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KIHNU : DIMANCHE APRES LA CROIX

KIHNU : DIMANCHE APRES LA CROIX (21 septembre 2014)

Mc 8,34-38 ; 9,1.

Chers Frères et Sœurs en Christ,

La Divine Liturgie synodale que nous célébrons ce matin revêt pour l’île une signification particulière puisqu’elle vient bénir la fin des travaux majeurs, qui ont contribué à rénover avec succès  ce lieu de culte que nous aimons tous et qui fait à juste titre toute notre fierté.

A cela, s’ajoute aussi un autre événement : nous accueillons parmi nous le nouveau Métropolite de notre Patriarcat Œcuménique pour la  Suède, les Pays Scandinaves et l’Europe du Nord, Son Eminence Mgr Cleopas, notre Frère bien-aimé dans le Seigneur. A peine intronisé  dans ses nouvelles fonctions métropolitaines et malgré tout ce que cela implique en vue de son installation – il nous vient en effet des Etats-Unis d’Amérique – il a volontiers et spontanément accepté notre invitation afin de faire personnellement connaissance avec notre Eglise. Il ne pouvait avoir de meilleur choix que Kihnu  pour le mettre en contact et lui présenter notre peuple bien-aimé. Nous lui souhaitons tous la bienvenue et une grande et riche moisson spirituelle dans l’exercice de sa mission pastorale en cette partie du Nord de l’Europe.

Et enfin, il convient de remercier et de féliciter tous les bienfaiteurs grands ou petits qui, soit matériellement soit par toutes sortes d’autres contributions ont permis d’arriver au terme de cette belle et nécessaire restauration. Par leur confiance et leur aide ils rendent un vibrant hommage à cette île et à ses habitants. Que le Seigneur très bon le leur rende au centuple !

Dimanche passé, fête de l’élévation de la Croix, le Christ nous a dit ce qu’Il a fait pour nous ; comment Il nous a illuminé par sa parole et ses miracles ; comment Il nous a sauvé par sa Croix et sa Résurrection.

Aujourd’hui, l’Evangile nous annonce ce que nous devons faire à notre tour pour Lui, ou plutôt pour nous. « Si quelqu’un veut venir à ma suite… » : Jésus, contrairement au mal qui impose et contrarie, ne force personne : « si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à soi-même (c’est-à-dire au vieil homme et à la vie mensongère), qu’il prenne sa croix (c’est-à-dire qu’il prenne sur lui les difficultés et les malheurs de son existence, afin de renoncer à soi-même et d’aimer le Christ), et qu’il me suive (Mc 8,34).

On raconte qu’autrefois un écrivain très savant était possédé par une idée fixe. Il voulait écrire une oeuvre immense sur une seule page, laquelle ne contiendrait qu’une seule ligne, résumée à son tour par un seul mot, capable d’exprimer la totalité de sa pensée et de ses théories. Après mûre réflexion, il aboutit à la conclusion que ni la raison ni la langue des hommes ne pouvaient réaliser un pari d’une telle audace.

Pourtant, l’impossible pour ce savant est devenu possible pour nous les chrétiens. Il y a un mot en effet qui contient à lui  seul tout l’enseignement, toute la sagesse, toute l’histoire et toute la grandeur qui compose l’ensemble du vécu chrétien. Il s’agit du mot « CROIX ».

Aux yeux de notre regard humain, le poids de toute souffrance, la pesanteur de nos vies, de nos péchés mêmes, sont évidents. Les circonstances difficiles du quotidien, les maladies, les décès de nos êtres chers, l’effacement de nos rêves et de nos espoirs, mille et mille autres  épreuves, grandes ou petites, constituent le lot constant de nos existences, à cause duquel nous perdons habituellement tous nos espoirs en vue d’un devenir meilleur.

Pour cette raison, l’espérance, le flambeau et l’étoile qui guide chacun de nos pas, c’est désormais pour nous la Croix. Cet instrument du supplice sur lequel on exécutait jadis les condamnés est devenu jusqu’à la fin des temps, l’objet même de notre salut, le symbole de notre délivrance, la source de notre espérance, le viatique spirituel de notre vie.

Prendre sa croix et suivre ainsi le Christ…Le Christ qui, par le portement de sa propre croix, nous montre le chemin de la vraie vie, quand bien même nous ne cessons de le trahir, de l’abandonner et de le crucifier sans cesse à cause de notre indifférence à son égard et de notre manque de foi. Depuis cette heure ou Jésus est monté sur la Croix, c’est Lui qui désormais porte sur son corps tous nos poids, toutes nos pesanteurs.

Parce qu’en Lui l’amour est plus fort, plus profond, indéracinable, tout est désormais changé, durablement, pour les siècles des siècles !

Oui, c’est bien  le Christ Lui-même qui nous montre le chemin à suivre pour que notre croix, à l’image de sa propre croix, soit notre buée de sauvetage au milieu de toutes les tempêtes que nous devons affronter à tout moment ; pour qu’elle neutralise toutes les amères angoisses de notre quotidien d’ici-bas.

La bonne et grande nouvelle, c’est que l’amour de Dieu est donné à tous sans exception, jusqu’au dernier, jusqu’au plus grand pécheur, jusqu’au plus rejeté d’entre nous tous afin qu’il redevienne pur, lumineux, éclatant de beauté.

La bonne et grande et unique nouvelle, c’est que cet amour divin est stable et permanent, indéfiniment  décidé de nous faire sentir sa douce présence au milieu de la totalité de nos épreuves, plus que tout par-delà tous nos égoïsmes, jusqu’à ce que nous soyons capables ou de l’accueillir et de nous laisser remplir de joie et de vie ou de le rejeter et ainsi de causer notre propre perte jusque dans l’éternité.

« Si jamais, dit le Seigneur, quelqu’un a honte de moi et de l’Evangile et de mes paroles…le Fils de l’Homme aura également honte de lui, lorsqu’il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges (Mc 8,38) ».

L’accession à ce bien infini qui est l’amour de Dieu présuppose une condition : une foi totale en la personne de notre seul et unique Sauveur Jésus-Christ. Suivre l’appel de Dieu c’est toute une péripétie. Parfois même une longue et terrible épreuve.

Lequel d’entre nous en effet est-il prêt de quitter  volontiers le cercle étroit de son « ego », de ses pensées, de ses petits intérêts et de ses prétendues sécurités pour se lancer subitement dans une aventure spirituelle, pour la plupart du temps incertaine à ses yeux, avec la certitude d’entrer dans un monde nouveau, d’acquérir une vie nouvelle ? Cela implique de nous jeter entièrement  dans les mains du Christ ; de Lui confier tout notre être. Sans condition aucune. C’est là toute la difficulté : répondre à l’appel qui exige d’aborder avec confiance l’inconnu, si ce n’est un certain inconnu, et de se diriger sans hésitation vers Celui qui appelle et qui n’est autre que Dieu Lui-même.

Que chacun fasse son examen de conscience pour savoir s’il est passé du pays des larmes et de la mort au pays de la joie et de la vie. Si ce n’est pas le cas, s’il n’a pas encore franchi les frontières du passage vers le salut, qu’il jette son regard sur l’immense croix qui se dresse sur la ligne de démarcation de ces deux mondes pendant qu’il en est encore temps. Qu’il ne doute plus : le grand miracle peut se produire pour lui aussi à tout moment. Ici et maintenant et partout ailleurs.

Chers Frères et Sœurs en Christ,

Laissons-nous toucher et saisir par Jésus. Etre crucifié avec lui, c’est être offert au Père céleste infiniment bon, ne plus nous appartenir, être tourné vers les autres.

Notre désir le plus profond est d’être aimé et d’aimer. Depuis notre naissance, c’est ce que nous cherchons, mais nous nous trompons si notre « moi » est notre unique horizon. Aussi, faisons de nos joies et de nos souffrances une offrande humble et aimante, comme nous le demande l’évangile que nous avons lu ce matin. Et si, de cette façon, nous arrivons à dépasser notre « moi » – c’est cela prendre sa croix et suivre le Christ, c’est cela être crucifié avec le Christ – alors nous le trouverons lui, le Père et nous trouverons aussi les autres et nous serons finalement nous aussi « trouvés », vivants et donnant la vie. Amen !

 

+Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie