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MESSAGE PASCAL DE L’AN DE GRâCES 2021

« Il est mort pour tous,
afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes,
mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux-mêmes »

(2 Corinthiens 5,15)

 

Chers Frères et Sœurs dans le Seigneur,

Voici que cette année encore nous sommes arrivés au jour lumineux de Pâques. Les conditions hélas dans lesquelles nous chantons présentement la Résurrection du Christ ne sont certes pas idéales pour exprimer pleinement notre joie. A cause de cette flambée épidémique qui traîne depuis si longtemps, toutes nos relations de voisinage sont malmenées, tous nos projets sont remis à plus tard. Nous sommes fatigués, épuisés par cette épreuve dont nous ne voyons pas la fin.

Et c’est ainsi qu’en ces temps si douloureux pour toute l’humanité, la célébration pascale nous enseigne, en cette nuit de grande allégresse, que c’est à travers la souffrance que Dieu triomphe de la souffrance ; que c’est à travers la mort que Dieu triomphe de la mort. L’extrait de la seconde lettre aux Corinthiens, que nous avons lu comme préambule de ce message, ne fait pas seulement référence à la mort et à la résurrection du Christ. Il fait aussi allusion à la mort et à la résurrection de ceux qui adhèrent pleinement à Jésus, en d’autres mots à nous qui, par notre baptême, « ne vivons plus pour nous-mêmes mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour nous-mêmes ». Depuis ce jour de la Résurrection, toutes les choses anciennes sont passées : « Voici, nous dit encore Saint Paul dans sa seconde lettre aux Corinthiens (5,17), toutes choses nous sont devenues nouvelles ». C’est donc à juste titre que Saint Jean Chrysostome s’exclame dans son sermon du jour de Pâques : « Mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire ?… Christ est ressuscité, et la vie triomphe. Christ est ressuscité, et il n’y a plus de morts dans les tombeaux… » 

Oui, c’est pour le salut du genre humain que le Christ a souffert la mort pour vaincre la mort par sa mort. Et les âmes des fidèles, dans les enfers, la célèbrent elles aussi, parce que le Christ est descendu aux enfers précisément pour faire cesser le règne de la mort et des enfers sur elles. Pour cette raison, si peu préparés, si impurs que nous soyons, Jésus nous invite à notre tour d’entrer dans sa joie pascale. Il n’est plus séparé de rien ni de personne. Sa victoire sur la mort, c’est la victoire sur la séparation. Sa vie devient la nôtre. Le baptême nous insère dans le dynamisme de sa résurrection et l’eucharistie, mystère d’union par excellence où se donne le divin Ressuscité, « pain vivant descendu du ciel », constitue pour nous le corps même de la Vie.

Avec la Résurrection nous entrons dans une dimension nouvelle, révolutionnaire : le jour de Pâques n’est pas que la simple commémoration d’un événement historique ; il dépasse le temps de l’histoire car il appartient déjà au temps propre du Christ où tout est présent. Notre temps humain est emporté dans le ciel par notre Dieu fait Homme.

Il est emporté dans l’éternité divine puisque l’éternité de Dieu renferme en elle-même chaque moment du temps humain : le présent certes tout comme aussi le passé et le futur. Nous avons déjà dit dans cette homélie que c’est à travers la Croix que Dieu triomphe de la souffrance, que c’est à travers la mort qu’Il triomphe de la mort. Ce qui explique pourquoi le Vendredi-Saint et Pâques ne font plus qu’un dans l’éternité de la vie divine, même si historiquement la passion précède la Résurrection. Ce qui explique aussi pourquoi chaque célébration de la divine liturgie eucharistique, qui est la commémoration de la mort et de la résurrection de Jésus, entre elle aussi dans cet « un dans l’éternité » de la vie divine.

Tout cela parait fou à ces hommes et à ces femmes d’aujourd’hui qui pensent parvenir à éliminer la mort par la survie biologique. Pour quelle vie ? … Pour nous, par contre, qui sommes du Christ, la source de la vraie vie c’est la sagesse de la Croix en nous. A condition que nous nous contentions de nous laisser attirer par Celui que nous avons transpercé ; à condition de tenir fermement auprès de Celui qui combat pour nous et qui est Jésus, vainqueur de la mort. Dans l’évangile de Jean que nous avons lu au cours de cette célébration pascale, il est dit de Jésus que le Verbe de Dieu, c’est-à-dire le Christ Dieu fait Homme, est « la véritable lumière qui, venant dans le monde, éclaire tout homme…A tous ceux qui l’ont reçu (et qui croient en Lui), il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (1,9-12) ». C’est pour cette raison que la Résurrection du Christ n’est pas seulement une assurance renforcée de l’immortalité de nos âmes, de nos personnes. Elle veut embrasser tous les êtres, tous les visages, tous les corps, toute la terre avec ce qu’elle contient, tous les instants, la nébuleuse et toute la Création, car tout doit trouver place dans le corps glorieux du divin Ressuscité.

Entre toutes les belles choses que l’on peut dire sur Pâques, notre choix prioritaire c’est la joie. Nous exultons et nous tressaillons de joie dès le début de la nuit pascale. Nuit de bonheur ! Nuit où l’homme rencontre Dieu ! Oui, Pâques est la joie des joies parce qu’elle est la fête des retrouvailles définitives entre Dieu et les hommes. La joie des joies d’être absolument sûr qu’entre Dieu et nous il ne peut plus avoir d’obstacles. 

Le Christ est ressuscité et notre vie est transformée. Le Christ est ressuscité et Dieu nous redonne la vie. Le Christ est ressuscité et Dieu nous pardonne. Le Christ est ressuscité et Il peut tout pour nous. Le Christ est ressuscité et Il saisit chaque homme et chaque femme, tous les hommes et toutes les femmes et les recrée par l’éclat de sa divinité. La joie pascale qui est la nôtre en ce moment est la certitude, absolument unique, que nous pouvons vaincre toutes nos peurs. « En ce monde, nous dit Jésus, vous vous heurtez à de terribles épreuves, mais restez pleins d’assurance (Jean 16,33) ». 

La Résurrection n’est pas un quelconque lot de consolation pour plus tard, mais bien notre vocation d’aujourd’hui. 

Puisqu’en vérité, le Christ est ressuscité !

+Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie,

Président du Saint Synode.