Avaleht/Histoire/Visite du patriarche oecumenique en Estonie en 2013 – 6

Visite du patriarche oecumenique en Estonie en 2013 – 6

EGLISE ORTHODOXE D’ESTONIE

VISITE DU PATRIARCHE OECUMENIQUE
(4 au 11 septembre 2013)

 

Kuressaare, île de Saaremaa (Estonie)
Lundi 9 septembre 2013

 

90ème anniversaire de l’autonomie de l’Eglise orthodoxe d’Estonie : Le Patriarche œcuménique de Constantinople en visite pastorale dans les îles de la Mer baltique.

Le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée célèbre en Estonie le 90ème anniversaire de la proclamation de l’autonomie de l’Eglise orthodoxe d’Estonie, du 4 au 11 septembre 2013. Lundi 9 septembre, il a quitté le continent pour deux journées en Mer baltique, dans les îles de Kihnu (Kirnou), Saaremaa et Muhu (Mourou).

Avant d’embarquer sur le petit ferry Amélie, accompagné du Primat de l’Eglise orthodoxe d’Estonie, le Métropolite Stephanos de Tallinn et de toute l’Estonie, de l’évêque du diocèse, Mgr. Aleksander de Pärnu et Saare et des métropolites de Chalcédoine et de Boston, le Patriarche Bartholomée a souhaité prier dans la modeste église de Pootsi-Kõpu, le village où est né l’évêque martyr Platon, le 13 juillet 1869 et où son père était chantre.

Le bâtiment est très éprouvé par le temps. Faute d’électricité, ce sont des bougies qui éclairent le grand lustre devant l’iconostase. Les années de l’occupation soviétiques sont ici encore très palpables et auraient pu plomber l’atmosphère de recueillement sans l’arrivée inopinée de Andréo. Andréo, deux ans tout au plus, sera la vedette de la journée : petite frimousse émergeant d’une combinaison bleu ciel, il ne quittera pas les bras de Bartholomée jusqu’à son départ de Pootsi-Kõpu, même pour les photos officielles, trouvant bien douce sa barbe de Patriarche et captivant le pommeau de son bâton pastoral.

Que l’île de Kihnu est belle sous le soleil d’été et un ciel sans nuages ! Douze kilomètres sur sept, 500 habitants, tous orthodoxes, dont 70 enfants à l’école et à la crèche. Le site de Kihnu est classé patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, car les habitants ont su y préserver leurs traditions et leur environnement, hors du folklore ou des reconstitutions pour touristes. Les hommes ici sont pêcheurs ou marins de commerce, les femmes se consacrent aux travaux de la ferme en été et à l’artisanat traditionnel en hiver, lorsque l’île est bloquée par les glaces et les tempêtes : tissage au métier, impression sur toiles fines et surtout pull-overs pour hommes, tricotés aux aiguilles, sans couture, avec des motifs inchangés depuis des siècles.

Dans l’île de Kihnu, ce sont les femmes qui dirigent les affaires domestiques et villageoises. Même au quotidien, elles portent la tenue traditionnelle d’un rouge éclatant et des foulards aux motifs persans très vifs, tous différents. Le maire et le président de la paroisse sont des hommes, mais les offices liturgiques sont chantés uniquement par les femmes, qui ont également le privilège de célébrer les enterrements. Ce peuple est musicien dans l’âme et ses enfants, filles et garçons, sont initiés dès le plus jeune âge au chant, au violon ou à l’accordéon. Ce qui ne les empêche pas de bénéficier chacun d’un ordinateur sur leur pupitre de classe. Avant un banquet champêtre de 200 couverts, le Patriarche Bartholomée a visiblement pris beaucoup de plaisir à dialoguer, souvent directement en anglais, mais aussi en français, avec ces fidèles orthodoxes très attachés à leur Eglise d’Estonie et très sensibles à une fibre écologique dont il ne fait pas mystère. C’est d’ailleurs à pieds qu’il s’est rendu au cimetière, distant d’un bon demi-kilomètre, pour réciter la prière des morts, tout spécialement les marins péris en mer. Mais, comme pour signifier que la relève était prête, il avait baptisé le matin, à son arrivée, avec le Métropolite Stephanos, la jeune Margareta, une fillette de l’île.

Deux ferries et 150 Km plus tard, c’est Kuressaare, la capitale de la grande île de Saaremaa, qui a accueilli le Patriarche œcuménique de Constantinople dans l’église Saint-Nicolas archicomble. L’île, véritable camp retranché de la Wehrmacht puis de l’Armée rouge jusqu’en août 1994, n’a jamais renié son attachement à l’Eglise orthodoxe d’Estonie placée sous la protection de Constantinople. « L’Eglise est une entité dont la foi est enrichie par le sang des martyrs et les sacrifices très pénibles de ses membres » a rappelé le Patriarche dans son homélie. « Je pense en particulier aux martyrs des périodes athées, des hommes et des femmes qui n’ont pas eu peur de ces régimes, qui sont demeurés stables et droits dans leur foi au Christ et l’ont payé de leurs vies. C’est pour nous un exemple que les onze martyrs estoniens morts pendant l’occupation soviétique, reconnus officiellement comme tels et inscrits à ce titre au calendrier des saints.

Cette Eglise, depuis ses débuts, a exalté tous les aspects de la Croix, invitant par là même les fidèles à porter chacun leur propre croix. Mais savons-nous ce que signifie porter sa croix ? Comment allons-nous la porter ? Pour les martyrs, c’était confesser le Christ crucifié et ressuscité. Certes, aujourd’hui, nous ne sommes pas obligés de subir la torture du corps, l’exil ou l’humiliation. Aujourd’hui, les Chrétiens peuvent s’épanouir dans la vie en Christ, à la condition d’affronter les nouveaux obstacles, ceux qui les empêchent de se libérer d’un monde matériel qui désacralise jusqu’aux institutions sacrées. La conséquence de cette domination du monde sécularisé, c’est l’éloignement des Chrétiens de la Vérité et de la Vie ».

« Il faut lutter avec des armes spirituelles, entretenir la flamme d’amour pour le Christ et écouter ses exhortations. Pour source de sanctification et de grâce de ses paroissiens et de son peuple, votre ville de Kuressaare a le privilège, la bénédiction, d’avoir une église consacrée à Saint-Nicolas, protecteur des veuves et des orphelins ».

« Je vous félicite et je vous remercie de la part de la Grande Eglise du Christ et du Patriarcat œcuménique. Notre visite demeurera inoubliable dans notre cœur, parce que vous nous recevez vraiment comme des enfants accueillent leur mère, leur Eglise-mère qu’est Constantinople. » Puis, Bartholomée s’est tourné vers Mgr. Stephanos, le Primat de cette Eglise-sœur : « Vous êtes digne de la vocation à la quelle vous étiez appelé, une œuvre bonne pour l’Estonie, que vous avez bien accomplie et que vous continuerez à accomplir, contribuant ainsi de façon déterminante à la reconstitution de cette Eglise, dans tous les domaines de son organisation, notamment le rassemblement sous son aile de tous ses enfants fidèles, comme nous le constatons tout au long de cette troisième visite pastorale. C’est pour cette raison qu’avec nos félicitations chaleureuses au pasteur que vous êtes, nous exhortons aussi les brebis : obéissez à vos chefs, car ceux-ci veillent sur vous ! (Hébreux 13 ; 17-18). »

 

A Kuressaare, sur l’île de Saaremaa (Estonie), Jean-François JOLIVALT, pour EAÕK