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LA CONFESSION

Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde, et dans ton immense compassion, efface mon péché.

Me souvenant de la multitude de mes mauvaises actions, pécheur que je suis, je redoute le jour terrible du jugement, mais espérant ta miséricorde et ta compassion, je m’écrie comme David : Aie pitié de moi. ô Dieu, selon ta grande miséricorde.
(Triode. Temps du Carême)

Temps privilégié pour le repentir, la prière et l’humilité, la période du Grand Carême doit être aussi, pour les chrétiens, le temps de la confession sacramentelle de leurs péchés.
La confession, on le sait, traverse une grave crise. On ne se confesse plus guère tout en continuant à communier allègrement, oubliant un peu vite le mot terrible de Syméon le Pieux, le père spirituel de saint Syméon le Nouveau Théologien « Frère, ne communie jamais sans larmes ».

Si l’on ne se confesse plus, il nous semble que c’est pour deux raisons principales qui ne sont pas sans rapport.

La première est qu’on est englué dans une conception juridique et morale du péché, alors qu’il est une maladie. On prend la confession pour un tribunal, alors que c’est une clinique. Le prêtre orthodoxe accueille le pénitent en lui disant « Ne me cache rien, tu doublerais tes péchés. Tu es venu vers le Médecin, crains de repartir non guéri. »

Nous n’allons pas au confessionnal pour y être jugés nais pour y être guéris. Notre Père céleste ne nous juge pas à la manière des magistrats de ce monde. Il lui suffit d’être ce qu’il est, à savoir la source de la Vie, c’est-à-dire de l’Esprit qu’il fait reposer en plénitude sur son Fils. Lors donc que nous péchons, nous sommes automatiquement «jugés» par l’existence du Père céleste en ce sens que nous nous coupons de la source de Vie.

Les chrétiens de ce temps, coincés dans une conception moralisante du péché, ont tendance à croire que dès lors qu’ils ne sont ni gangsters, ni criminels, ni adultères, ils n’ont rien à confesser. Or, les textes liturgiques de l’Eglise orthodoxe parlent de « péchés involontaires » : tout péché, toute médisance, toute colère, toute impatience, toute méchanceté, toute jalousie, toute intempérance, toute impureté est un refus de la mort à nous-mêmes, le dépouillement nécessaire de soi pour que le Père puisse nous combler de sa Gloire, le Fils nous inonder de sa Lumière, l’Esprit Saint nous remplir de sa Vie et de son Amour. Se confesser, c’est se rendre compte que, si peu que nous ayons péché, nous sommes malades parce que séparés de la Vie, nous vivotons d’une misérable petite vie morte. La confession est l’acte qui nous fait prendre conscience de notre maladie et de notre mort. Et c’est uniquement par l’expérience consciente de la mort que l’homme peut approcher la révélation de la Vie, la possibilité de ressusciter à Pâques avec le Christ.

La seconde raison pour laquelle on ne se confesse plus, c’est qu’on est aussi englué dans une fausse conception de l’Eglise qui réduit celle-ci à un ensemble d’institutions extérieures à l’homme alors qu’elle est essentiellement la matrice dans laquelle nous sommes engendrés à la Vie du Père.

Créés à la réplique de Dieu et selon sa ressemblance nous ne sommes, comme lui, des personnes que dans la communion avec les autres personnes; nous croyons en un seul Dieu qui n’est pas seul mais trois. Dire que nous sommes à son image et créés pour lui ressembler, c’est dire que rien de ce qui nous arrive n’est une affaire individuelle. Nous ne saurions nous réconcilier avec le Christ en dehors de son Epouse. Saint Paul nous dit que lorsqu’un membre du corps du Christ est malade, c’est tout le corps qui est malade. Les chrétiens d’aujourd’hui feraient bien de méditer la belle formule de Jeanne d’Arc devant ses juges : « De Jésus-Christ et de l’Eglise il m’est avis que c’est tout un. » La confession est la fin de la solitude humaine.

« Puisque nous n’avons aucune assurance à cause de nos péchés sans nombre, implore celui qui est né de toi, ô Vierge, Mère de Dieu! Car elle est puissante, la prière d’une Mère, pour obtenir la faveur du Maître. Ne méprise pas les supplication des pécheurs, ô toute vénérable, car il est miséricordieux et puissant pour sauver, Celui qui accepta de souffrir pour nous dans sa chair ! »

 

R.P. André BORRELY

(paru dans SYNAXE N°11)