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La Nativité du Christ

 » …Et elle (Marie) enfanta son fils premier-né ! Elle l’emmaillota et le coucha dans une crèche…  » (Luc 2,7)

25 décembre. La Nativité du Christ. La fête de l’Incarnation. L’événement absolu. Dieu, notre Dieu, naît de la Vierge. Au fond et au cœur de la création cosmique, la chair devient le lieu de l’incréé. Et le vrai temple sur terre, c’est désormais le corps de l’homme.  » Pourquoi cet étonnement, Marie, chantons-nous aux matines de Noël ? C’est que, dit-elle, j’enfante dans le temps un Fils intemporel  » et ailleurs :  » Celui que nul espace ne contient, comment peut-il être contenu dans un sein et celui qui repose dans le sein paternel, comment une Mère le tient dans ses bras ? Lui seul le sait, il l’a voulu ; tel a été son suprême dessein.  »

25 décembre. Dans son désir de compléter par notre humanité le monde d’en-haut, le Christ est né en deux natures, homme et Dieu. Ces choses-là ne sont pas pour nous une Révélation nouvelle. Elles nous ont été dites dès le commencement :  » Dieu se fait homme, affirme Grégoire de Nazianze, et s’unit de substances contraires, la chair et l’esprit. L’esprit divinise ; la chair est divinisée Étrange union, étonnant mélange ! Il est et il vient à naître. II n’est pas créé et Il se fait créature… Il enrichit et il devient pauvre. Il prend la misère de ma chair afin de m’enrichir de sa divinité. « (1)

25 décembre. Dans la crèche où Il est couché, nous voyons Dieu anéantir pour un temps sa gloire afin que chacun de nous puisse accéder à sa divinité. La crèche ! Que de pauvreté et de détresse totale n’exprime-t-elle pas avant de devenir le lieu où les anges apparurent et que désigna l’étoile (2) ? La crèche : déjà elle nous rappelle la tombe de Jésus, qui verra la fin de sa vie et de son œuvre avant d’être le lieu de son triomphe final.

25 décembre. Ce n’est pas pour nous chrétiens une Révélation nouvelle. Mais ce qui pourrait, pour nous, redevenir nouveau, c’est l’attention spéciale que nous devrions donner à certains aspects de la vérité éternelle. Le divin Enfant emmailloté, dans la grotte de Bethléem, c’est déjà la projection vers sa passion et sa résurrection. Au milieu de tous les fastes que nous déployons pour fêter  » le Noël des marchands de toutes sortes  » , où plaçons-nous dans nos cœurs la grande interrogation de l’Évangile :  » Mais qui d’autre que le Messie peut naître dans une tombe ? « .

25 décembre. Là où se déploie l’espérance, la vraie foi ne devrait pas connaître de repos. Tout homme qui espère en Christ ne peut plus prendre son parti de la réalité telle que notre siècle veut qu’elle soit. Pour former les  » cieux nouveaux et la terre nouvelle  » que nous promet le livre de l’Apocalypse (21,1), il faut planter en nous l’écharde du refus de s’installer dans la chair du présent de ce monde toujours inaccompli jusqu’au grand accomplissement de toutes les promesses de Dieu : Il prend notre chair afin de sauver l’image que nous avons reçue et que nous n’avons pas gardée à cause de la chute originelle de nos premiers parents. Autrement dit, Il prend notre chair pour à nouveau l’immortaliser.

25 décembre. Source de la Lumière qui ne s’éteint jamais pour nous les greffés en Christ par le baptême ; devenir de toute l’humanité et dont nous portons la  » responsabilité de l’espérance  » (1 Pierre, 3,15).

25 décembre. Avec ce jour commence pour la communauté chrétienne sa véritable mission  » à cause de l’espérance et de la résurrection des morts  » (Actes 23,6). C’est précisément à partir de cela, à savoir de notre inconséquence par rapport à notre vocation, que nous risquons d’être mis en accusation au sein d’une civilisation où la technique et les idéologies signifient massivement l’absence de Dieu (3).

25 décembre. Dieu nous cherche. Quelle profusion de bonté ! Elle nous fait soudain vibrer d’une plénitude où enfin est brisée notre indifférence et où, au lieu de l’aliénation sociale qui ne tend que vers une autre, bien plus radicale, la mort, nous pressentons l’éternité dans l’expérience de l’Amour, qui n’est autre que Jésus.

25 décembre. Pour nous donner le meilleur, Il se charge du pire.  » Geste plus divin qu’autrefois, dit encore Grégoire de Nazianze… Quel homme de sens ne le trouverait sublime ? « . Que Sa grâce infinie vous accompagne tout au long de l’année nouvelle, vous guidant sans cesse vers la voie de toute œuvre bonne, agréable à Ses yeux. (décembre 1997)

+STEPHANOS, métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie

 

NOTES

(1) Grégoire de Nazianze in LE MYSTERE DE NOËL Ed. Grasset. Presses d’Aubun, Ligugé 1963 ; p. 152

(2) UNE NUEE DE TEMOINS, ouvrage collectif. Ed. du Cerf et Droguet et Ardant 1974 ; pp.34-35 et 50-51.

(3) LA LIBERTE DU CHRIST. Guy Riobé et Olivier Clément. Ed. Stock