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MESSAGE DU METROPOLITE A L’ASSEMBLEE GENERALE DE L’EGLISE

Frères très aimés en Christ, les Evêques de Tartu Elias, de Pärnu-Saare Alexandre et de Christopolis Makarios,

Très respectés Archontes,

Bien-aimés Prêtres et Diacres de notre Eglise,

Chères Sœurs de la Skite Saint Jean,

Estimables Délégués de nos Paroisses,

 

Une fois encore, comme nous le faisons régulièrement depuis juin 1999, nous voici réunis ici, dans la communion du Saint Esprit et sous le regard de Saint Platon, notre Saint Evêque Martyr, pour rendre compte de notre gestion annuelle. Quand je dis que nous avons pour obligation de nous réunir dans la communion du Saint Esprit, c’est pour bien souligner devant vous ce qui semble avoir été perdu de vue ces derniers temps, à savoir la dimension sacramentelle qui devrait être prioritaire et régir toutes nos actions et tous nos engagements. Dans ce sens, la mise en pratique de nos statuts actuels (qui, dès leur origine, ont, selon moi, puisé leurs racines dans une vision à tendance plutôt sécularisée de la société ), fait apparaître des disfonctionnements évidents, lesquels aliènent notre vécu ecclésial et spirituel parce que non-conformes par moments à la juste pratique (orthopraxie ) ecclésiale de l’Eglise Orthodoxe.

Nous sommes certes de ce monde et nous nous plions aux lois de la société au sein de laquelle nous évoluons et nous faisons le nécessaire, tous autant que nous sommes, pour  gérer notre maison « en bons pères de famille », avec intelligence, diligence et parcimonie . Mais aussi nous ne sommes pas de ce monde et à cause de cela nous ne pouvons pas ne pas agir d’abord selon la volonté de Dieu, selon ce que nous demande le Seigneur dans son Evangile. Ce lien entre les choses de ce monde et les choses à venir dans le Royaume de Dieu semble n’avoir pas été suffisamment compris par les membres de notre Eglise, à quelque poste de responsabilités pastorales ou administratives où ils s’y trouvent. Pour cette raison, il arrive que les rapports entre les personnes se soldent par des conflits et non selon ce qui est propre à l’Eglise du Christ, c’est-à-dire dans la concorde et l’amour.

Pour corriger ce dysfonctionnement entre le spirituel et le temporel, j’ai décidé qu’un nouveau chantier de révision de nos statuts sera mis en place dès le mois d’octobre prochain. Il se déroulera en trois étapes : une première avec une commission de prêtres au mois d’octobre prochain sous la responsabilité de notre Vicaire Général le Révérend Archiprêtre Matthias Palli ; une deuxième en décembre au cours de laquelle notre Saint Synode étudiera les propositions de la dite commission ; une troisième en mars 2017 avec tout le clergé et les membres laïcs des conseils épiscopaux en vue d’un dernier ajustement du texte révisé de nos statuts. Espérons qu’il sera prêt à être discuté et adopté au prochain Taiskogu de 2017.

Nous parlons et nous agissons comme si nous étions totalement étrangers au fait que dans l’Eglise tout est vécu au nom de la Sainte Trinité et sous la guidance du Saint Esprit. Encore une fois : sans chercher à fermer les yeux sur un minimum de moyens matériels qui sont à notre disposition dans le seul but de faciliter notre tâche ici bas, je rappelle avec force que la mission première de l’Eglise ne peut être que spirituelle afin d’unir le corps des fidèles, de le soutenir, de l’ éduquer, de l’ élever dans tous les moments de son existence, de le mettre sur le chemin de la vérité, de le guérir de toutes les déviations spirituelles et morales qui régissent chaque époque terrestre ; d’offrir au monde son témoignage évangélique propre, en d’autres termes de manifester la seule vérité de Dieu à « toutes les nations », ainsi que nous le demande le Christ ressuscité dans Matthieu 28,29-30 : « Allez, nous dit-il, enseignez toutes les nations ; baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Apprenez- leur à observer tout ce que je vous ai prescrit ».

Le monde a soif de vérité, d’espérance, de lumière, de vie, d’authenticité. Rester dans la communion du Saint-Esprit, c’est lui assurer et lui garantir un statut d’existence libre de tout mensonge, de faux compromis, d’opportunités douteuses, de démonstrations et de fanfaronnades aussi inutiles qu’idiotes. Vivre dans la communion du Saint Esprit, c’est refuser de s’installer dans une religion figée pour ne pas dire morte  et de professer des exagérations religieuses sans contenu, superficielles et hypocrites ; c’est tourner le dos à une foi tiède et sans personnalité aucune, sous le prétexte bien connu et sans fondement qu’on ne peut pas ne pas faire « comme les autres puisqu’il en a toujours été ainsi ».

Aussi, je vous laisse à votre propre examen de conscience. A chacun d’entre nous sans exception je pose cette question avec force et insistance : qu’avons-nous fait jusqu’à présent de notre Eglise? Surtout, qu’allons-nous faire d’Elle à l’avenir?…

Et je ne puis vous cacher que, lorsque je jette régulièrement mon regard sur toute l’étendue de notre territoire ecclésiastique, il m’arrive par moments de me demander pourquoi mon âme est à ce point « triste à en mourir »? Est-ce parce que nous nous laissons séduire si facilement par l’emprise de plus en plus prenante de la sécularisation ? Est-ce parce que, au lieu d’avoir le courage d’affirmer notre foi, nous cherchons à nous justifier par notre tiédeur de cœur et d’esprit, par notre tendance à utiliser le double langage, par l’aliénation de notre théologie et sa présentation non pas comme l’expression de la seule et unique Vérité mais comme un amalgame d’un enseignement religieux sous l’influence de la seule logique sans aucune dimension du mystère de la Foi, sous la justification du compromis et sous le signe d’une orientation pastorale purement temporelle? Il y a sans doute du vrai dans tout cela mais il y a aussi plus que cela.

Ce plus, c’est le cœur de l’homme. Je ne me hasarderai pas de le violer. Voilà pourquoi j’ai dit : je vous laisse à votre propre examen de conscience.

Pour moi, n’est pas « Orthodoxe » qui veut ou qui prétend l’être. Sans une foi véritable, sans une ascèse authentique, il n’y a pas de vécu « orthodoxe ». Cela s’apprend par la prière, la présence assidue aux offices liturgiques, la participation régulière aux sacrements, surtout de la confession et de l’eucharistie, l’obéissance aux commandements de Dieu, le respect et la prise en compte de son prochain, l’effort permanent pour que règne partout où nous nous trouvons, la paix, la concorde, l’amour, et le respect des saints canons promulgués par les Saints Conciles Œcuméniques. Cela se gagne par l’espérance et la certitude de la vie éternelle en Christ ressuscité et non pas par la tentation de l’argent, de la vaine gloire et du pouvoir, dont la seule conséquence est la division.

C’est bien cela notre affaire à tous. Elle nous concerne tous et plus particulièrement nous, les membres du clergé et vous, les délégués des communautés paroissiales, qui êtes les garants et les édificateurs de cette vie en Christ, là où vous avez été choisis et élus par vos membres pour cette mission spécifique et prioritairement spirituelle et ecclésiastique.

Pour terminer cette réflexion, dont la seule prétention est de se vouloir comme un nouveau point de départ pour un vrai changement collectif de mentalité – un changement total de mentalité sans lequel tout ne restera que lettre morte – je désire adresser quelques mots à notre Clergé en guise de conclusion.

Le sacerdoce est le plus élevé et l’unique Ministère au monde qui découle directement de l’économie et de la condescendance de Dieu. Il a pour raison et pour cause la sanctification et le salut de tout être qui vient au monde.

-Parce que le prêtre accorde le pardon de Dieu à ceux qui se repentent,

-parce qu’il célèbre la Divine Liturgie « pour la rémission des péchés et la vie éternelle »,

-parce qu’il ne cesse de prier pour tous et qu’il aide chacun dans son difficile combat spirituel,

-parce qu’il annonce au monde la vérité vivifiante du Christ,

-parce qu’il accueille et visite le pauvre, le faible, le miséreux, le prisonnier, le malade et toute personne dans la souffrance et la nécessité spirituelles, morales ou matérielles,

-parce qu’il est celui qui distribue sans limite la grâce, la bénédiction et l’amour du Christ autour de lui,

il faut :

-qu’il soit saisi par la crainte de Dieu, qui est avant tout respect et confiance ;

-qu’il déborde d’humilité, d’amour, de foi, de piété, de pureté, de sainteté de vie ;

-qu’il gagne le cœur des ses ouailles et des autres surtout par son exemple de vie, son zèle, ses bonnes dispositions, son attachement et sa fidélité envers son Eglise et son enseignement.

Si le plus grand don de grâce qui est fait par Dieu à l’homme est bien celui du sacerdoce, il n’en est pas moins vrai que le prêtre est aussi marqué, comme chacun d’entre nous, par ses propres faiblesses. Je dis cela pour souligner plus fortement que, peu importe les capacités ou les déficiences personnelles, les connaissances et les diplômes, le sacerdoce est essentiellement un don du Christ et non pas une acquisition liée à l’aptitude personnelle de l’homme. Ceci parce que la prêtrise ne s’acquiert pas par un quelconque effort ou tentative de se l’approprier soi-même. Le seul effort valable c’est celui de la purification du cœur en vue de l’acquisition du don du Christ. L’appel vient donc du seul Christ, libre à l’homme de l’accueillir ou de le refuser. Aussi, le véritable prêtre n’agira jamais comme un bureaucrate ou un fonctionnaire institutionnel ; son rôle et sa mission ne sont pas ceux d’un fonctionnaire ; les critères de son engagement ne se fondent pas sur des résultats de rentabilité, sur des certitudes matérielles ou sur des titres honorifiques. Tout simplement, tout naturellement, le prêtre ne peut être qu’amour, comme Dieu l’est. C’est bien cela que ne cesse de nous dire si bien l’Evangile : Dieu n’a pas seulement de l’amour ; il est amour.

Frères et Sœurs bien-aimés en Christ, Seigneur et Sauveur,

Membres de notre Clergé, Peuple de Dieu, Moines et Moniales,

Je vous remercie du fond du cœur pour votre contribution si précieuse au développement de nos paroisses respectives. Tout ce que vous entreprenez pour notre Eglise est immense. Je le sais, je le vois et je vous en félicite.

Je vous invite à continuer votre œuvre avec un esprit d’humble éveil, dans une attitude permanente de prière et de conversion intérieure afin que tous ensemble, nous menions le bon combat dans la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du Saint Esprit. Notre Eglise en a tant besoin, comme nous tous et comme le monde entier. C’est seulement ainsi que nous La ferons grandir dans la sainteté en vue du Royaume à venir.

 

+Stéphanos Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie

Tallinn, Assemblée Générale de l’EAÔK du 10.06.2016.