Avaleht/Homélies/SOUVIENS-TOI DE JESUS-CHRIST

SOUVIENS-TOI DE JESUS-CHRIST

( 2 Tim. 2 / 8-13 )

Souvenons-nous, comme nous le demande l’Apôtre Paul, que le Christ, victorieux de la mort n’est plus séparé ni de personne ni de rien . L’Agneau mystique, immolé sur la croix pour le salut du monde, est devenu – après la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte – le corps eucharistique de toute l’humanité comme de tout le cosmos . Car la victoire de la Résurrection est une victoire totale sur toute corruption, sur toute séparation, sur toute mort .

« Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Ga 2/20 ) proclame encore Paul : après la Résurrection, l’homme entièrement renouvelé ne peut plus, si vraiment il le désire, courir le risque de la déchéance et de l’échec puisqu’en Christ ressuscité il verra désormais des choses autres que leur apparence, autres que la figure de ce monde « qui ne fait que passer » .

Le christianisme en effet n’est ni une religion idéaliste ni une morale culpabilisante . Le christianisme, ce n’est rien d’autre que l’Evangile, lequel est annonce de la liberté et de l’altérité personnelle et, au-delà de la mort et de la corruption, œuvre vivifiante du Saint-Esprit . Tout dépend ici de la manière dont nous l’accueillons et le mettons en pratique, donc essentiellement de notre liberté propre, l’homme étant le seul être dans la Création qui incarne la possibilité de personnaliser la vie, de faire de l’être créé, matériel, corruptible et mortel un être de communion, un être éternel . Et ce, parce que dans les limites de son existence personnelle et en même temps corporelle, il est capable de transformer toute énergie – spirituelle ou matérielle – en mouvement et action de glorification de Dieu . C’est bien ce que nous enseigne la formulaire lapidaire du concile de Chalcédoine : le divin et l’humain sont en Christ unis sans confusion ni séparation .

« Ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » !… Cette certitude revêt bien à l’évidence une dimension cosmique qui transforme toute chose en offrande, en eucharistie . Et l’eucharistie n’est ni une expérience religieuse ni un moyen de salut personnel . L’eucharistie est une manière d’être dans l’attente du futur et dans la réalité du monde tel qu’il sera lorsqu’il se transformera en Royaume de Dieu . Aussi, ajoute encore Saint Paul, « si nous avons la constance, nous règnerons avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera ; si nous sommes infidèles, lui reste fidèle car il ne peut se renier lui-même » ( 2 Tim.2/12-13 ).

Pour Saint-Paul il ne fait pas de doute qu’aucune forme de la vie et de la culture n’échappe à l’universalité de l’Incarnation . « Soumettre la terre » signifie pour la Bible en faire le Temple de Dieu et non pas l’exploiter ou la défigurer . Pourtant, sans cesse nous sommes tentés de faire la distinction entre ce qui est propre à « notre vie naturelle » et ce qui relève des « dons surnaturels du Saint-Esprit » . Continuellement nous considérons la vie spirituelle comme une qualité surajoutée à notre existence naturelle alors que les Saintes Ecritures et les Pères de l’Eglise ne connaissent que deux réalités existentielles, lesquelles correspondent à deux seuls modes d’existence : celui de la communion avec Dieu – communion qui fonde la vie – et celui da la séparation d’avec Dieu qui aboutit à la corruption et à la mort .

Face à l’athéisme contemporain et à toutes les sociétés matérialistes qui posent violemment à la face du monde le problème du sens de l’Histoire, osons dire sans crainte que l’ultime révolution ne peut être que l’affaire de la seule Eglise du Christ, parce qu’elle seule, chargée des énergies de l’Esprit Saint, est à même de manifester l’invisible présence du Transcendant au sein de ce monde clos d’une civilisation technique et par trop mercantile . Une telle certitude ne sera jamais négation mais affirmation que toute vraie culture – en retrouvant ses origines « liturgiques » – devient icône du Royaume des cieux, que le « doigt de Dieu » touche en lui laissant quelque chose qui demeurera toujours .

Ö Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant qui efface tous les péchés,
donne-nous de ne jamais oublier que notre vraie responsabilité réside dans le désir brûlant et la recherche incessante de la Sainteté, laquelle a pour conséquence la divinisation du monde et pour but suprême la glorification ineffable de Dieu !

 

Stephanos, métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie

Mai 2006