles qui osent cela. Il ne faut cepen­dant pas différer leur absolution jusqu’à l’heure de la mort, mais les admettre à la pénitence des dix ans, et juger de leur guérison non pas d’après le temps, mais d’après leurs dispositions »[21].

St Basile considère donc, lui aussi, “la femme qui a usé des moyens de tuer l’enfant qui vient” comme responsable d’un meurtre. Il ne précise pas ici le cas d’avortement expressis verbis, mais il pose la question d’une manière plus large et plus ample parlant “des moyens de tuer l’enfant qui vient”. De plus, comme on l’a déjà dit, il n’accepte pas la distinction, fait à son époque — et auparavant — par les médecins (lui-même étant médecin), ou par la loi de Moïse[22], “entre fœtus déjà formé et fœtus non-formé”. C’est par rapport à l’expérience héritée des âges précédents qu’il précise que “cette distinction n’existe pas chez nous”. De même, il considère — et cela on le rencontre pour la première fois au sein de la Tradition canonique de l’Église — la femme qui meurt, comme ayant commis un double meurtre : d’une part, contre elle-même — son acte étant considéré comme suicide[23], étant donné qu’elle savait ce qu’elle utilisait — et, d’autre part, contre l’embryon, “l’enfant à naître”. Ici encore, le meurtre de l’embryon est considéré comme un homicide. Néanmoins, connaissant la faiblesse humaine et la différence flagrante du niveau des Chrétiens du 4e siècle par rapport à ceux des trois premiers siècles, st Basile réduit l’épitimie canonique de “l’heure de la mort, à les admettre après dix ans de pénitence”.

Par ailleurs, l’avortement est aussi présenté par les sources canoniques comme un “acte contre nature”. « De ceux qui ont péché contre nature, et d’autres grands pécheurs. Ceux qui ont péché […], les meurtriers, les empoi­sonneurs, […], sont sujets à la même peine. Gardez donc à leur sujet la norme que vous avez déjà pour les autres »[24].

Il faut ici ajouter que le Concile local d’Ancyre, porteur du même es­prit au tournant du 4e siècle, présente un adoucissement par rapport à ce qui a été auparavant stipulé canoniquement, appliquant une large écono­mie à propos des sanctions, des épitimies d’un tel acte. Cependant il ne minimise en rien l’importance du fait, usant des termes suivants : « De celles qui tuent avec des abortifs les enfants conçus dans l’adultère. Les femmes qui se prostituent, et tuent leurs nouveau-nés ou qui cherchent à les détruire dans leur sein, étaient exclues de la communion par l’ancienne ordonnance jusqu’à la fin de leur vie ; et quelques-uns approuvent cette sévérité. Nous avons adouci cette me­sure et leur ordonnons de faire dix ans de pénitence selon les divers de­grés »[25].

Comme nous pouvons le constater en comparant les deux textes cano­niques précités, st Basile reprend la même praxis que le Concile local d’An­cyre (314), au lendemain (de la tolérance) de l’Édit de Milan (313). Il ap­pa­raît clairement qu’à partir du 4e siècle, la Tradition canonique de l’Église a adouci les sanctions canoniques concernant l’avortement, mais elle demeure unanime sur le principe qui en est le fondement : “l’enfant qui vient” est un être, une existence dès sa conception, sans aucune distinction de forme, sans aucune fluctuation au niveau ou à la ligne de son existence.

Notre sujet peut aussi être traité en fonction de l’axiome méthodolo­gi­que selon lequel, directement ou indirectement, “les canons interprètent les canons”, d’une façon directe ou indirecte. Pour ce faire, il convient de pren­dre en compte les canons suivants : « [Du meurtre et du meurtrier] Quel péché est volontaire et quel péché est involontaire. […] Également, même si quel­qu’un, pour un motif de magie, verse à boire un philtre et cause la mort, nous considérons cela comme un meurtre volontaire ; ainsi agissent souvent les femmes, cherchant au moyen d’incantations et de charmes à se faire aimer par les hommes et en leur faisant prendre des philtres qui provoquent des étour­dissements d’esprit ; celles-là, si elles causent la mort, bien qu’elles se fussent proposé pour autre chose que ce qu’elles firent, elles sont cependant comptées par­mi les meurtriers volontaires, à cause de la magie et de l’interdiction des pratiques de cette sorte. Celles-là aussi qui donnent les poisons abortifs sont des meurtrières, comme celles qui reçoivent les poisons pour tuer les en­fants qu’elles portent dans leur sein. […] »[26].

De même, le canon de st Basile que nous allons citer, bien qu’il soit étrange à première vue, doit aussi être pris en compte dans la même perspective des choses. « Des meurtriers vo­lontaires. Celui qui a tué volontairement, puis s’en est repenti, restera vingt ans sans communier aux dons sanctifiés. Les vingt années lui seront comptées de la manière suivante : pendant quatre ans, il devra être avec les pleurants se tenant à l’extérieur de la porte de la maison de prière, et demandera aux fidèles qui entrent de prier pour lui, en confessant publiquement son ini­qui­té ; après ces quatre ans, il sera reçu parmi les audi­teurs et sortira avec eux de l’église, cela pendant cinq ans ; pendant sept ans, il priera avec les pros­ternés et sortira de l’église avec eux ; pendant quatre ans, il assistera sim­ple­ment parmi les fidèles, mais ne participera pas à l’offrande ; et lorsque tout cela sera accompli, il prendra part aux dons sanctifiés »[27].

Un rappel de l’arrière plan théologique des canons que nous examinons est ici souhaitable pour en comprendre la perspective de cette prescription ou plutôt exhortation. Dieu a créé des êtres humains, des êtres libres et dif­fé­rents de Lui, en dehors de Lui, pour les faire participer à sa commu­nion. En cela, il s’épanchait Lui-même, étant Lui-même Amour et communion, causes équivalentes (tautovshme ») de la création. Lorsque l’homme commet un in­fanticide (que ce soit “avant ou après sa naissance”), il interrompt la dyna­mi­que de la communion ontologique qu’il a engagée lui-même en pleine liberté et dans l’amour, et, par cet acte, se sépare de Celui dont il est l’image et qui l’a voulu et institué comme co-créateur. Par cet acte également, on revient à la base de zéro/point de départ de la qualité chrétienne. C’est ainsi que, par leur silence (a silentio), les canons affirment que si quelqu’un, librement, ne peut pas assumer la responsabilité unique du co-créateur, il vaut mieux, à tout point de vue, s’abstenir totalement.

L’infanticide, agissant donc contre autrui, contre son prochain — qui est bien l’enfant —, c’est-à-dire contre la communion [ecclésiale], était “ex-communié”, il perdait sa place au sein de la Communauté ecclésiale, se mettant lui-même en dehors du Corps du Christ. Or “ex-communication” signifie d’abord “rester en dehors de la Communauté” et, par extension, “re­tranche­ment du Corps”. La conséquence en était la privation des “dons sanc­tifiés” puisque, ne participant plus à la communion ecclésiale, l’infanticide ne pouvait plus entrer dans l’église. Le moyen d’être réintégré, lorsqu’on avait été “retranché/amputé/ex-communié”, était la métanoia, le repentir, lequel, historiquement, au début — toutes les sources l’indiquent (aussi bien ici qu’ailleurs) — était un processus de réconciliation avec la Communauté, c’est-à-dire ce processus concernant directement la Communauté, dont la personne faisait cor­porellement partie. C’est juste le sens du repentir. La confession pro­prement dite était une étape du repentir dans la procédure de réconciliation avec la Communauté. Ce processus de repentir était formalisé par l’appar­tenance de la personne à divers niveaux successifs, participant de plus en plus complètement à la synaxe eucharistique : les pleurants, les au­di­teurs, les prosternés, etc. (La conduite spirituelle par ailleurs des hommes/fidèles [ou non] relevait d’un autre charisme différent et spécifique, celui de guérisseur). On comprend donc pourquoi saint Basile établit des étapes dans la réintégration da la personne dans la Commu­nauté et donc dans la restauration de sa communion eucharistique.

À propos de ce processus de réconciliation, saint Grégoire de Nysse apporte une précision capitale : « […] La volonté du pénitent sera examinée, en sorte que si son repentir le mérite, on n’observera absolument pas le nombre des années, mais, par un chemin raccourci, on lui accordera d’être rétabli dans l’église et de participer au saint don. […] »[28]. St Basile éga­le­ment va dans le même sens lorsqu’il déclare : « Quant à ceux qui ont ac­compli une pénitence de trente ans pour l’impureté commise par ignorance, il n’y avait pas à hésiter de les réconcilier. […] Veuillez donc ordonner qu’on les réconcilie sans aucun retard désormais, surtout s’ils implorent avec larmes votre miséricorde et montrent une vie digne de toute condescen­dan­ce »[29]. De nos jours, cet aspect du repentir et la métanoia s’est estompé. La pénitence est devenue un acte purement individuel ne concernant que peu la Communauté ecclésiale, alors qu’il s’agit à l’origine d’une praxis liée directe­ment à l’“événement de l’Église” et le rassemblement de la Synaxe euchari­sti­que.

b) La fausse-couche (“meurtre involontaire”)

Le cas de fausse-couche est passé sous silence et n’est envisagé — d’une manière directe et “ad hoc” — par aucun des textes et des sources de la Tradition canonique ; ils l’ignorent totalement. Que cela signifie-t-il ? L’a-t-on oubliée ou refuse-t-on de la classer parmi les meurtres involontaires ? Pourtant, tant les Pères de l’Église que l’Euchologe considèrent la fausse-couche comme un “meurtre involontaire”. (La fausse-couche y est manifestée d’une manière indirecte).

Voici en effet en quels termes la prière de l’Église orthodoxe s’articule pour la femme qui a fait une fausse-couche. L’Euchologe dit : « Maître et Seigneur Notre Dieu […] en Ta grande miséricorde aie pitié de Ta servante X [nom] qui, au­jourd’hui, est dans les péchés pour la faute volontaire ou in­volontaire, qui a causé la mort de ce qui était conçu en elle. […]. (Avant la fin de la prière) Avec crainte nous Te crions et disons : “Regarde du haut du ciel et vois notre impuissance de condamnés ; rends grâce à Ta servante X [nom] qui est tombée dans les péchés et qui, volontairement ou involontaire­ment, a causé la mort de ce qui était conçu en elle ; et à ceux qui ont été près d’elle et qui l’ont touchée, pardonne, selon Ta grande pitié. […] »[30]. L’Église donc prie pour un acte concret, considérant la fausse-couche comme inter­ruption involontaire de la ligne de vie et du devenir de l’enfant à naître.

De façon éclairante st Basile de Césarée fait la distinction suivante : « […] Il y a de nombreuses distinctions à faire entre meurtres volontaires et involontaires. C’est un meurtre totalement involontaire et éloigné de l’inten­tion de celui qui l’a commis que d’avoir [par exemple] touché un homme en lan­çant une pierre contre un chien ou vers un arbre ; le but, c’était de se dé­fendre contre la bête ou de faire tomber le fruit, le passant n’a reçu le coup que par hasard ; par conséquent, un tel fait est involontaire […] »[31].

Malgré l’irresponsabilité totale de la personne dans un tel cas, les ca­nons n’ignorent cependant pas l’acte : « Des meurtriers involontaires. Quant au meurtre involontaire, la première ordonnance exigeait sept ans dans les divers degrés pour être admis à la communion, la seconde n’en demande que cinq »[32]. Une seule explication de cette mansuétude peut être donnée ici. La “première ordonnance” est l’usage ancien, celui des trois premiers siècles[33] de la vie de l’Église, la deuxième est le présent canon. Cette distinction est bien mise en évidence par les anciennes versions canoniques.

St Grégoire de Nysse touche aussi à cette question dans son 5e canon : « […] Quant au meurtre involontaire, il fut certes jugé excusable, mais point louable ; j’ai dit cela pour expliquer pourquoi la règle traditionnelle ordonne que, même si l’on est tombé involontairement dans la souillure du meurtre, on sera [p. ex.] privé de la grâce du sacerdoce, parce que l’on aura été pro­fané par ce crime sacrilège. Le temps de purification, […], est aussi celui qu’on a cru bon d’appliquer aux meurtriers involontaires. Évidemment, même dans ce cas, la volonté du pénitent sera examinée, en sorte que si son repentir le mérite, on n’observera absolument pas le nombre des années, mais, par un chemin raccourci, on lui accordera d’être rétabli dans l’église et de participer au saint don. […] »[34].

Enfin, st Basile revient une fois de plus sur la même question : « De l’explication déjà faite sur les différences entre meurtres involontaires. Les différences que présentent les meurtres involontaires, je me rappelle les avoir exposées autant que cela m’était possible dans ma lettre d’il y a quelque temps à votre piété[35] ; je n’y puis rien ajouter, et il appartient à votre pru­dence de renforcer ou de diminuer les pénitences, selon la particularité de chaque cas »[36].

B. L’enfant après sa naissance (l’enfant né)

Parallèlement à notre première partie concernant “l’enfant à naître”, nous examinons maintenant ce qu’il en est de l’infanticide, lorsqu’il concerne un enfant né, à partir des données canoniques. Les canons envisagent deux cas de figure : a) Le meurtre de l’enfant (meurtre direct) et b) L’abandon du nouveau-né (meurtre indirect).

a) Le meurtre de l’enfant

Saint Athanase d’Alexandrie le Grand (4e siècle) s’exprime en ces termes : « […]. Même pour les autres actes de la vie, nous constaterons ces diffé­ren­ces d’appréciations selon les circonstances où ils ont lieu ; par exemple, il n’est pas permis de tuer, […] »[37]. Or “il n’est pas permis de tuer” un homme qui demeure conscient de la valeur ontologique de la vie. C’est encore beau­coup plus grave, lorsque cette tentative de meurtre concerne un enfant qui ne peut pas se défendre et qui n’arrive même pas à comprendre les raisons d’un tel infanticide.

Les raisons de l’infanticide peuvent être nombreuses. À titre d’exem­ple, les canons citent deux cas. a) « Les femmes qui se prostituent, et tuent leurs nouveau-nés […], étaient exclues de communion par l’ancienne ordonnance jus­qu’à la fin de leur vie […] »[38]. Les raisons ici pour procéder à un meurtre du nouveau-né sont la prostitution et une naissance indésirable. b) « [La femme] qui, pendant le voyage, a laissé mourir l’enfant qu’elle venait de met­tre au monde, si pouvant le sauver elle a négligé de le faire, soit qu’elle crût cacher par là son péché, soit qu’elle y fût poussée par une pensée bestiale et inhumaine, sera considérée comme coupable de meurtre. […] »[39]. Les rai­sons évoquées ici sont la négligence, le désir de cacher un péché à des pro­ches, ou “une pensée bestiale et inhumaine”. Quels que soient ces raisons ou les prétextes pour procéder à un tel acte, les canons n’acceptent aucune raison pour le faire, car une telle conduite détruit la création de Dieu et rompt la communion avec Lui.

b) L’abandon du nouveau-né (meurtre indirect)

L’abandon du nouveau-né est clairement considéré par les canons comme meurtre. C’est un meurtre indirect, mais les canons y reconnaissent les mêmes conditions préalables, les mêmes causes et les mêmes dispositions que dans le cas d’un meurtre volontaire. Aux termes de st Basile : « De celle qui a accouché d’un enfant pendant le voyage et négligé le nouveau-né. La femme qui a accouché d’un enfant pendant le voyage et négligé le nouveau-né, qu’elle ait à répondre du meurtre »[40].

Le même Père de l’Église, dans un autre canon, est encore plus expli­cite, tout en introduisant également une distinction qui constitue un critère pour l’application de l’économie. « De celle qui a mis au monde pendant le voyage. Celle qui, pendant le voyage, a laissé mourir l’enfant qu’elle venait de mettre au monde, si pouvant le sauver elle a négligé de le faire, soit qu’elle crût cacher par là son péché, soit qu’elle y fût poussée par une pensée bestiale et inhumaine, sera considérée comme coupable de meurtre. Mais si elle n’a pu l’entourer de soins, et le nouveau-né a péri par suite de la solitude et du manque du nécessaire, la mère doit en être excusée »[41].

Deux mots encore pour finir avec cette partie concernant les textes ca­noniques. Remarquons en tout ceci l’exhortation des canons adressée au corps ecclésial et la priorité donnée “à la personne et à ses dispositions”[42] quel que soit son acte.

III. L’Herméneutique canonique

L’Herméneutique canonique et les commentaires[43], faits par les cano­nistes (le moine Jean Zonaras [fin 11e s.], le patriarche d’Antioche Théodore Balsamon [1130/40-après 1195], le diacre Alexis Aristène [début 12e s.] et le saint Nicodème l’Hagiorite [fin 18e-début 19e s.]), sont conformes aux ca­nons et vont dans le même sens que les sources canoniques. L’ampleur des canons qu’on a étudiés est assez stricte pour juger l’œuvre herméneutique et les commentaires des canonistes précités. Néanmoins, on doit dire qu’ils ne font que répéter d’une manière ou d’une autre ce que les canons disent. Mais cela suffit pour nous donner une idée et nous offrir une vue globale de leur interprétation canonique sur le sujet que nous examinons ici.

Tout d’abord, s’il est permis de systématiser et de présenter l’ensemble de l’herméneutique des commentaires canoniques, on peut conclure :

1°) Les canonistes considèrent l’avortement comme un meurtre volontaire.
2°) Suivant l’optique de st Basile de Césarée, ils ne font pas de distinction entre “enfant non-formé” et “enfant déjà formé”, c’est-à-dire entre “l’enfant qui vient” et “l’enfant avant sa naissance”.
3°) Ils mettent en valeur le fait que l’Église a toujours regardé l’avortement comme un homicide.
4°) Ils montrent quelle sensibilité l’Église a eue de l’homicide volontaire (l’avortement ou toute autre sorte du meurtre), en le considérant comme une destruction de la création.
5°) Ils expliquent aussi ce que les Pères ont pensé de ceux qui tuent pour se défendre.

Cependant, il existe des cas où les canonistes avancent encore plus et se montrent plus sévères que les canons eux-mêmes. L’abandon de l’enfant en est un exemple (une seule exception) à propos duquel (de laquelle) les commen­ta­teurs sont plus stricts que l’acribie des canons. Les canonistes indiquent en effet que même si, après l’abandon arbitraire du nouveau-né, l’enfant a été sauvé en raison de l’intervention d’une autre personne, la femme qui a abandonné son enfant, demeure dans tous les cas meurtrière[44], jugement que l’on ne trouve expressis verbis nulle part dans le Corpus canonum. Probablement, veulent-ils mettre l’accent sur la responsabilité de la personne et les causes de l’action, plutôt que sur ses conséquences de fait.

Dans le cadre de l’herméneutique et des commentaires canoniques, on peut aussi faire référence au canon 102 du Quinisexte Concile œcuménique in Trullo, qui ouvre la voie royale en offrant la clé herméneutique de notre su­jet. Le canon veut souligner la priorité du salut du pécheur et met l’accent sur une orientation sotériologique et eschatologique des choses. Le texte du canon est ainsi conçu : « Qu’il faut examiner les dispositions du pécheur et la qualité du péché. Ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir de délier et de lier doivent examiner la qualité du péché et la promptitude au retour du pécheur lui-même, et alors seulement ordonner le remède approprié, de peur qu’en manquant de mesure dans l’un ou l’autre sens, il n’obtienne point le salut du malade. En effet, la maladie du péché n’est pas simple dans sa nature, mais complexe et variée, poussant des ramifications nombreuses du mal, grâce auxquelles le mal s’étend et progresse, jusqu’au moment où il est arrêté grâce au pouvoir du médecin. Le praticien de la médecine du Saint Esprit doit donc en tout premier lieu examiner la disposition du pécheur, et voir s’il tend de lui-même vers la santé, ou si au contraire par sa conduite il provoque sa propre maladie ; comment il se conduit dans le temps de la cure, s’il ne s’op­pose pas à l’art du praticien et que l’ulcère de l’âme ne s’étale pas à cause des médicaments apposés ; et mesurer la miséricorde en conséquence. La vo­lon­té de Dieu et de l’homme à qui fut confié l’office pastoral est de ramener la brebis égarée, de guérir la morsure du serpent, sans pousser l’homme dans le précipice de la désespérance, ni lui relâcher les rênes jusqu’à une vie dis­so­lue et pleine de mépris ; de toutes manières, soit par des remèdes austères et amers, soit par d’autres doux et calmants, s’opposer au mal et s’efforcer de cicatriser l’ulcère, est l’unique but de celui qui juge des fruits du repentir et avec prudence prend soin de l’homme appelé à l’illumination céleste. Donc, “il nous faut connaître les deux méthodes, celle de l’observation exacte des commandements et celle de l’expérience, et suivre, à propos de ceux qui ne consentent pas à accepter la sévérité, la méthode traditionnelle”[45], comme nous l’enseigne saint Basile »[46].

 

IV. La miséricorde de l’Église à travers son économie canonique

La priorité de la miséricorde envers l’homme, la philanthropie, est la caractéristique frappante des canons et des textes canoniques qu’on vient de citer. Dans le même canon, coexiste l’absolue sévérité en faveur du respect de “l’enfant qui vient” — sans distinction de la forme d’embryon, de fœtus et d’enfant — et du “nouveau-né”, et une totale miséricorde pour les pécheurs. En d’autres termes, l’acribie et l’économie s’allient dans le même canon.

L’occasion est bonne de rappeler que les textes canoniques sont bien structurés. Ils comportent le thématisme (la position du problème), l’exhortation (à éviter la faute ou une aberration dans la vie), et, pour ceux qui n’arrivent pas à comprendre et assumer leur responsabilité vis-à-vis de la Communauté et de la communion ecclésiales, ils proposent les épitimies spirituelles et canoniques, des mesures destinées non pas à pénaliser mais à permettre aux hommes d’évaluer leurs actes, d’y devenir sensibles en les comprenant et, finalement, de les amener au repentir (métanoia).

En réalité, comme toujours, l’essentiel demeure dans l’esprit, non dans la lettre. Et la vérité que l’esprit évoque déborde largement la lettre qui ne l’exprime que partiellement. St Basile de Césarée affirme clairement qu’“il convient de tenir davantage compte du repentir de la personne que de l’accomplissement du temps des épitimies”, dans ses propres termes, déjà mentionnés plus haut : « Il ne faut cependant pas différer leur absolution jusqu’à l’heure de la mort, mais les admettre à la pénitence des dix ans, et ju­ger de leur guérison non pas d’après le temps, mais d’après leurs dispositions »[47].

Cette voie de la miséricorde est préconisée dans un autre canon, le 74e, également de st Basile, qui est en fait un canon essentiellement interprétatif, lorsqu’il fait référence à ceux qui furent condamnés à cause des péchés préci­tés : « De ceux qui furent condamnés à cause des péchés précités. Si néan­moins chacun de ceux qui sont tombés dans les péchés précités se montre plein de zèle dans le temps de la pénitence, celui à qui la bonté de Dieu a confié le pouvoir de lier et de délier ne méritera pas de blâme s’il se montre miséricordieux et diminue la durée de la pénitence en constatant le repentir extraordinaire du pécheur, puisque le récit de l’Écriture sainte nous apprend que le repentir accompagné d’une douleur très grande obtient rapidement le pardon de la bonté de Dieu »[48]. Mais st Basile ne s’arrête pas là ; à propos de la nuance de la pénitence, il apporte les précisions suivantes : « De ceux qui font bon usage des pénitences imposées. Nous vous avons exposé tout cela afin que vous examiniez bien les fruits de la pénitence ; certainement, ce n’est pas sur la durée de la pénitence que se fondera notre jugement, mais nous ferons attention à la qualité du repentir. Si cependant ils se laissent dif­ficilement arracher à leurs habitudes, et préfèrent être esclaves [de leurs actes/plaisirs de la chair] que de servir le Seigneur et n’acceptent pas de vivre selon l’Évangile, nous n’aurons rien de commun avec eux ; on nous a en ef­fet enseigné, à propos d’un peuple désobéissant et entêté, d’obéir au précepte : “Tâche de sauver ton âme à toi”[49] »[50]. Par conséquent, « […], en cette question aussi, tout homme qui s’approche de Dieu le fasse en se jugeant lui-même en bonne conscience et toute franchise. […] »[51].

Saint Grégoire de Nysse témoigne du même avis ou plutôt de la même économie canonique lorsqu’il examine le cas du meurtrier volontaire : « […] Évidemment, la même distinction sera faite à son égard par celui qui admi­nistre l’église, et en proportion de son repentir on lui abrégera la durée de sa pénitence, en sorte qu’au lieu de neuf ans dans chaque degré il n’en fasse que huit ou sept ou six ou même cinq, si, certes, la grandeur de son repentir l’emporte sur la durée de la pénitence et que par l’ardeur mise à se corriger il surpasse ceux qui dans la longue pénitence se purifient de leur souillure avec un peu trop de nonchalance. […] »[52]. Dans l’ampleur du même canon, st Grégoire de Nysse, on l’a vu plus haut, parlant du meurtre involon­taire cette fois, évoque une réalité dans le même esprit : « […] Quant au meurtre invo­lontaire, il fut certes jugé excusable, mais point louable ; j’ai dit cela pour expliquer pourquoi la règle traditionnelle ordonne que, même si l’on est tombé involontairement dans la souillure du meurtre, […] on a été profané par ce crime sacrilège. […]. Évidemment, même dans ce cas, la volonté du pénitent sera examinée, en sorte que si son repentir le mérite, on n’observera absolument pas le nombre des années, mais, par un chemin raccourci, on lui accordera d’être rétabli dans l’église et de participer au saint don. […] »[53].

Il nous semble opportun de faire une remarque sur ce point. Le meur­tre est un comportement qui détruit de facto la création et la communion, dé­niant ainsi de l’amour qui nous unit avec Dieu. Lorsque l’Église revient par ses épitimies, elle ne le fait que pour manifester visiblement ce qui s’est passé dans la réalité spirituelle. Car il s’agit d’un comportement hu­main, procédé de notre choix en pleine liber­té, qui néanmoins détruit la communion avec Dieu Lui-même et avec les autres (membres de la Communauté). Or l’ex­communication prononcée par les canons est un acte-miroir qui indique de façon analogique cette rupture de la communion pour nous amener au re­pen­tir (la nostalgie de la communion avec Dieu et avec les autres) et à la re­cher­che de l’amour perdu ou aliéné. L’intérêt des canons ne consiste pas en ce qu’ils pénalisent juridiquement ou judiciairement l’homme pour ses actes né­gatifs et aberrants et qu’ils ôtent ainsi les culpabilités (ejnoce; ») qui dérangent jour et nuit la con­science. Le propos des canons n’est pas juri­dique pour “satisfaire la justice divine”, mais leur intérêt est focalisé et re­pose sur une orientation sotériologi­que et donc sur la perspective eschato­lo­gique de la vie.

Redisons-le, les canons sont destinés à guérir et à aider l’homme, par le moyen de la métanoia, pour qu’il mesure la portée de son acte. Le chemin de retour est toujours ouvert et il revient à Dieu de remettre les fautes et les agissements aberrants. Car, dans le fait, un tel comportement est le produit d’une mauvaise utilisation (négative) de la liberté, dont la conséquence est la rupture de la communion et l’absence d’amour qui conduisent à la consoli­dation (eJdraivwsi ») de l’individualisme et donc à l’autodéification de l’homme. L’exercice de la liberté, au sens positif, c’est l’offrande de la liberté à “l’enfant qui vient” d’être autrui et devenir un prochain. Cette liberté n’est pas une liberté à l’égard de l’autre mais une liberté voulue pour l’autre. Liberté devient ici synonyme d’amour. Nous ne pouvons aimer que si nous sommes — non pas des individus mais — des personnes, qui permettent à l’autre d’être vraiment l’autre, vraiment différent de nous, tout en demeurant en communion avec nous. Si nous aimons absolument l’autre, alors nous vivons la liberté en tant qu’amour et l’amour en tant que liberté.

Autrement dit, l’infanticide, lui, au nom de la liberté, détruit la com­munion, détruit l’amour. Tel est le sens profond des conditions préalables théologiques et des dispositions des canons. La question ne porte pas sur l’état du fœtus-embryon (formé ou non) — pour agir selon le cas sans avoir des problèmes moraux —, mais sur la sauvegarde simultanée de la liberté et de l’amour, en tant qu’expérience unitaire et unique. Sauvegarder la liberté et l’amour dans leur intégralité et tenir ensemble ces deux paramètres critiques et limitrophes de l’existence est l’enjeu de l’existence humaine. Si notre li­berté exclut l’amour, notre vie est réduite à n’être que la survie d’une indi­vi­dualité hors de toute communion.

Le sujet que nous avons été amené à traiter ne doit donc pas d’abord être considéré comme un problème moral (transgression ou non, application des canons et, par conséquent, punition et châtiment), car, dans ce cas-là, notre démarche est dépourvue de sens. Le problème n’est pas moral ni juridique, mais ontologique ; c’est une question de l’existence aimante et libre.

Par ailleurs, il existe des personnes qui, après avoir commis de péché de la maniè­re que nous examinons ici, ont pris une distance vis-à-vis des sacrements de l’Égli­se à leur propre initiative. Rappelons pour finir les dispositions que préconise saint Basile à l’égard de ceux qui ont accompli une longue péni­tence : « De ceux qui ont péché contre nature, et d’autres grands pécheurs. […]. Quant à ceux qui ont accompli une pénitence de trente ans pour l’impu­reté commise par ignorance, il n’y avait pas à hésiter de les réconcilier ; car l’ignorance les rend déjà dignes de pardon, de plus la confession faite sponta­nément et la durée d’un si long laps de temps : C’est presque pendant toute une vie d’homme qu’ils ont été livrés à Satan, pour apprendre à ne pas commettre d’impureté. Par conséquent, veuillez ordonner qu’on les réconcilie sans au­cun retard désormais, surtout s’ils implorent avec larmes votre miséricorde et montrent une vie digne de toute condescendance »[54].

« […]. Nombreux sont certes les actes menant au péché, et tous mau­vais ; mais nos Pères se sont plu à ne pas chercher à tous les préciser ni n’ont estimé important de chercher le moyen de guérir toutes les fautes pro­venant de chaque acte mauvais, bien que l’Écriture interdise non seulement les coups, mais même toute injure et tout blasphème et tout acte semblable, qu’il fait commettre ; et ils ne nous ont mis en garde par les pénitences fixées que contre le crime sacrilège du meurtre. On distinguera pour ce pé­ché selon qu’il fut volontaire ou involontaire. […] »[55]. Aux termes de st Basile : « Il appartient [donc] à votre prudence de renforcer ou de diminuer les pénitences, selon la particularité de chaque cas »[56], en nous donnant ainsi une idée d’action d’or et, de plus, la définition de l’économie canonique, qui n’est pas seulement un recul par rapport à l’acribie, comme beaucoup le pen­sent aujourd’hui, mais également la transcendance de celle-ci.

Enfin, st Athanase d’Alexandrie, s’adressant au moine Ammoun, rap­pelle un paramètre pastoral qui nous concerne directement. « Soutiens donc, cher père, dit-il, les troupeaux que tu diriges, en les exhortant avec les ensei­gnements de l’apôtre, en les charmant avec ceux de l’Évangile, en les conseillant avec ceux des psaumes et disant : “Vivifie-moi selon ta paro­le”[57] ; or “sa parole”, c’est de l’adorer d’un cœur pur ; le même prophète savait cela et l’applique pour ainsi dire à soi, en disant : “Crée en moi un cœur pur, mon Dieu”[58] afin que des pensées impures ne me troublent point ; et David ajoute : “Et soutiens-moi de ton esprit tout-puissant”[59], afin que, si jamais des pensées me troublaient, une force venant de toi me soutienne, en étant pour moi comme un contrefort de soutènement. Donne-leur ces con­seils et d’autres semblables et dit à ceux qui se laissent difficilement con­vaincre par la vérité : “J’enseignerai aux iniques vos voies”[60] ; et con­fiant dans le Seigneur que tu arrives à les convaincre de s’abstenir d’un tel vice, chante : “Et les impies se convertiront à toi”[61] »[62]

 * * * * *

En conclusion, nous devons dire que nous n’avons fait que laisser par­ler les canons ecclésiaux et les pères synodaux. Et cela parce que notre priorité était de mettre l’auditeur et le lecteur en contact avec les textes de la Tradition canonique de l’Église, qui concernent notre question, et de considérer notre sujet aussi bien dans son extension que dans sa profondeur. Ici encore, sans même y prendre garde, nous avons été amenés à montrer comment la Bioéthique entre directement ou indirectement dans l’espace de la Pastorale de l’Église. Nous aussi pouvons dire, en citant les paroles de saint Basile, que « […] ce­pendant, […], vu que par la grâce de Dieu l’Église va gagnant tou­jours plus d’influence et que le non-respect de la vie de l’enfant “qui vient” et de l’enfant “avant sa naissance” — et parfois même de l’enfant “après sa nais­sance” — est aujourd’hui devenu si fréquent et répandu, on doit prêter une attention sévère tant à la signification profonde des faits qu’au sentiment de l’Écriture sainte […] »[63]. Or la question que nous avons examinée ici n’est pas exclusivement liée à une Bioéthique prétendue orthodoxe, mais surtout elle est liée au témoignage, témoignage salutaire et eschatologique que nous por­tons, nous chrétiens, dans un monde foncièrement sécularisé où nous vivons…

 

Annexes

A. Canons “ad hoc” sur la question

(par ordre chronologique)

21/Ancyre (314) : « De celles qui tuent avec des abortifs les enfants conçus dans l’adultère. Les femmes qui se prostituent, et tuent leurs nouveau-nés ou qui cherchent à les détruire dans leur sein, étaient excommuniées par l’an­cienne ordonnance jusqu’à la fin de leur vie ; et quelques-uns approuvent cette sévérité. Nous avons adouci cette mesu­re et leur ordonnons de faire dix ans de pénitence selon les divers degrés ».
22/Ancyre (314) : « Des meurtriers. Pour les meurtres volontaires, ils de­vront être substrati (retranchés) et ne pourront être reçus complètement qu’à la fin de leur vie ».
23/Ancyre (314) : « Des meurtriers involontaires. Quant au meurtre invo­lon­taire, la première ordonnance exigeait sept ans dans les divers degrés pour être admis à la communion, la seconde n’en demande que cinq ».
2/Basile († 378) : « De celle qui s’est employée à tuer l’enfant qu’elle portait dans son sein. Celle qui a usé des moyens de tuer l’enfant qu’elle portait dans son sein est responsable d’un meurtre. La distinction entre fœtus déjà formé et fœtus non-formé n’existe pas chez nous. Dans notre cas, on ne venge pas seulement l’enfant à naître, mais on punit aussi “celui qui a attenté à sa propre vie”, vu que le plus souvent les femmes succombent à de tels actes. La mort de l’enfant à naître s’y ajoute, comme un autre meurtre, dans l’esti­mation du moins de celles qui osent cela. Il ne faut cependant pas diffé­rer leur absolution jusqu’à l’heure de la mort, mais les admettre à la pénitence des dix ans, et juger de leur guérison non pas d’après le temps, mais d’après leurs dispositions ».
7/Basile († 378) : « De ceux qui ont péché contre nature, et d’autres grands pé­cheurs. Ceux qui ont péché […], les meurtriers, les empoisonneurs, […], sont sujets à la même peine. Gardez donc à leur sujet la norme que vous avez déjà pour les autres. Quant à ceux qui ont accompli une pénitence de trente ans pour l’impureté commise par ignorance, il n’y avait pas à hésiter de les ré­concilier ; car l’ignorance les rend déjà dignes de pardon, de plus la confes­sion faite spontanément et la durée d’un si long laps de temps : c’est presque pendant toute une vie d’homme qu’ils ont été livrés à Satan, pour ap­pren­dre à ne pas commettre d’impureté. Par conséquent, veuillez ordonner qu’on les réconci­lie sans aucun retard désormais, surtout s’ils implorent avec lar­mes votre mi­séricorde et montrent une vie digne de toute condescendan­ce ».
8/Basile († 378) : « [Du meurtre et du meurtrier] Quel péché est volontaire et quel est involontaire. Celui qui, dans sa colère, s’est servi d’une hache contre son épouse est un meurtrier. Vous avez bien fait de me rappeler — et c’est digne de votre pru­dence —, de vous en parler plus longuement, car il y a de nombreuses distinctions à faire entre meurtres volontaires et involontaires. C’est un meurtre totalement involontaire et éloigné de l’intention de celui qui l’a commis que d’avoir touché un homme en lançant une pierre contre un chien ou vers un arbre ; le but, c’était de se défendre contre la bête ou de faire tomber le fruit, le passant n’a reçu le coup que par hasard ; par conséquent, un tel fait est involontaire. De l’involontaire aussi, c’est de frapper quelqu’un avec une lanière ou un bâton flexible pour l’amener à de meilleurs sentiments et que celui-ci meure sous les coups ; c’est l’intention qu’il faut examiner ici : qu’il voulait corriger le pécheur, non le tuer. Parmi les invo­lontaires aussi est à placer le fait qu’en se défendant dans une lutte on a porté des coups sans merci avec un bâton ou de la main contre les parties vitales, pour faire du mal, non pour tuer ; bien que cela approche déjà du volon­tai­re, car celui qui s’est servi d’un tel instrument pour sa défense ou qui a porté le coup sans merci, démontre qu’il n’a pas voulu épargner son adver­saire, parce qu’il était emporté par sa passion. Également, celui qui s’est même servi d’un lourd bâton ou d’une pierre plus grande que ne le permet la force humaine, est rangé parmi les meurtriers involontaires, se proposant de faire autre chose que ce qu’il a fait ; car, sous l’effet de la colère, il porta un tel coup que l’adversaire frappé en mourut, bien que son intention fût de lui rompre peut-être les os, non de le tuer complètement. Tandis que celui qui s’est servi d’une épée ou d’un objet semblable n’a aucune excuse, surtout ce­lui qui a lancé la hache ; car il n’a pas frappé de la main, de manière à pou­voir mesurer ses coups, mais il a lancé la hache, en sorte que le coup fut for­cément fatal par suite du poids du fer, de son tranchant et de l’élan imprimé. Volontaire est encore, totalement et sans laisser de doute, le fait des bandits et des combats de guerre ; ceux-là, en effet, voulant avoir l’argent, tuent afin d’échapper à toute investigation, et ceux qui sont en guerre en viennent à tuer en se proposant ouvertement, non de faire peur ou de corriger, mais de tuer les adversaires. Également, même si quelqu’un, pour un motif de magie, verse à boire un philtre et cause la mort, nous considérons cela comme un meurtre volontai­re ; ainsi agissent souvent les femmes, cherchant au moyen d’incantations et de charmes à se faire aimer par les hommes et leur faisant prendre des philtres qui provoquent des étourdis­se­ments d’esprit ; celles-là, si elles causent la mort, bien qu’elles se fussent proposé autre chose que ce qu’elles firent, ce­pendant sont comptées parmi les meurtriers volon­taires, à cause de la magie et de l’interdiction des pratiques de cette sorte. Celles-là aussi qui donnent les poisons abortifs sont des meurtrières, comme celles qui reçoivent les poisons à tuer les enfants qu’elles portent dans leur sein. En voilà donc pour ces cas ».

33/Basile († 378) : « De celle qui a accouché d’un enfant pendant le voyage et négligé le nouveau-né. La femme qui a accouché d’un enfant pendant le voyage et négligé le nouveau-né, qu’elle ait à répondre du meurtre ».
52/Basile († 378) : « De celle qui a mis au monde pendant le voyage. Celle qui, pendant le voyage, a laissé mourir l’enfant qu’elle venait de mettre au monde, si pouvant le sauver elle a négligé de le faire, soit qu’elle crût cacher par là son péché, soit qu’elle y fût poussée par une pensée bestiale et in­hu­maine, sera considérée comme coupable de meurtre. Mais si elle n’a pu l’entourer de soins, et le nouveau-né a péri par suite de la solitude et du manque du nécessaire, la mère doit en être excusée ».
54/Basile († 378) : « De l’explication déjà faite sur les différences entre meur­tres involontaires. Les différences que présentent les meurtres involon­tai­res, je me rappelle les avoir exposées autant que cela m’était possible dans ma lettre d’il y a quelque temps à votre piété ; je n’y puis rien ajouter, et il ap­partient à votre prudence de renforcer ou de diminuer les pénitences, selon la particularité de chaque cas ».
56/Basile († 378) : « Des meurtriers volontaires. Celui qui a tué volontaire­ment, puis s’en est repenti, restera vingt ans sans communier aux dons sanc­tifiés. Les vingt années lui seront comptées de la manière suivante : pendant quatre ans, il devra être avec les pleurants se tenant à l’extérieur de la porte de la maison de prière, et demandera aux fidèles qui entrent de prier pour lui, en confessant publiquement son iniquité ; après ces quatre ans, il sera reçu parmi les auditeurs et sortira avec eux de l’église, cela pendant cinq ans ; pendant sept ans, il priera avec les prosternés et sortira de l’église avec eux ; pendant quatre ans, il assistera simplement parmi les fidèles, mais ne participera pas à l’offrande ; et lorsque tout cela sera accompli, il prendra part aux dons sanctifiés ».
57/Basile († 378) : « Des meurtres involontaires. Celui qui a tué involontaire­ment restera dix ans sans communier aux dons sanctifiés. Les dix ans lui se­ront fixés de la manière suivante : il sera deux ans parmi les pleurants, trois avec les auditeurs, quatre parmi les prosternés, il assistera simplement pen­dant un an et ensuite il sera admis aux saints dons ».
5/Grégoire Nys. († 395) : « (a) De la partie irascible de l’âme. Il nous reste encore à procéder à l’examen de la partie irascible de l’âme, lorsque celle-ci, délaissant le bon usage de la colère, tombe dans le péché. Nombreux sont certes les actes de la colère menant au péché, et tous mauvais ; mais nos Pères se sont plu à ne pas chercher à tous les préciser ni n’ont estimé impor­tant de chercher le moyen de guérir toutes les fautes provenant de la colère, bien que l’Ecriture interdise non seulement les coups, mais même toute in­jure et tout blasphème et tout acte semblable, que la colère fait commettre ; et ils ne nous ont mis en garde par les pénitences fixées que contre le crime sacrilège du meurtre. On distinguera pour ce péché selon qu’il fut volontaire ou involontaire. Parmi les meurtres sera volontaire premièrement celui qu’on a osé perpétrer après préméditation, en arrangeant tout pour com­mettre ce crime sacrilège ; on a ensuite compté parmi les meurtres volon­taires, si quelqu’un dans une rixe et un combat, donnant et recevant des coups, porte de sa propre main un coup fatal contre l’adversaire ; car à celui qui fut déjà dominé par l’ire et s’est abandonné à l’explosion de la colère, il ne saurait pendant l’emporte­ment de la passion venir à l’esprit aucun des moyens capables d’arrêter le mal ; par conséquent, le meurtre qui a résulté de la rixe sera at­tribué à la volonté libre comme son œuvre et non point à un hasard malheu­reux. Quant aux meurtres involontaires, ils ont pour signe dis­tinctif évident, qu’en s’appliquant à autre chose l’on commet par un hasard malheureux quelque chose d’irréparable. En cette matière donc, le vrai meurtre requiert trois périodes de temps pour ceux qui, repentant, font péni­tence pour le crime sacrilège volontaire ; en ef­fet, ils ont à accomplir trois séries de neuf ans, neuf ans étant fixés pour chaque degré ; ainsi dans la to­tale excommunication le meurtrier passera neuf ans exclu de l’église ; autant d’années, il demeurera parmi les auditeurs, autorisés à n’entendre que la lecture des Pères et celle de l’Écriture et à y assis­ter avec le peuple fidèle ; la troisième série de neuf ans, il priera avec les prosternés pénitents et alors seulement il en arrivera à la participation au saint don. Évidemment, la même distinction sera faite à son égard par celui qui administre l’église, et en proportion de son repentir on lui abrègera la durée de sa pénitence, en sorte qu’au lieu de neuf ans dans chaque degré il n’en fasse que huit ou sept ou six ou même cinq, si certes la grandeur de son repentir l’emporte sur la durée de la pénitence et que par l’ardeur mise à se corriger il surpasse ceux qui dans la longue pénitence se purifient de leur souillure avec un peu trop de noncha­lance. Quant au meurtre involontaire, il fut certes jugé excu­sable, mais point louable ; j’ai dit cela pour expliquer pourquoi la règle tradition­nelle ordonne que, même si l’on est tombé involontairement dans la souillure du meurtre, on sera privé de la grâce du sacerdoce, parce que l’on aura été profané par ce crime sacrilège. Le temps de purification, fixé pour la simple fornication, est aussi celui qu’on a cru bon d’appliquer aux meurtriers involontaires. Évidemment, même dans ce cas, la volonté du pénitent sera examinée, en sorte que si son repentir le mérite, on n’observera absolument pas le nombre des années, mais, par un chemin raccourci, on lui accordera d’être rétabli dans l’église et de participer au saint don.

(b) De ceux qui, avant d’accomplir le temps de leur pénitence, sont sur le point de trépasser. Si d’autre part, quelqu’un avant d’avoir accompli le temps fixé par les règles traditionnelles trépasse, la miséricorde de nos pères veut qu’il entreprenne ce dernier et long voyage, après avoir reçu les dons sancti­fié, et non point privé du viatique. Si cependant après avoir pris part au don sanctifié, il revient à la vie, il attendra le temps fixé, restant dans le degré même de pénitence, dans lequel il se trouvait au moment où par nécessité il avait reçu la communion ».
91/Quinisexte (691) : « Des peines canoniques contre celles qui donnent et reçoivent des poisons abortifs. Les femmes qui procurent les remèdes abor­tifs et celles qui absorbent les poisons destinés tuer l’enfant qu’elles por­tent, nous les soumettons à la sanction canonique du meurtrier ».

 

B. Canons “non ad hoc” sur la question

(par ordre chronologique)

27/Apôtres (2e-3e s.) : « De tout clerc qui bat les fidèles pécheurs. Si un évêque, un prêtre ou un diacre frappe les fidèles pécheurs, ou les infi­dèles qui ont fait du mal, et veut par là leur faire peur, nous ordonnons que celui-là soit déposé ; car le Seigneur ne nous a nulle part enseigné cela, bien au contraire, frappé, il n’a pas rendu les coups, “insulté, il n’a pas insulté en retour, sou­mis à des souffrances, il n’a pas menacé de les rendre” ».
66/Apôtres (2e-3e s.) : « De celui qui a donné un seul coup à quelqu’un et l’a tué. Si un clerc pendant une dispute frappe quelqu’un et le tue du premier coup donné, qu’il soit déposé pour ne s’être pas dominé. Si c’est un laïc, qu’il soit excommunié ».
12/Ier (325) : « De ceux qui ont quitté les rangs de l’armée, puis retournèrent dans le “éon présent”. […] Mais pour ces pénitents il faut avoir soin d’étudier leurs sentiments et leur genre de contrition ; en effet, ceux d’entre eux qui avec crainte et des larmes accompagnées de pa­tience et de bonnes œuvres, montrent ainsi par des faits la sincérité d’un re­tour réel, après avoir ac­compli le temps de leur pénitence parmi les audientes, pourront être admis à prier avec les fidèles, et il dépend même de l’évêque de les traiter avec quelque plus d’indulgence. Quant à ceux qui sup­portent avec indifférence la pénitence imposée et pensent que cette sorte d’admission à l’Église suffit à leur retour, ceux-là seront tenus de faire tout le temps prescrit ».
13/Ier (325) : « De ceux qui demandent à être reçus à la communion à l’heure de la mort. On doit observer à l’égard des mourants l’antique et tradition­nelle loi de ne pas priver du dernier et si nécessaire viatique celui qui est près de mourir. Si après avoir été dans un état désespéré et admis à la com­munion, il revient à la vie, il doit être placé parmi ceux qui ne participent qu’à la prière, jusqu’à l’accomplissement du temps fixé par ce grand Concile œcuménique. De même, l’évêque ne doit donner l’eucharistie qu’après en­quête à toute per­sonne qui, étant sur ce point de mourir, la demande ».
1/Athanase († 373) : « […]. Car, même pour les autres actes de la vie, nous constaterons ces différences d’appréciations selon les circonstances où ils ont lieu ; par exemple, il n’est pas permis de tuer, […] ».
3/Basile († 378) : « […] Voilà ce qu’il en est des normes reçues de pénitence. Mais la vraie guérison, c’est de fuir le péché ; par conséquent, celui qui a trahi la grâce pour le plaisir charnel nous donnera la parfaite preuve de sa guérison en châtiant sa chair et la soumettant entièrement à la tempérance par la fuite des plaisirs qui ont causé sa ruine. Il nous faut donc connaître les deux voies, celle de la stricte observance et celle de la coutume, et suivre la norme établie par l’usage à l’égard de ceux qui se refusent à la sévérité ».
11/Basile († 378) : « De ceux qui ont tué involontairement. Celui qui a commis le meurtre involontaire est suffisamment puni par la pénitence de onze ans ; il est évident qu’à propos des blessés nous observerons la remarque de Moïse, et celui qui s’est affaissé sous les coups reçus, mais s’est remis à marcher en s’appuyant sur son bâton, nous ne le considérerons pas comme un homme tué ; et même s’il ne s’est pas relevé après les coups, le donneur des coups, parce qu’il ne s’est pas proposé de le faire mourir, sera certes un meurtrier, mais involontaire à cause de son intention ».
13/Basile († 378) : « De ceux qui ont tué en guerre. Les meurtres commis pen­dant les combats de la guerre, nos pères ne les ont pas considérés comme des meurtres, excusant par là, me semble-t-il, ceux qui ont pris la défense de la justice et de la religion. Il serait cependant bien de leur conseiller de s’abstenir de la communion seule pendant trois ans, parce qu’ils n’ont pas les mains pures ».
43/Basile († 378) : « De celui qui a donné à son prochain un coup mortel. Celui qui a donné à son prochain un coup causant la mort est un meurtrier, soit qu’il ait commencé, soit qu’il fût en état de défense ».
55/Basile († 378) : « De ceux qui entrèrent en campagne contre les bandits. Ceux qui entrèrent en campagne contre les bandits, si ce sont des laïcs, seront privés de la participation aux saints dons ; et s’ils sont clercs, déposés ; car “Quiconque s’est servi de l’épée, dit l’Écriture, périra par l’épée” ».
74/Basile († 378) : « De ceux qui furent condamnés à cause des péchés précités. Si néanmoins chacun de ceux qui sont tombés dans les péchés précités se montre plein de zèle dans le temps de la pénitence, celui à qui la bonté de Dieu a confié le pouvoir de lier et de délier ne méritera pas de blâme s’il se montre miséricordieux et diminue la durée de la pénitence en constatant le repentir extraordinaire du pécheur, puisque le récit de l’Écriture sainte nous apprend que le repentir accompagné d’une douleur très grande obtient rapi­dement le pardon de la bonté de Dieu ».
84/Basile († 378) : « De ceux qui font bon usage des pénitences imposées. Nous vous avons exposé tout cela afin que vous examiniez bien les fruits de la péni­tence ; certainement, ce n’est pas sur la durée de la pénitence que se fon­dera notre jugement, mais nous ferons attention à la qualité du repentir. Si cepen­dant ils se laissent difficilement arracher à leurs habitudes, et préfè­rent être esclaves des plaisirs de la chair que de servir le Seigneur et n’acceptent pas de vivre selon l’Évangile, nous n’aurons rien de commun avec eux ; on nous a en effet enseigné, à propos d’un peuple désobéissant et entêté, d’obéir au précepte : “Tâche de sauver ton âme à toi” ».
102/Quinisexte (691) : « Qu’il faut examiner les dispositions du pécheur et la qualité du péché. Ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir de délier et de lier doivent examiner la qualité du péché et la promptitude au retour du pécheur lui-même, et alors seulement ordonner le remède approprié, de peur qu’en manquant de mesure dans l’un ou l’autre sens, il n’obtienne point le salut du malade. En effet, la maladie du péché n’est pas simple dans sa nature, mais complexe et variée, poussant des ramifications nombreuses du mal, grâce auxquelles le mal s’étend et progresse, jusqu’au moment où il est arrêté grâce au pouvoir du médecin. Le praticien de la médecine du Saint Esprit doit donc en tout premier lieu examiner la disposition du pécheur, et voir s’il tend de lui-même vers la santé, ou si au contraire par sa conduite il provoque sa propre maladie ; comment il se conduit dans le temps de la cure, s’il ne s’oppose pas à l’art du praticien et que l’ulcère de l’âme ne s’étale pas à cause des médicaments apposés ; et mesurer la miséricorde en conséquence. La vo­lonté de Dieu et de l’homme à qui fut confié l’office pastoral est de ramener la brebis égarée, de guérir la morsure du serpent, sans pousser l’homme dans le précipice de la désespérance, ni lui relâcher les reines jusqu’à une vie dis­solue et pleine de mépris ; de toutes manières, soit par des remèdes austères et amers, soit par d’autres doux et calmants, s’opposer au mal et s’efforcer de cicatriser l’ulcère, est l’unique but de celui qui juge des fruits du repentir et avec prudence prend soin de l’homme appelé à l’illumination céleste. Donc, “il nous faut connaître les deux méthodes, celle de l’exacte observation des commandements et celle de l’expérience, et suivre, à propos de ceux qui ne consentent pas à accepter la sévérité, la méthode traditionnelle”, comme nous l’enseigne saint Basile ».

 

Sommaire

Texte

Status Quaestionis

I. Les Textes canoniques “non ad hoc

• La “Didachè des Douze Apôtres”
• La “Lettre à Diognète”

II. Les Canons (Corpus canonum) de l’Église

A. L’enfant “avant sa naissance” (l’enfant conçu et le fœtus)

a) L’avortement (meurtre volontaire)
b) La fausse-couche (“meurtre involontaire”)

B. L’enfant “après sa naissance” (l’enfant né)

a) Le meurtre de l’enfant (meurtre direct)
b) L’abandon du nouveau-né (meurtre indirect)

III. L’Herméneutique canonique

IV. La miséricorde de l’Église à travers son économie canonique

Annexes

A. Canons “ad hoc” sur la question (par ordre chronologique)
B. Canons “non ad hoc” sur la question (par ordre chronologique)

 


[1]   Texte publié dans BioÉthique orthodoxe (Actes du 3e Colloque-15 avril 2000), t. III, Paris, Association orthodoxe d’Études Bio-Éthiques/Institut de Théologie Orthodoxe Saint-Serge, 2001, p. 57-102, et dans Usk ja Elu [Tallinn], vol. 7 (1/2009), p. 19-43 (en estonien).
[2]   Jn 14, 6.
[3]   Cf. Gn 1, 26-27.
[4]   Canon 87/Basile ; souligné par nous.
[5]   Didachè des Douze Apôtres, I, 1-2 ; souligné par nous.
[6]   Ibid., II, 1-2.
[7]   Ibid., IV, 14.
[8]   Lettre à Diognète, V, 6 ; souligné par nous.
[9]   J.-P. Audet, La Didaché. Instructions des Apôtres, Paris, J. Gabalda et Cie (coll. Études Bibliques), 1958, p. 288.
[10]  Cf. Ex 21, 22.
[11]  Ibid., p. 289.
[12]  Didachè des Douze Apôtres, III, 1.
[13]  Ibid., I, 2.
[14]  Ibid.
[15]  Ibid., V, 1. 3.
[16]  Ibid., VI, 1.
[17]  Canon 87/Basile.
[18]  Canon 2/Basile.
[19]  Canon 22/Ancyre.
[20]  Canon 91/Quinisexte.
[21]  Canon 2/Basile.
[22]  Cf. Ex. 21, 22-25.
[23]  Voir le commentaire canonique sur le canon 2/Basile de Th. Balsamon, in Syntagma, vol. 4, p. 98.
[24]  Canon 7/Basile.
[25]  Canon 21/Ancyre ; souligné par nous.
[26]  Canon 8/Basile.
[27]  Canon 56/Basile.
[28]  Canon 5/Grégoire Nysse ; souligné par nous.
[29]  Canon 7/Basile ; souligné par nous.
[30]  Voir Euchologe ou Rituel de l’Église orthodoxe (Textes réunis et traduits par l’Archimandrite Alexandre Nelidow et Antoine NiviÈre), éd. Paix, Messager du Monastère orthodoxe français Saint Nicolas de la Dalmerie, Le Bousquet d’Orb, 1979, p. 4-5. De même, D. Guillaume (édité par) Grand Euchologe et Arkhiératikon, Parma, Dia­conie Apostolique, 1992, p. 10-11. Texte rectifié par nous à partir du texte original hel­lène.
[31]  Canon 8/Basile.
[32]  Canon 23/Ancyre.
[33]  Voir supra. De même, cette “première ordonnance” peut être discernée dans le canon sui­vant : « Des meurtres involontaires. Celui qui a tué involontai­rement restera dix ans sans communier aux dons sanctifiés. Les dix ans lui seront fixés de la manière suivante : il sera deux ans parmi les pleurants, trois avec les auditeurs, quatre parmi les prosternés, il assis­tera simplement pendant un an et ensuite il sera admis aux saints dons » (canon 57/Ba­si­le).
[34]  Canon 5/Grégoire Nysse.
[35]  Il fait référence à son canon 8 (voir supra, et dans l’Annexe A), qui est une lettre cano­nique (épître A) à Amphiloque, évêque d’Iconium.
[36]  Canon 54/Basile ; souligné par nous. Là, c’est vraiment la définition de l’Économie adop­tée au sein de l’Église.
[37]  Canon 1/Athanase.
[38]  Canon 21/Ancyre.
[39]  Canon 52/Basile.
[40]  Canon 33/Basile.
[41]  Canon 52/Basile.
[42]  Cf. le commentaire canonique sur le canon 101/Quinisexte de Th. Balsamon, in Syntag­ma, vol. 2, p. 520.
[43]  Voir les deux collections canoniques commentées de l’Église orthodoxe, a) G. A. Rhallis-M. Potlis, Syntagma des saints Canons [Recueil de canons], t. i-vi, Athènes, 1852-1859 (en grec), et b) Pidalion [Recueil de canons] des St Nicodème l’Hagiorite et Agapios Léonardos, édité à Leibzig en 11800 ; Athènes, Astir, 111993, 789 p. (en grec). De même, sa traduction en anglais [faite par D. Cummings] : The Rudder of the Orthodox Catholic Church, Chicago, The Orthodox Christian Educational Society, 11957 ; New York, 21983, 1084 p. Cf. Kormchaïa Kniga (11649-1653) et Kniga Pravil (11839).
[44]  Voir le commentaire canonique sur le canon 33/Basile de Th. Balsamon, in Syntagma, vol. 4, p. 176.
[45]  Citation du canon 3/Basile, in fine.
[46]  Canon 102/Quinisexte.
[47]  Canon 2/Basile.
[48]  Canon 74/Basile.
[49]  Gn 19, 17.
[50]  Canon 84/Basile.
[51]  Canon 4/Denys.
[52]  Canon 5/Grégoire Nysse.
[53]  Canon 5/Grégoire Nysse.
[54]  Canon 7/Basile.
[55]  Canon 5/Grégoire Nysse ; adapté par nous au cadre de notre propos.
[56]  Canon 54/Basile ; souligné par nous. Cf. le commentaire canonique sur le canon 2/Basile de Th. Balsamon, in Syntagma, vol. 4, p. 98.
[57]  Ps 118, 17.
[58]  Ps 50, 11.
[59]  Ps 50, 13.
[60]  Ps 50, 14.
[61]  Ibid.
[62]  Canon 1/Athanase.
[63]  Canon 18/Basile.