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LE MARIAGE CHRETIEN

 

Mgr Stephanos, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie
«Couple et mariage» in Chronique Sociale Coll. L’essentiel Lyon 2ème Trim 1987.

Les fondements du mariage chrétien

L’homme et la femme s’unissent à Dieu

La faculté d’aimer est le sceau de [‘image de Dieu en l’homme (1 Jn 3/1). En clair, cela signifie que le mariage chrétien suppose que l’homme lui-même est compris comme un être qui a non seulement des fonctions physiologiques, psychologiques et sociales mais qui est aussi un citoyen du Royaume de Dieu, appelé à mettre en parallèle sa vie terrestre avec les valeurs éternelles. « Quand le mari et la femme s’unissent dans le mariage, affirme St Jean Chrysostome (PG 61/215 et 62/387), ils ne forment pas une image de quelque chose de terrestre, mais de Dieu lui-même ».

L’homme et la femme s’unissent donc en un troisième terme qui est Dieu, comme le divin et l’humain se jettent en la personne du Verbe, comme le Père et le Fils s’unissent en l’Esprit : Adam reconstitué, par l’opération du Saint-Esprit, en Nouveau portant Eve dans ses flancs, fait dire encore à Saint Jean Chrysostome que « Celui qui n’est pas lié par les liens du mariage ne possède pas en lui-même la totalité de l’être mais seulement sa moitié » (PG 62/387).

L’amour conjugal est porteur de l’esprit

Ainsi, le mariage chrétien qui, selon Saint Paul (Eph 5/52) s’applique en tant que mystère au Christ et à l’Eglise, remonte au-delà de la chute. Par le « mémorial » du sacrement, dit le Pr Evdokimov, l’amour réintroduit l’accessible paradisiaque sur terre. Nous dirons dès lors que la conception orthodoxe est ici foncièrement personnaliste, l’état conjugal étant une vocation particulière pour atteindre la plénitude en Dieu et pour dépasser la condition peccamineuse de séparation et d’isolement égocentrique et ce parce que le type de l’amour conjugal sera essentiellement porteur de l’Esprit, qui permettra à l’homme au lieu d’être excentrique et égoïste, de devenir concentrique en tout.

La maturité conjugale récapitulée en Christ

Mais la chute a perverti la nature humaine, la séparant en mauvaise masculinité et en mauvaise féminité et les plongeant dans un perpétuel va et vient d’attrait et de répulsion, rompant de ce fait l’unité initiale où l’homme n’était pas seulement « homme ou femme » mais « homme et femme », cet « et exprimant la plénitude de l’image de Dieu en l’homme. On peut expliquer ce changement de la manière suivante : en l’homme s’éveilla le sexe, en tant que rebelle à l’esprit, en tant qu’élément autonome, qu’attirance, que passion ; et non seulement insoumis à l’esprit mais assujettissant celui-ci. La vie du sexe perdit son harmonie initiale et prit un caractère tragique. C’est pourquoi, la venue du Royaume coincidera nécessairement avec la maturité parfaite de l’amour conjugal en un seul être, réalité récapitulée en Christ qui supprime la distance coupable entre l’intérieur et l’extérieur où se loge précisément la concupiscence et qui donne à l’impasse de la masculinité et de la féminité vicieuses de passer à l’infini de l’intégrité initiale retrouvée et accomplie réellement.

Le sacrement transfigure l’amour humain

Aussi, le contenu du sacrement (mystériôn) sera de ce fait le changement, la transfiguration d’un amour humain en une réalité nouvelle, d’origine céleste, mais s’incarnant par la grâce en cette vie. Cette réalité est de nature eschatologique, anticipant dans une expérience vécue, sous le signe de la Croix et de la Résurrection, la gloire du Royaume. Par le sacrement, l’impact social du couple et de la famille s’origine d’en-Haut, dans la grâce déifiante de l’incarnation et de la Rédemption.

Il transfigure l’unité des époux

«Ce mystère est grand, je le dis par rapport au Christ et à l’Eglise» (Eph 5, 32). Le cinquième chapitre de l’épître aux Ephésiens révèle ce qui est vraiment nouveau dans le mariage chrétien, à savoir la possibilité de transfigurer l’unité des époux en une réalité nouvelle, la réalité du Royaume de Dieu. C’est pourquoi, le vrai mariage chrétien ne peut être qu’unique, non du fait d’une loi abstraite ou d’un interdit moral mais dans son essence même, en tant que Mystère, Sacrement du Royaume de Dieu’ qui nous fait pénétrer dans la joie éternelle de l’amour éternel.

Le sacrement, une expérience de réconciliation

Il est vrai que la doctrine chrétienne du mariage se heurte à la réalité pratique, empirique de la vie humaine « déchue » et il nous semble parfois que, comme d’ailleurs l’Evangile lui-même dans son ensemble, elle soit un idéal irréalisable. Mais la différence entre «Sacrement» et «idéal» est précisément que le sacrement n’est pas une abstraction imaginaire mais une expérience dans laquelle ce n’est pas l’homme seul qui agit, mais l’homme en union avec Dieu puisque l’humanité communie à la réalité suprême de l’Esprit-Saint sans cesser d’être « humanité » et ce par le don de communion qui depuis la Pentecôte manifeste l’Eglise et qui est le but suprême aussi que le Christ lui-même nous a fixé dans son Eglise : « Afin qu’ils soient un, comme nous sommes Un » (Jn 17/2223). Ainsi, dans la vie divine où le monde créé par Dieu est transfiguré de l’intérieur, l’impossible devient possible si l’homme, en raison de sa liberté, reçoit ce que Dieu lui donne. Car ce n’est qu’en Christ, dans le mystérieux rapport qui l’unit à l’Eglise, que le chrétien cherche la réconciliation de l’homme et de la femme, du masculin et du féminin, de l’éros et de la personne.

La transcendance de la personne

Le christianisme, même si certains contextes culturels l’ont parfois défiguré, a posé définitivement la transcendance de la personne et donc que l’homme et la femme sont l’un et l’autre des personnes bien plus qu’égales, absolues. Simultanément, le Christ a restauré la bonne polarité du masculin et du féminin, il lui a rendu sa splendeur paradisiaque, il l’a pacifiée, illuminée par ce grand amour qui circule entre lui et son Eglise, entre lui et la Terre déifiée de l’Eucharistie. Car l’Eglise n’est pas seulement son Corps mais son Epouse. C’est dans cette perspective que le mariage n’est pas sociologique et que dans une relation proprement chrétienne il ne peut avoir pour but la procréation. Selon le quatrième Evangile (Jn 2/1 11), le premier miracle de Jésus a lieu pendant les noces de Cana : de par sa matière même, l’eau et le vin, il sert de prélude au Calvaire et annonce déjà la naissance de l’Eglise sur la Croix : « du côté percé il sortit du sang et de l’eau » 1 Le symbolisme approche et apparente le lieu du miracle, les noces, à l’essence eucharistique de l’Eglise. C’est donc le Christ qui préside aux noces de Cana et, selon les Pères Grecs, qui préside toutes les noces chrétiennes.

Ce niveau des épousailles mystiques de l’âme et du Christ, dont le mariage est la figure directe et qui est celui de toute âme et de l’Eglise Epouse fait dire à juste titre à Saint Jean Chrysostome « le mariage est une icône mystérieuse de l’Eglise ». (PG 62/387).

Lien entre mariage et eucharistie

Or, c’est dans l’Eucharistie, où le Royaume de Dieu devient directement accessible à notre expérience, que l’Eglise terrestre est vraiment Eglise de Dieu lorsqu’à la tête d’une assemblée elle devient son Corps de sorte que se détruit la barrière entre le processus historique et l’éternité. Voilà pourquoi, puisque l’Eglise reconnaît au mariage la valeur de « sacrement », il ne peut être séparé de l’Eucharistie. Car l’Eucharistie a toujours été et demeure la norme de « l’ecclésialité » de toute la vie du chrétien et par là même également du mariage, qu’Elle situe dans la plénitude du Corps du Christ, l’Eglise, en dehors de laquelle il n’y a pas de sacrement. Par conséquent, dans ce contexte « eucharistique » propre au Corps du Christ, la « clef » qui nous ouvre la compréhension des textes néotestamentaires sur le mariage tout comme sur la pratique de l’Eglise Orthodoxe elle-même réside dans ce lien indispensable entre le mariage et l’eucharistie. Cette vue apparaît aujourd’hui encore plus essentielle et tout à fait indispensable alors que de plus en plus l’Eglise est contrainte de vivre dans un milieu sécularisé indifférent ou même hostile. Par ailleurs nous comprenons mieux par là en quoi et pourquoi le christianisme manifeste la vérité sur l’homme, vérité authentique et définitive, tandis que les différentes théories, psychologiques, sociales et à plus forte raison matérialistes ne sont au mieux que partielles ou unilatérales. C’est la raison pour laquelle, dans l’Eglise Orthodoxe, le célébrant du sacrement du mariage ne peut être que l’évêque ou le prêtre, c’est-à-dire le célébrant de l’Eucharistie qui, liturgiquement, représente aussi toute l’Eglise. Partant, si donc le mystère du mariage ne peut, ecclésialement, s’expliquer seulement que comme anticipation du Royaume éternel de Dieu, il suppose aussi qu’il n’est pas une simple « affaire privée » mais celle de toute l’Eglise, de toute la communauté locale et non pas seulement de celle des parents et des amis. Cette conception du mariage intimement uni à l’Eucharistie permet en tous cas d’expliquer toute la législation ultérieure de l’Orthodoxie en la matière et son attitude envers les mariages mixtes ainsi que leurs célébrations

Homme et femme, double et un

Au terme de cette première partie de réflexion, par ailleurs si incomplète, on comprend que pour la théologie orthodoxe l’homme et la femme sont complémentaires non comme deux fonctions, mais dans la complexe totalité de leur vie personnelle, où deux êtres humains peu à peu se reconnaissent et apparaissent (dans cette existence non plus dominatrice ou méprisée mais communiante) double et un, selon la réciprocité du respect, de la célébration et de la tendresse. Car au-dessus en effet de la tension entre la pudeur et le cynisme devrait toujours planer inaccessible à la seule force naturelle l’harmonie des enfants de la liberté et de la grâce qui n’ont rien à se cacher.

En ayant présent cela à notre mémoire à savoir, que l’amour ne se rattache pas à l’espèce selon les impulsions automatiques et impersonnelles, mais à la personne dans la lumière de la responsabilité et de la liberté, nous pouvons maintenant aborder l’objet principal de notre propos, à savoir : le problème du divorce confronté à notre théologie orthodoxe de l’unicité du mariage en Christ

Unicité du «Mariage en Christ» et problème du «divorce»

L’unicité du mariage

De notre première partie il est facile de comprendre pourquoi la doctrine orthodoxe du mariage liée à l’autorévélation et l’autodétermination de l’homme se plaira à affirmer non pas tant l’indissolubilité (elle-même notion juridique et formelle) mais l’unicité absolue du mariage. Comme d’ailleurs il est possible d’ajouter que tout remariage ne peut être perçu que comme un accommodement avec la réalité de ce monde, l’Eglise usant pour ce faire de condescendance pastorale et prenant en considération la difficulté de la vie de chaque époque terrestre. Cet accommodement jouit en sa faveur de l’autorité apostolique, du moins en ce qui concerne le remariage des veufs et des veuves. En est-il de même pour le divorce ? Dans l’Orient byzantin, ce qui bloque la vision de certains Pères de l’Eglise ce fut le point de vue ascétique, car ils voyaient dans le mariage un remède à la concupiscence. La valeur relative qu’ils concédaient de la sorte au mariage les amena à admettre une possibilité de divorce et à interpréter dans ce sens la réserve de l’évangile de Matthieu.

Référence à la miséricorde divine

Se basant en effet sur la double réserve de Matthieu concernant l’indissolubilité du mariage (5/32 et 19/9: hormis le cas d’impudicité, de fornication, lequel en cas « d’adultère » ne « dissout pas le mariage » puisque celui-ci en tant qu’union d’amour n’existe plus du fait que l’amour, donnée que l’on ne conçoit que par l’expérience, n’est jamais compatible avec l’adultère), l’Eglise Orthodoxe semble admettre le divorce et son droit canonique propose une procédure de divorce ecclésiastique. Toutefois, traiter du divorce est une chose délicate d’abord parce que l’on touche à une réalité humaine souvent pénible, ensuite parce que les prises de position théoriques sont largement déterminées par les présupposés confessionnels, voire politiques, enfin parce que la procédure du divorce ecclésiastique s’applique toujours dans l’Eglise Orthodoxe en fonction de la loi civile et que d’autre part il n’existe aucune doctrine positive de l’Eglise bien explicitée à son sujet. Plus encore, au plan de la doctrine du mariage, cela relève de l’impossibilité puisqu’elle ne peut l’exclure. Il ne peut donc être compris que sur le plan de l’économie, qui dans la législation et la pastorale orthodoxes se réfère à la miséricorde et à la patience divines elles-mêmes et qui reflète en quelque mesure l’économie du Salut, cet axe de la révélation biblique.

L’économie canonique et pastorale ne relève certainement pas du compromis et de l’accommodation. Elle repose donc sur un concept plus large que la dispense canonique. Elle concerne toujours des cas individuels et des situations provisoires et elle doit toujours être confrontée chaque fois avec la doctrine dans chaque cas d’application. On retrouve pleinement ici l’attitude de l’Eglise qui se veut, dans sa lutte contre le péché, intransigeante dans son enseignement et libérale dans l’application de l’économie, du fait que nous restons encore toujours soumis à la tension entre le « déjà » eschatologique et le « pas encore » de ce siècle, c’est-à-dire à la tension entre l’homme nouveau et l’homme ancien en chacun de nous. Dans l’espace intermédiaire entre ces deux moments de l’existence chrétienne tout reste encore provisoire et menacé et des défaillances répétées peuvent se produire. Mais aucune défaillance ne sera à même de fermer les portes de la miséricorde divine : la pénitence permet le renouvellement de la victoire sur le péché. Dans cette perspective, l’Eglise Orthodoxe, par une apparente contradiction avec sa propre nature eschatologique, laisse aux divorcés la possibilité de continuer à vivre la réalité unique du mariage chrétien dans un cadre qu’ils ont refait après un premier échec. Par la faute de l’homme, des atteintes graves peuvent être portées à l’intégrité de la communauté conjugale. Or c’est la transgression qui brise le lien ; l’acte de divorce ne fait que constater et entériner.

La compréhension ne donne pas un droit

Ceci nous conduit à affirmer avec force que si on est amené à tolérer le divorce, à cause du « pas encore », il ne doit pas être autorisé et partant, constituer un droit dont on pourrait se prévaloir. Jamais aucun théologien, aucun responsable orthodoxe ne cherchera à s’aventurer aussi loin. Bien plus, cette dernière prétention. serait rejetée unanimement comme un sacrilège, si quelqu’un s’avisait de l’émettre.

Cependant, le droit canonique orthodoxe va plus loin puisqu’il établit une procédure ecclésiastique du divorce. Par conséquent on est en droit de poser la question de la légitimité de cette disposition. Je vous dirai de suite que si le plus grand nombre d’entre nous admet la possibilité du divorce, tous rejettent sa légitimité. Pour ma part, je pense que le divorce ne relève pas de la doctrine générale du mariage mais très précisément de l’économie puisque l’Eglise est en droit de s’appliquer à redresser, à posteriori et autant que faire se peut, les conséquences spirituelles de la rupture conjugale dans la mesure où elle prend en considération la situation de deux foyers : celui qui est brisé et l’autre. En fait, l’Eglise Orthodoxe ne fait que tolérer un mal, et cela à son corps défendant, en vue d’éviter un mal plus grand qui serait la rupture totale et définitive avec l’Eglise.

La tolérance se situe dans la pédagogie divine du salut

Ainsi la distinction entre tolérance et légitimité (puisque nous pensons, rappelons-le encore une fois, qu’il ne peut être question d’autoriser le divorce) ne doit pas signifier non plus le recours à une subtilité de langage. Et si nous parlons d’économie, qui est un des piliers fondamentaux de la théologie morale orthodoxe, c’est uniquement parce que dans son principe elle se définit comme la transposition, dans la situation et le temps de l’Eglise, de la pédagogie divine du salut. Elle n’a pas pour objet d’escamoter l’obstacle mais prône une certaine détente médicinale dans l’effort ou encore cherche à provoquer pour l’âme une sorte de choc en retour. Dans ce cas les sanctions canoniques ne sont pas supprimées, mais reportées et étalées dans le temps et plus encore lorsque cette même législation canonique n’est manifestement pas en mesure de déterminer le changement radical envisagé : on se réfère alors à la mansuétude divine et ce recours relève du champ d’activité pour le discernement prophétique du pasteur. Ce discernement évolue la plupart du temps entre deux pôles : d’une part la bienveillance pastorale qui prend en considération l’état général de l’homme moderne, soumis à de très fortes pressions de forces nouvelles, qui par expérience aussi est confrontée à la faiblesse humaine, à l’immaturité psychologique et surtout spirituelle de nos contemporains tout comme à des situations imprévisibles qui s’abattent parfois sur les meilleurs ; d’autre part on constate aussi, et c’est tout aussi vrai, que l’indulgence n’est pas la seule vertu pastorale. Quoiqu’il en soit, il est bon et légitime de souligner que l’économie pastorale s’applique à des cas concrets et toujours individuels et que les décisions prises ne constituent pas de précédents, sinon dans un sens très général. De cette manière il est possible pour les Orthodoxes d’affirmer leur intransigeance quant à la doctrine en regard de leur grande libéralité pour ce qui est de l’application de l’économie dans le domaine du comportement pratique. Cela se conçoit : une déviation importante dans la définition et la confession de la norme et de l’exigence, bloque la route du retour à celles-ci Ajoutons encore qu’un moindre mal ne saurait devenir un bien en soi, un bien peut résulter ici uniquement d’un effort accru d’humilité dans la reconnaissance de sa faiblesse devant l’exigence de la perfection ; il ne doit s’agir ni de trouble des esprits ni de fournir une fausse sécurité à des consciences peu exigeantes, mais uniquement de préserver une valeur nécessaire à la personne dans le but de dépasser le simple niveau de la morale pour atteindre celui de la réalité religieuse.

Les atteintes au lien matrimonial

Les atteintes au lien matrimonial se classent en deux grandes catégories quant au fond :

celles relevant de la « porneia », c’est-à-dire la fornication proprement dite ou des actes immoraux qui s’y apparentent. Cette interprétation est conforme au sens de ce terme grec qui désigne toutes les formes d’inconduite. Il sera alors question de « divortium cum damno » (mata timorias) car il se fondera sur la culpabilité d’un des conjoints, voire des deux. A cela s’ajoute l’impossibilité morale de la vie commune causée par exemple par l’incitation de la femme ou des enfants à la débauche ;

celles découlant de l’absence d’un des conjoints. Bien entendu cette absence doit avoir un caractère définitif ou s’appuyer sur de très fortes présomptions qu’elle soit telle. Ici on parlera de « divortium bona gratia » (agathi ti kariti) car il ne résulte pas de culpabilité comparable à la première catégorie. C’est le cas pour l’impuissance physique (notons ici que pour l’Eglise Orthodoxe un mariage même sans copula carnalis est pleinement valide), dans la mesure où elle résulte d’une maladie contractée après le mariage ; ou encore la disparition définitive d’un conjoint, ou encore la profession monastique, si la décision est prise en dehors de toute contrainte, dans un esprit d’idéal parfaitement ascétique ; ou lorsqu’il y a élévation à l’épiscopat d’un prêtre marié (Notons ici en passant que l’imposition du célibat aux évêques ne relève pas de l’éthique mais de l’opportunité pastorale) ; ou bien le consentement de l’épouse étant une condition sine qua non et qu’elle renonce à se remarier ;

la disparité de culte peut être, de son côté, cause possible de divorce. Pour l’Orthodoxe cependant, cette possibilité s’établit essentiellement à partir de la distinction entre le mariage institution universelle et le mariage sacramentel, réalité strictement ecclésiale.

L’unité du couple doit correspondre à une symphonie interne

Quoiqu’il en soit, selon l’esprit de l’Orthodoxie, l’unité du couple ne peut être maintenue que par la seule vertu des contraintes juridiques ; l’unité formelle doit correspondre à une symphonie interne. Par conséquent il importe avant tout dans une saine pastorale du mariage de souligner les raisons profondes qui sont à la base de l’exigence néotestamentaire de pérennité, à savoir la dignité spirituelle et la sainteté du lien conjugal. D’un autre côté, comment ne pas tenir compte aussi des facteurs sociologiques ? Dans la plupart des états modernes, à quelques exceptions près, la législation civile ou bien la jurisprudence admettent assez facilement le divorce (n’oublions pas en effet que si le christianisme a élevé l’union conjugale à la dignité du sacrement, cette promotion continue cependant à buter contre une tendance profondément ancrée dans la mentalité universelle). Or ce courant paraît irréversible dès lors que ces mêmes lois tendent plutôt à favoriser les droits de l’individu, à l’opposé des sociétés primitives ou peu évoluées qui, elles, conçoivent leur ordre juridique en fonction des intérêts du groupe.

Le divorce n’entraîne pas le droit au remariage

Enfin, si une étroite connexion sur tous les plans existe entre le divorce et la possibilité de remariage, il convient de bien préciser ici un point de doctrine essentiel : la dissolution du lien conjugal ne crée pas ipso facto un droit à contracter un nouveau mariage, d’autant plus que l’Eglise Orthodoxe a toujours manifesté, jusqu’à nos jours, un sentiment de réserve vis-à-vis des secondes noces en général, comme l’exprime d’ailleurs le rite liturgique (il existe effectivement un rite de secondes noces qui est un rite de pénitence plutôt qu’autre chose et ce rite est très spécifique et très clair. D’une part il relève avec rigueur la faute et par ailleurs il présente la miséricorde de Dieu par rapport au comportement de l’homme qui est faible). Et n’oublions pas que très souvent un remariage ne se fait pas directement. Il y a un éloignement temporaire du divorcé de l’eucharistie, sans cela l’écho du commandement divin s’affaiblirait dans les consciences des croyants.

Une position empreinte de sagesse

Dans la question si délicate du divorce, l’authentique position orthodoxe, tout en se gardant bien de critiquer d’autres traditions chrétiennes plus strictes dans toute rupture du lien conjugal légitime, est cependant empreinte de sagesse. Les canons conciliaires en effet comportent des dispositions transitoires et relatives qui sont destinées à permettre une assimilation pédagogique des normes strictes, en tenant compte de la patience nécessaire pour y parvenir par étapes. Le but reste toujours l’élévation à une plus grande justice, ce qui implique la référence à la vérité doctrinale et à la norme évangélique : celle-ci est essentiellement exigence de dépassement et appel prophétique à la perfection. Tout en soulignant la valeur éminente du mariage chrétien, stable et unique, dans l’application de son économie, l’Orthodoxie témoigne aussi d’une sagesse qui ne prétend pas être la seule possible dans ce domaine, mais qui a l’avantage de présenter un essai de solution sinon au problème du divorce, du moins à celui des divorcés. Dans cette perspective elle ne nie donc pas le fait patent que la stabilité du mariage chrétien ne peut pas toujours être considérée comme se maintenant en toutes circonstances par la seule vertu d’une affirmation juridique. De cette façon, tout en maintenant fermement l’enseignement du Nouveau Testament, l’Eglise Orthodoxe ne veut pas non plus fermer inexorablement la porte de la Miséricorde divine.

 

NOTES EXPLICATIVES A PARTIR DE LA BIBLIOGRAPHIE UTILISEE

01.- Jean MEYENDORFF : «Mariage et Eucharistie», in Le Messager Orthodoxe, n° 49-50, Paris, 1970
02.- Paul EVDOKIMOV : «l’Orthodoxie» Delachaux et Niestlé, Paris 1959
03.- EVDOKIMOV, «Mystère de la Personne Humaine», Contacts, n° 68, Paris, 1969
04.- BOULGAKOF : «Le Paraclet» Aubier, 1946
05.- Elie MELIA : «Le lien matrimonial», in «Hommes et Eglise», Strasbourg, 1970
06.- Dans le judaïsme, c’est la continuation de l’espèce qui apparaît comme la signification essentielle du mariage, la multiplication de la postérité «comme le sable de la mer» est le signe principal de la bienveillance de Dieu à l’égard du juste; au contraire l’absence d’enfants est une malédicùon, surtout pour la femme. Ce point de vue de l’Ancien Testament est intérieurement lié à l’absence dans le Judaïsme ancien d’une conception claire de l’Au-delà, Dieu était «le Dieu des vivants», non des morts et la vie trouvait son prolongement précisément dans la postérité. Au contraire, la doctrine du mariage dans le Nouveau Testament se distingue nettement de l’Ancien par le fait que son sens essentiel est dans l’amour et l’unité éternelle de l’épouse et de l’époux. C’est ce qui fait dire à sainte Macrine (PO 46,964), à qui on proposait de se marier après la mort de son fiancé : «Le mariage est par nature unique, de même qu’il n’y a qu’une naissance et une seule mort. Mon fiancé vit dans l’espérance de la résurrection et il ne convient pas de ne pas lui conserver la fidélité». Quant au monde romain, la conception du mariage se distinguait de celle des Juifs par !e fait qu’elle était d’abord liée non pas à la procréation mais au droit civil qui avait pour principe de base «le consentement et non la copulation» (Nuptias non concubitus, sed consensus facit), d’où l’établissement «d’un contrat» entre deux parties libres. Ce sont ces lois romaines que l’Eglise acceptera pratiquement jusqu’au IXème siècle (cf. r.e.a. Athénagore, Sources Chrétiennes 3, Paris, 1943, p. 161 ; saint Jean Chrysostome : PG 54, 488; Nomocanon byzantin en 14 chapitres; Kormchava slave jusqu’au début du XIXème siècle). C’est l’empereur Léon VI (886-912) qui le premier va édicter une loi rendant obligatoire la cérémonie religieuse (novelle 89) que l’empereur Alexis 1er Commène (1081-1118) étendra aussi aux esclaves.
07.- Il y a lieu de dégager ici la relation entre mariage et célibat. En fait, pour l’Eglise Orthodoxe, il s’agit de deux vocations à un état de vie, de deux réponses à une même préoccupation spirituelle, également valables du point de vue sacramentel et qui ont en commun la vertu de chasteté ou d’intégrité, impliquant une égale soumission à l’exigence évangélique de la perfection. La notion de la chasteté désigne avant tout une qualité spirituelle, «la sagesse» totale, la puissance de l’intégrité et de l’intégration de tous les éléments de l’existence. L’intégration de tous les éléments de l’être humain en un tout virginal est un événement intérieur à l’esprit. Dans le sens immédiat, c’est l’orientation eschatologique vers le siècle futur où «tous les hommes seront comme des anges», Luc 20,34-36. Ainsi, le célibat consacré n’est pas une négation de l’énergie sexuelle qui est une composante de l’être humain ; il est, en fait, sa transposition légitime, son nécessaire transfert au niveau eschatologique du Royaume de Dieu (Mt 19, 12 et 22, 30 ; Gal. 3, 28). De même, dans le mariage, si le cycle des naissances prolonge la vie par les morts successives, ce cycle est sauvé «au moyen de la chasteté», qui fait de la maternité, sous toutes ses formes, l’enfantement de l’éon nouveau : «sacrement de l’amour». Il est sacrement du monde à venir (Isaïe 26,18). Partant la sexualité du couple, qu’il soit fécond ou stérile, est dépassée par sa propre symbolique ; symbole de l’unité, elle se transcende vers l’intégrité spirituelle du seul être. C’est là seulement que le mariage rejoint le monachisme et que les deux s’unissent dans la figure eschatologique du Royaume, à l’opposé de ce qui serait une conception sociologique (procréation) qui a pour seul résultat la séparation et l’opposition des deux états. Voir : Elie MELIA, « Le Sacrement du Mariage », dans Messager Orthodoxe, n° 55-56, Paris, 1971, pp. 38-39, et P. EVDOKIMOV, Sacrement de l’Amour, Paris, 1962, pp. 226-227
08.- Olivier CLEMENT : «Questions sur l’homme» Stock, Paris, 1972 pp:102-108. Note : l’institution du mariage au paradis est une ancienne tradition très ferme. Il est question de la grâce paradisiaque du mariage (Clément d’Alexandrie Strom. PG, 8, 1184) (son commentaire sur Il Corinthiens où l’amour du Christ et de l’Eglise s’érige en archétype du mariage et préexiste ainsi au couple car Adam est créé à l’image du Christ et Eve à l’image de l’Eglise). Ni la chute, ni le temps n’ont touché à sa réalité sacrée. Saint Ephrem le Syrien (sur Ephésiens 5, 32) ajoute : «D’Adam jusqu’au Seigneur, l’authentique amour conjugal était le parfait sacrement». Saint Augustin (in Ev. Joh. 9, 2) enseigne de même : «Le Christ à Cana confirme ce qu’il a institué au paradis». En effet le Christ n’a rien institué à Cana, mais sa présence revalorise et rehausse le mariage jusqu’à sa plénitude ontologique. Ainsi, par le «mémorial» du sacrement l’amour réintroduit l’accessible paradisiaque sur terre ; c’est cette «grâce paradisiaque» qui invite l’amour à transcender tout terrestre et à s’ériger en argument puissant de la beauté qui témoigne du vrai par sa simple et transparente évidence.
09.- Encyclopédie Religieuse et morale, tome 4, Athènes, 1964, col. 201-206 (en grec).
10.- Le sacrement du mariage est célébré en deux parties : les fiançailles ou rite des anneaux parce qu’elles se font par l’imposition des anneaux ; le «rite du couronnement» ensuite qui, d’habitude, suit immédiatement et qui consiste en l’imposition des couronnes. Ces deux offices sont donc célébrés au cours d’une même cérémonie, «Dieu éternel, tu rassembles dans l’unité ce qui est séparé et tu rends indestructible le lien de l’amour; tu as béni Isaac et Rébecca et les a désignés comme héritiers de ta promesse (Gen. 25, 2, 21) ; que ce soit toi aussi qui bénisses tes serviteurs que voici…. les dirigeant en tout ce qu’ils feront de bien. Car tu es un Dieu de miséricorde et tu aimes l’homme et nous te rendons gloire, Père, Fils et SaintEsprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.»
11.- Dans l’iconographie, l’ange du mariage porte les vêtements de couleur bleu ciel, symbole de l’intégrité céleste (voir F. PORTAL, Les couleurs symboliques, Paris, 1837).
12.- Le nouveau baptisé peut épouser en secondes noces une chrétienne et être admis au sacerdoce comme un marié en premières noces (Règle Apostolique 17). Mais si un couple non chrétien reçoit ensemble le Baptême et ]’Eucharistie, c’est-à-dire s’il entre dans l’Eglise, le rite du mariage n’a pas lieu : la communion du couple est la confirmation ecclésiale du mariâge naturel, civil, conclu hors de l’Eglise (Voir J. MEYENDORFF, Mariage et Eucharistie, loc. cit
13.- L’eucologue mentionne la bénédiction de la coupe. Dès le XIème siècle, le rite rappelle dans ses grandes lignes la liturgie des présanctifiés. Selon le codex Barberini, la coupe était eucharistique. Tertullien note, pour son époque, que la bénédiction nuptiale était donnée pendant la messe. Le recueil canonique orthodoxe dit, pour l’époque récente : «Le mariage est célébré après la liturgie». (Kormichaya Kniga). Voir aussi les rituels grecs du XIIIème siècle et les manuscrits slavons du XVème siècle. A. Katanski : Pour une histoire de l’aspect liturgique du sacrement de Mariage Khristianskoe chienie, 1880, (en russe).
14.- Elie MELIA : «Le Sacrement du Mariage» Le Messager Orthodoxe Paris, 1971, p. 38.
15.- Voir 1Tim 3, 24 : Canon Apostolique 17 : le mariage des membres du clergé doit être en accord avec la doctrine chrétienne du mariage. Règle Apostolique 26 : est reconnue comme parfaitement légitime l’ordination de personnes mariées, mais le mariage est interdit après l’ordination (voir aussi à ce sujet le cas exceptionnel de la règle 10 du concile d’Ancyre concernant le mariage sous certaines conditions du diacre après son ordination).
16.- 13e Canon du concile in Trullo (691) Déjà l’Eglise de Rome avait coutume d’un clergé non marié.
17.- La règle 14 du 6ème Concile Oecuménique impose comme âge canonique les trente ans pour l’ordination des prêtres. Cet «âge canonique» vise à rappeler ce principe de maturité spirituelle dont nous venons de parler ici. Saint Cyrille d’Alexandrie (canon 4) insiste sur le fait que celui qui est appelé au ministère ecclésiastique doit auparavant avoir orienté sa vie dans l’une des deux voies normales : soit fonder un foyer et y mener une vie familiale exemplaire, soit accepter le célibat, en connaissance de cause, non comme solution égoïste, mais dans un esprit de renoncement ascétique.
18.- Syméon de Thessalonique : De matrimonio., PG 155, 504-505 et 508.
19.- De sacerdotio III, 4. PG 48-642.
20.- Léon le Sage, nov. 3 ; Balsamon, 39ème réponse à Marc d’Alexandrie, Rh. P. IV, pp. 477-478 ; Pidalion (en grec). éd. d’Athènes, 1957, p. 224, note 1.
21.- Un développement relativement tardif et purement disciplinaire du droit canon impose le célibat aux évêques. La législation conciliaire et impériale fut en effet instituée à une époque où l’on ne manquait pas de candidats issus du monachisme. En fait ces moines constituaient l’élite de la société chrétienne d’alors. Cette nouvelle législation utilisa aussi l’idée d’un mariage mystique de l’évêque avec son Eglise.
22.- Pierre L’HUILLIER, Messager de l’Exarchat du Patriarche Russe, Paris, 1965, n° 52, pp. 210-222.
Saint Grégoire le Théologien : «Le mariage est bon, mais je ne puis dire qu’il soit meilleur que l’état de virginité, D’ailleurs ta virginité ne serait pas tellement excellente si elle ne l’emportait précisément sur une chose déjà bonne en ellemême» (Orat. 37, PC, 36,293).
23.- L’Eglise orthodoxe, fidèle au principe énoncé par saint Paul (1 Cor.7, 9) tolère les secondes noces comme une dérogation à la norme chrétienne, à cause de la faiblesse humaine. Saint Basile le Grand (règle 4) précise que le second mariage, après veuvage ou divorce, suppose un an ou deux de «pénitence», c’est-à-dire d’interdiction de communion ; et le troisième mariage, quatre ou même cinq ans d’excommunication, (voir aussi règle 2 de saint Nicéphore, Patriarche de Constantinople de 806 à 816 et Rhalles-Potles, Syntagma V, 441). Le «rite des Secondes Noces» d’ailleurs se distingue du rite ordinaire du mariage. Il n’est pas précédé de l’ephonèse «Béni soit le Règne…» (qui lie le mariage à l’Eucharistie) et les prières nuptiales habituelles font place à d’autres, à caractère pénitentiel. Rappelons aussi que l’Eglise orthodoxe n’admet en aucun cas l’éventualité d’un quatrième mariage.
24.- L.’amour est une donnée que l’on ne conçoit que par l’expérience ; il n’est pas compatible avec «l’adultère» : en cas d’adultère, l’Eglise ne «dissout» pas le mariage ; en fait elle n’a pas lieu de le faire : le mariage en tant qu’union d’amour n’existe plus. Aussi, l’homme est privé de la possibilité ou du désir de recevoir ipso facto un droit à contracter un autre mariage : toute conclusion dans ce sens risquerait d’être viciée par une fausse prémisse.
Voir Elie MELIA, « Le Sacrement du Mariage », Le Messager Orthodoxe, loc. cit. Paris, 1971, p. 43, et Le Lien Matrimonial loc.cit. Strasbourg 1970.
25.- CLEMENT D’ALEXANDRIE, Strom. 13, 92 -Note : Point de vue orthodoxe sur le contrôle des naissances : a) 1er préambule : «La première raison du mariage, c’est d’ordonner la sexualité, maintenant et surtout que le genre humain a rempli toute la terre», écrit saint Jean Chrysostome au IVème siècle dans son «Discours sur le mariage». Il faut comprendre cela comme un antidote au «lapinisme», cet instinct animal de se multiplier aveuglément, qui serait en outre accepté comme but du mariage, ce qui d’une part met en question le mariage lui-même et d’autre part pose un problème des plus graves à la conscience d’aujourd’hui. Par ailleurs, comment aussi ignorer l’extraordinaire responsabilité que possède l’homme de donner la vie : refuser cette responsabilité de procréation signifierait que l’être humain rejette sa ressemblance avec Dieu, rejette son Créateur et par là altère sa propre humanité. b) 2ème préambule : Si l’Eglise orthodoxe devant les formes de limitation des naissances n’a jamais porté de jugement préalable précis et absolu dans ce domaine, elle n’a jamais, au contraire, hésité à condamner sans équivoque, comme un acte d’assassinat, non seulement toute forme d’avortement mais aussi toute tentative d’interrupfion d’une vie humaine déjà conçue (VI, Concile, Can. 101 ; Athénagore, Apologie 35 ; saint Jean Chrysostome : Hom. V, 12 in Gal. et Hom, XIX, 1, in ic.). c) Eu égard à ces deux préambules nous dirons que pour l’Eglise orthodoxe : 1) il est parfaitement clair qu’il convient d’écarter toute attitude chez l’homme qui abdique ses responsabilités ou qui invoque trop légèrement la Providence divine ; 2) l’Episcopat orthodoxe a toujours pris au sérieux la notion du Sacerdoce royal des fidèles. Le couple chrétien vit donc à part entière son destin éternel entre sa conscience et le regard de Dieu et en cela aucun tiers ne peut intervenir. Par conséquent, l’Eglise orthodoxe est, d’une part bien consciente que la formulation d’interdits généralisés et absolus ne peut être une solution positive quand ce n’est pas librement accepté par les intéressés car alors on blesse l’amour ou on réduit l’éros au niveau animal, d’autre part elle admet qu’il y a des moyens de «limitation des naissances» qui peuvent être acceptés dans certains cas et péchés dans d’autres. Pastoralement parlant donc, et puisque par-dessus tout Elle défend la dignité des époux, l’Eglise Orthodoxe sera toujours soucieuse de répondre à leur attente en fonction de leur situation particulière et selon le degré de maturité de leur âge spirituel sur la base principalement de leur amour et de la gràce qui le protège et non par rapport à la conception sociologique et finaliste de la procréation.