Avaleht/Orthodoxie/Catéchèse/La Divine Liturgie expliquée aux adultes – 4

La Divine Liturgie expliquée aux adultes – 4

LA LITURGIE DES FIDELES

La deuxième partie de la Liturgie est appelée Liturgie des Fidèles. C’est pourquoi elle commence par une invitation faite par le diacre, tourné vers l’autel, à leur intention :
«Et nous, les fidèles, encore et encore prions le Seigneur».
Les fidèles, qui représentent le peuple des baptisés, sont appelés par la prière commune à se préparer à l’offrande eucharistique. Autrefois, les portes de l’église restaient fermées, afin de signifier que l’Eglise n’est plus de ce monde, étant le corps du Christ. Cependant, si elle se sépare du monde, elle le fait pour le monde afin d’apporter le sacrifice du Christ « pour tous et pour tout », comme nous l’explicitera la longue prière de l’anaphore.

1) PRIERES POUR LES FIDELES

La Liturgie des Fidèles débute par deux prières que prononce le prêtre. Elles sont précédées chacune d’une courte ecténie dite par le diacre. Dans la première prière, le prêtre demande pour lui et pour les autres célébrants la grâce de Dieu pour célébrer dignement le Saint Sacrifice de l’Eucharistie. Dans la seconde, il prie particulièrement pour les fidèles, afin qu’ils soient jugés dignes de participer aux Saints Mystères.

2) LA GRANDE ENTREE

La Grande Entrée est un des moments les plus solennels de la Liturgie. Elle est marquée par un grand encensement, la procession des offrandes et par le chant des chérubins.

Actes et prières des célébrants

Le prêtre commence par dire une prière qui lui est tout spécialement destinée. C’est la seule prière de toute la Liturgie que le prêtre prononce à sa propre intention, et non pour tous ceux qui composent l’assemblée ecclésiale :
«Je Te supplie donc, Toi seul es bon et bienveillant, abaisse ton regard sur le pécheur et l’indigne serviteur que je suis, purifie mon âme et mon cœur de toute pensée mauvaise et donne-moi la force, par la puissance de ton Esprit-Saint, de me tenir revêtu de la grâce du sacerdoce devant ta sainte table que voici, et de consacrer ton Corps saint et sans tache, et ton Sang précieux. Je viens à Toi inclinant la tête et je Te supplie, ne détourne pas de moi ta Face et ne me rejette pas du nombre de tes enfants, mais rends-moi digne, tout pécheur et indigne serviteur que je suis, de T’offrir ces dons».
Puis le prêtre s’adresse au Christ pour affirmer que nos dons qui vont être portés vers l’autel, sont une offrande effectuée par le Christ Lui-même. Car, comme il est dit ensuite, «c’est Toi qui offres et qui es offert, Toi qui reçois et qui es distribué».
Nous pouvons offrir cette offrande parce que le Christ, Lui-même, s’est offert en sacrifice une fois pour toute, et que Son sacrifice contient tous les nôtres. C’est parce que le prêtre est revêtu du sacerdoce du Christ qu’il peut lui seul opérer le sacrement de l’Eucharistie et manifester, non pas sa séparation d’avec l’assemblée, mais son unité avec elle. C’est pourquoi le prêtre demande d’être secouru et d’être «revêtu de la puissance de l’Esprit-Saint».

Le grand gncensement

Après cette prière, et précédé du diacre qui tient à la main un cierge allumé, le prêtre fait le grand encensement de l’autel, de tout le sanctuaire puis de toute l’église, en récitant secrètement le psaume 50 et les tropaires de pénitence.
Rentrés au sanctuaire et après avoir encensé l’autel, les célébrants font trois métanies devant l’autel en baisant celui-ci après la seconde. Puis, se retournant vers les fidèles, ils s’inclinent devant eux et se rendent à la prothèse. Le prêtre enlève l’aër qui recouvre le calice et la patène, et le met sur les épaules du diacre. Celui-ci reçoit la patène des mains du prêtre qui prend lui-même le calice.

La procession

A présent commence la procession des dons qui sont d’abord portés à travers l’église. Les célébrants s’arrêtent au milieu de la nef et se tournent vers le peuple. Le prêtre demande au Seigneur qu’il se souvienne des Pasteurs de l’Eglise, des gouvernants, des fondateurs du lieu où se déroule la Liturgie, des défunts et de tous les chrétiens orthodoxes.
Cette entrée solennelle accompagnée par le porte-cierge et le second diacre qui encense les saints dons pendant toute la procession, signifie, aussi, notre propre mouvement de montée vers le Royaume de Dieu.

Le chant des Chérubins

Dès les prières et l’encensement qui précèdent la procession d’entrée, le chœur chante l’hymne des Chérubins
«Nous, qui dans ce mystère représentons les chérubins, et chantons l’hymne trois fois sainte, à la vivifiante Trinité, déposons maintenant, tous les soucis de ce monde».
«La prière de la petite entrée évoquait l’entrée des anges unie à la notre. Dans la grande entrée, nous faisons plus. Nous déclarons que, mystérieusement, par une grâce divine, nous sommes devenus les figures, les représentants des anges.» (Un moine de l’Eglise d’Orient, L’offrande liturgique, coll. Foi Vivante, éd. Cerf, 1988, P31)
Avec eux nous glorifions la Sainte Trinité car «voici que le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, le Christ notre Dieu, s’avance pour être sacrifié et donné en nourriture à ses fidèles. C’est pourquoi, en cette minute transformante, nous devons écarter tout souci mondain, nous dépouiller de tout ce qui ne regarde pas Dieu.» (Idem Op. cit. P31)
Quand le prêtre et le diacre entrent dans le sanctuaire, la chœur entonne à nouveau : «Pour recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement escorté par les armées des anges. Alléluia, Alléluia, Alléluia !»

3) L’ENTREE DES SAINTS DONS

«L’entrée des saints dons dans le sanctuaire symbolise le transfert du Corps du Seigneur au saint Tombeau. C’est pourquoi les portes saintes se referment et le rideau est tiré. Elle évoque également l’entrée du Christ, notre Grand Prêtre, dans le sanctuaire céleste.»
Le prêtre dépose le pain et le vin sur l’autel en les offrant à Dieu, pour rappeler que le Corps du Seigneur fut déposé au Tombeau comme sur un autel et offert en sacrifice pour le salut du monde.
Puis le prêtre enlève les voiles du calice et de la patène et les dépose pliés sur l’autel. Il prend alors l’aër des épaules du diacre, l’encense et recouvre les saints dons en disant : «Le noble Joseph, descendit de la Croix ton Corps très pur, l’enveloppa d’un linceul immaculé, l’oignit d’aromates et le déposa dans un sépulcre neuf.»

4) ECTENIE

Le diacre sort par la porte nord du sanctuaire pour se tenir devant les Portes Saintes tourné vers l’iconostase. Elevant son étole de la main droite, il prononce une longue ecténie.
Puis les Portes Saintes s’ouvrent, le prêtre prononce l’ecphonèse de la prière et dit : «Paix à tous.»
Le choeur répond: «Et à ton esprit.»

5) LE BAISER DE PAIX

Le diacre proclame :
«Aimons-nous les uns les autres, afin que dans un même esprit nous confessions.»
Le chœur :
«Le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Trinité consubstantielle et indivisible.»
Cet élément liturgique du baiser de paix était anciennement partagé entre tous les membres de l’assemblée, alors qu’aujourd’hui, seuls les prêtres et les diacres se donnent l’accolade en se saluant ainsi : «Le Christ es parmi nous». Tandis que l’interpellé répond «Il l’est et le demeurera».
Cet amour que l’on nous demande de partager est radicalement nouveau. Car le Christ nous recommande non seulement de nous aimer les uns les autres, mais aussi d’aimer nos ennemis. Cette dernière proposition, qui semble irréalisable, a été cependant rendue accessible à tout homme grâce à l’Incarnation de Jésus-Christ. Celui-ci nous a en effet révélé cet amour total, qui est dans la nature de Dieu même, par ses discours, par tous ses actes, et qui culmine dans son sacrifice volontaire sur la Croix où il priait pour ses bourreaux. A Sa suite, les saints de l’Eglise ont fait preuve de ce même amour pour leurs ennemis, depuis saint Etienne le protomartyr qui tout en étant lapidé priait pour ses bourreaux jusqu’à saint Silouane de l’Athos dont la prière pour le monde entier englobait même ses ennemis. Ainsi tous les saints ont témoigné par leur vie et leurs œuvres que ce commandement d’amour total est réalisable.
De même, tout homme uni au Christ reçoit de Lui cet Amour, croît en lui et peut, à son tour, offrir cet Amour. «A cela tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres». Seul l’amour du Christ dont nous sommes embrasés va nous rendre frères en Christ.
«Le baiser de paix est également placé à cet endroit de la Liturgie, avant le début du Sacrifice, pour obéir au précepte du Seigneur, qui nous demande de nous réconcilier avec nos frères avant de présenter notre offrande.»

6) LE SYMBOLE DE LA FOI

Avant la lecture du symbole de la foi, le diacre prononce ces mots
«Les Portes! Les Portes! Soyons attentifs dans la sagesse !»
«Cette exclamation s’adressait jadis aux portiers qui devaient veiller à ce qu’aucun païen n’entre dans l’église. Elle s’adresse aujourd’hui à tous les fidèles pour qu’ils gardent les portes de leur cœur qu’ils viennent de convertir à la charité parfaite, contre toute intrusion de l’ennemi. Que seule y demeure la présence de Dieu. Le Seigneur nous a recommandé dans l’Evangile de fermer la porte de notre chambre et de prier dans le secret. Nous sommes invités à fermer «certaines» portes de notre cœur.» «Et inversement, il y a des portes qu’il faut de manière invisible, ouvrir dans notre cœur. «Soyons attentifs!» dit le texte de la Sainte Liturgie. Devenons ouverts et attentifs aux paroles et aux inspirations qui viennent de Dieu. Le Seigneur adresse à chacun de nous la phrase qu’il prononça sur un malade
« Ephpheta! Ouvre-toi »(Op. cit P36)
« Pendant la récitation du symbole de la foi le prêtre agite sur le pain et le vin de la communion l’aër qui recouvrait la coupe. Ce balancement du voile au-dessus du pain et du vin est considéré comme le symbole du souffle du Saint-Esprit, du vent qui emplit la maison lors de la Pentecôte. On est en train de prononcer les paroles de la confession de foi. Or on ne peut confesser comme il le faut la foi chrétienne si, au même moment, le Saint-Esprit ne souffle pas sur nous. Si son inspiration fait défaut, nous pourrons bien lire des formules correctes, mais le rite sera un rite mort, stérile. Que le Saint-Esprit vienne donc animer et vivifier les paroles que nous disons! » (Op. cit P37)
Dans l’Eglise primitive et encore aujourd’hui, la confession solennelle de la foi achevait la préparation des catéchumènes à leur entrée baptismale dans l’Eglise. Depuis le VIème siècle, elle est introduite dans la Liturgie pour mieux signifier la liaison entre l’unité de la foi de tous les participants de l’Eglise, et son accomplissement par l’Eucharistie. «Nous tous qui communions au Pain et au Calice uniques, réunissons-nous les uns les autres dans la communion de l’Unique Esprit.» (Prière Eucharistique de saint Basile.)
«Le texte du Credo est une icône de la Trinité, il nous apprend à adorer le Dieu Un et trois fois Saint. En méditant le symbole de la foi, nous l’imprimons dans nos cœurs pour qu’il devienne notre souffle. Dire «je crois», c’est là mon adhésion libre et personnelle à la foi chrétienne. Mais en même temps, chacun de nous participe à la foi de l’Eglise tout entière. Par notre confession, nous sommes unis à Dieu et aux chrétiens du monde entier, ceux de tous les temps et de tous les lieux, pour les siècles des siècles.» (Le Credo de Nicée-Constantinople, catéchèse orthodoxe, éd. du Cerf 1987, 4ème de couverture)
Le Credo, après avoir confessé que Dieu est Unique. présente les trois Personnes de la Trinité :
Le Père, Première Personne de la Trinité, est source unique de la divinité, Il est le principe de l’unité des trois Personnes divines et le créateur de toutes choses ;
Le Fils, Deuxième Personne de la Trinité qui partage l’éternité avec le Père, engendré et non créé, est l’artisan de la création, par son Incarnation, par sa Passion volontaire, sa Résurrection et sa montée au ciel, il est le rédempteur du genre humain et nous attendons son retour définitif ;
Le Saint-Esprit, Troisième Personne de la Trinité qui procède du Père est consubstantiel (de même substance) que le Père et le Fils et partage donc leur éternité, c’est Lui qui donne la vie à toute chose.
Puis nous confessons aussi notre foi dans le Mystère de l’Eglise, qui, comme le Christ est divino-humaine et fondée par Lui ; et en un seul baptême, car le baptême est indélébile et rien ne peut le dissoudre.
Nous affirmons également notre croyance en la résurrection des morts dont la Résurrection du Christ fut le prémisse et en la vie à venir, c’est à dire en la vie éternelle.

7) LE CANON EUCHARISTIQUE OU ANAPHORE

Présentation générale

Les différentes parties de la Liturgie que nous avons vu précédemment : petite entrée, lectures, grande entrée, confession de foi, nous ont conduits par un mouvement ascensionnel à cette partie capitale de la Liturgie que l’on appelle canon eucharistique ou anaphore. Le terme canon eucharistique vient du grec : «canon» signifiant règle ou loi, et eucharistie signifiant «action de grâce». Ainsi, le canon eucharistique obéit à une règle fixe qui lui donne sa structure.
Le mot grec anaphore signifie élévation et manifeste bien le mouvement général de cette prière eucharistique au cours de laquelle les fidèles, tout en élevant leur offrande, s’élèvent eux-mêmes vers Dieu, afin qu’en retour Dieu envoie son Esprit-Saint sur eux et sur les dons.

Structure

La structure de cette prière forme un ensemble d’une unité profonde. Elle correspond aux trois bénédictions (berakoth) que faisait Israël après le repas juif. C’est cette même prière de remerciement qu’a prononcé le Christ le soir du Jeudi Saint après avoir pris le pain et le calice. Les trois parties de cette prière revêtent à présent, dans l’Eglise, un caractère trinitaire :
La première partie est une prière de remerciement pour la création s’adressant au Père;
La deuxième partie est un mémorial reconnaissant (anamnèse) de l’œuvre rédemptrice et libératrice du Fils.
La troisième partie est une supplication, ou invocation, ou épiclèse pour la descente du Saint-Esprit afin que, par Lui, nous recevions la «plénitude du Royaume» (Cette distinction en trois parties est tirée de «Dieu est vivant», éd. du Cert. p 321)

Déroulement

L’anaphore débute par un appel du diacre : «Tenons-nous bien ! Tenons-nous avec crainte ! Soyons attentifs à offrir en paix la sainte oblation.» Le diacre nous appelle à nous tenir comme il convient devant Dieu : avec piété et sainteté, crainte et audace confiante, attitudes spirituelles de la paix intérieure propice à la louange de Dieu.
Le chœur répond : «L’offrande de paix, le sacrifice de louange.»
Non seulement nous offrons dans la paix, mais c’est la paix elle-même que nous offrons en guise de présent et de second sacrifice. Car nous offrons la miséricorde à Celui qui a dit : «Je veux la miséricorde et non le sacrifice.» Or, la miséricorde est un fruit de la solide et authentique paix. Car lorsque nulle passion ne trouble l’âme, rien n’empêche celle-ci d’être remplie de miséricorde. Mais (nous offrons) aussi un « sacrifice de louange ». (St Nicolas CABASILAS op. cit. P171)
Le prêtre s’avance sur l’ambon et donne la bénédiction en disant :
«Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père, et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.»
Cette formule trinitaire de saint Paul (Il Cor. 13, 13) utilisée ici, n’a pas l’ordre habituel de l’énonciation des trois personnes de la Sainte Trinité. Ici, la bénédiction commence par invoquer le Christ, par communiquer sa grâce. Ceci parce que la grâce nous vient du Seigneur Jésus, et parce que c’est Lui qui nous révèle l’amour du Père, et qui nous communique le Saint-Esprit.
A cette bénédiction, le chœur répond par : «Et avec ton esprit.» Le prêtre : «Elevons nos cœurs.»
Le chœur : «Nous les avons vers le Seigneur.»
Par cette réponse, l’élévation (l’anaphore) est déjà manifestée. Cette exhortation à tenir haut les cœurs nous rappelle que l’Eucharistie ne s’accomplit pas sur la terre mais au ciel. Comme membres du Christ ressuscité nous sommes avec Lui, déjà assis à la droite de Dieu. «Nous autres, morts à cause de nos fautes, Dieu nous a vivifiés avec le Christ, et il nous a ressuscité avec Lui, et fait asseoir dans les cieux en Jésus-Christ.» (Éphès, 2, 56).
Le prêtre : «Rendons grâce au Seigneur»
Le chœur : « Il est digne et juste » (d’adorer le Père, et le Fils, et le Saint-Esprit; Trinité consubstantielle et indivisible). (Cette partie entre parenthèses est parfois omise).

8) LA PRIERE EUCHARISTIQUE

Etant rentré dans le sanctuaire, le prêtre commence la prière eucharistique. Dans cette prière d’action de grâce, nous exprimons notre reconnaissance à Dieu «pour tout». Nous nous souvenons devant Lui de tout ce qu’il a fait à notre égard. «Du néant tu nous as amenés à l’être». Il a relevé les hommes après la chute. Il ne cesse d’agir pour nous porter jusqu’au royaume à venir. «Pour cela nous Te rendons grâce, à Toi et à ton Fils unique et à ton Esprit-Saint ; pour tous les bienfaits connus ou ignorés de nous, manifestés ou cachés, répandus sur nous».Pour toute cette bonté répandue sur nous chaque jour sous une infinité de formes.
«Mais notre action de grâce se précise, devient plus immédiate et plus concrète «Nous te rendons grâce aussi pour cette liturgie que tu as daigné recevoir de nos mains, bien que Tu aies pour te servir des milliers d’archanges…». Une adoration plus digne que la nôtre pourrait être offerte à Dieu par les puissances célestes seules.. Mais Dieu accepte ce que nous lui présentons de nos mains pécheresses.» (Un moine de l’Eglise d’Orient Op. cit. P41-42)
Par ces paroles d’action de grâce, nous reconnaissons également l’œuvre du Créateur, nous lui exprimons notre reconnaissance, en tant que créatures qui, désormais, grâce au sacrifice du Christ, vont être appelées et capables de transfigurer le monde et d’être elles-mêmes déifiées et «participantes de la nature divine» (St Grégoire Palamas).
Cette vocation de l’homme une fois affirmée, nous sommes d’autant plus conscients de notre nature pécheresse. Cependant nous sommes à même de le reconnaître parce que nous avons accès auprès du Père et que nous sommes faits participants du Royaume futur : «Tu n’as pas cessé d’agir jusqu’à ce que tu nous aies élevés au ciel et fait don de ton Royaume à venir.»
Le prêtre termine la prière par ces quatre mots «Chantant, clamant, criant l’hymne triomphale et disant»
«A travers ces quatre termes, la tradition chrétienne a vu une allusion aux cris des quatre «vivants» de la vision d’Ézechiel (Éz. 1, 6ss) et de l’Apocalypse (Apoc. 4, 67) qui symbolisent à la fois les Puissances angéliques qui portent le rayonnement de la Gloire de Dieu vers les quatre points cardinaux, c’est à dire dans le cosmos tout entier et les quatre Evangélistes qui portent le message du Verbe aux extrémités de la terre. C’est pourquoi, tandis que le célébrant prononce cette formule, le diacre marque la patène d’un signe de croix en touchant les bords en quatre points, avec les branches de l’astérisque qui couvre les saints dons.»
Le chœur entonne alors le chant des Séraphins : «Saint, saint, saint, le Seigneur Sabaoth. Le ciel et la terre sont remplis de ta Gloire. Hosanna au plus haut des cieux ! Béni est celui qui vient au Nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !»
« Le chant triomphal des séraphins, qui fut entendu des prophètes dans leurs saintes visions et repris par le chœur tout entier, entraîne les pensées des fidèles en prière vers les cieux invisibles.» (Nicolas Gogol op.cit.)

9) L’ANAMNESE

Anamnèse est un mot grec signifiant «souvenir, mémoire, acte rendant actuel un événement passé cri le rappelant non seulement à la mémoire des hommes, mais aussi de Dieu.»
Le récit de la Sainte Cène qui va suivre maintenant, sera le récit de l’institution, c’est à dire ce que Jésus a fait la veille de sa mort, au cours du dernier repas du Jeudi Saint, récit qui nous est rapporté dans les Evangiles de saint Matthieu (26, 26-28), saint Marc (14, 22-25) et saint Luc (21, 19-20), ainsi que chez saint Paul (II Cor. 23-25).
Le prêtre : «Nous joignant à ces bienheureuses puissances, nous aussi, Maître, ami des hommes, nous clamons et disons : Tu es saint, Tu es parfaitement saint, Toi et ton Fils unique et ton Esprit Saint. Tu es saint. Tu es parfaitement saint, magnifique est ta gloire. Toi qui as aimé le monde jusqu’à donner ton Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Il est venu et Il a accompli tout ton dessein à notre égard. La nuit où Il fut livré, ou plutôt se livra Lui-même pour la vie du monde, Il prit un pain dans ses mains saintes, pures et immaculées, rendit grâce, le bénit, le sanctifia, le rompit et le donna à ses saints disciples et apôtres en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps qui est rompu pour vous, en rémission des péchés.»
En même temps, le prêtre montre le pain de la main droite, Le chœur répond : «Amen.»
Puis, tout en désignant le calice le prêtre dit «De même, Il prit le calice après le repas en disant : Buvez-en tous, ceci est mon Sang, le Sang de la Nouvelle Alliance, qui est répandu pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés.» De nouveau, le chœur répond par «Amen»
«En offrant le pain et le vin, Jésus-Christ devient l’offrande du sacrifice, remplaçant toutes les victimes immolées et tous les holocaustes (Hébr. 9, 11-28). Comme Abraham, mis à l’épreuve, avait dressé un autel et offert son fils à Dieu en sacrifice (Gen.22, 1-18), de même Jésus s’offre Lui-même à son Père. Le Sacrifice de la Croix est de toute éternité, reçu et accepté par le Père, pour la vie du monde.» (catéchèse orthodoxe, t2, la Résurrection, éd. Cerf P101)
Nous comprenons mieux pourquoi dans nos églises sont unis l’autel et la croix. C’est le Saint-Esprit reçu par l’Eglise à la Pentecôte, qui nous permet de réunir sur nos autels le repas eucharistique et le sacrifice de la Croix dans la lumière de la Résurrection du Christ.
A présent le prêtre fait mémoire de tout ce que Jésus a fait pour nous : «Commémorant donc ce commandement salutaire, et tout ce qui a été fait pour nous : la Croix, le Tombeau, la Résurrection au troisième jour, l’Ascension au ciel, le Siège à la droite, le second et glorieux Nouvel Avènement.»
«Ainsi pendant la Divine Liturgie, on ne participe pas seulement à l’unique sacrifice du Sauveur mais encore à sa Résurrection, à son Ascension et à son retour glorieux à la fin des temps. «Il est caractéristique, écrivait l’archimandrite Cyprien, que la commémoration s’étende à tous les temps et pas seulement au passé. Dans la commémoration eucharistique, se mêlent les frontières du passé, du présent et de l’avenir. Le service eucharistique, en paroles et non sanglant, est hors du temps, non soumis aux lois de nos perceptions sensibles et de notre logique. Nous nous souvenons, dans notre liturgie, même de l’avenir ». (Evkaristia, Ymca Press, 1946, p230-231)
Puis le prêtre termine par : «Ce qui est à Toi, le tenant de Toi, nous te l’offrons pour tout et en tout.»
Ces dernières paroles prononcées sont l’anaphore proprement dite, c’est à dire l’offrande que le célébrant offre à Dieu, en remerciement de l’offrande du Christ, en obéissance à cet ordre ainsi qu’en mémorial reconnaissant (Faites ceci en mémoire de moi).
Au moment où ces paroles sont prononcées le diacre en croisant les mains prend la patène de la main droite et le calice de la main gauche, il les élève en faisant un signe de croix au-dessus de l’autel, et le chœur entonne : «Nous te chantons, nous te bénissons, nous Te rendons grâce, Seigneur, et nous Te prions, ô notre Dieu.»

10) L’EPICLESE

L’anaphore se conclut par l’épiclèse. C’est un mot grec qui signifie «invocation». Il s’agit en effet de la demande faite par le prêtre au Père d’envoyer son Saint-Esprit «sur nous et sur les dons qui sont présentés ici», et de faire du pain et du vin le corps et le sang du Christ.
La Liturgie est traversée dès son début par les demandes à Dieu de l’envoi du Saint-Esprit, pour que ce dernier transfigure les dons et les êtres qui vont les recevoir.
«La transformation du pain et du vin en Corps et Sang du Christ n’est pas une œuvre de magie sacerdotale. Le texte de la Liturgie dit : «… les changeant par ton Saint-Esprit». Ce changement, réponse de Dieu à notre prière, n’est pas un but en lui-même. Il est opéré «afin qu’ils deviennent pour ceux qui les reçoivent purification de l’âme, rémission des péchés », et aussi « communion de ton Saint-Esprit» Tout se fait par l’Esprit et dans l’Esprit. » (Un moine de l’Eglise d’orient, op. cit. p. 48.)
En effet «la matière n’est pas imperméable à l’action du Saint-Esprit, et la communion au Pain et au Vin n’aurait aucun sens si ces dons n’avaient été changés par l’action de l’Esprit en Corps et Sang du Christ Ressuscité». (Dieu est vivant, op. cit. P326.)
«Et voici une remarque très importante. Le prêtre a dit : «Envoie ton Esprit-Saint sur nous et sur les dons…» Il n’a pas demandé que l’Esprit vienne d’abord sur les dons, mais qu’Il vienne premièrement sur nous. C’est là le moment de Pentecôte dans la Liturgie Eucharistique. L’Esprit vient dans nos cœurs avant de venir sur les éléments matériels, pain et vin, objets d’offrande et de consécration.» (Un moine de l’Eglise d’orient, op. cit. p. 48-49)
«Je crois encore que ceci même est ton Corps très pur et que ceci même est ton Sang précieux» ; disons-nous plus tard à la prière avant la communion. Mais «le but de l’Eucharistie n’est pas de transformer du pain et du vin, c’est de communier avec le Christ devenu notre nourriture, notre vie ; c’est la manifestation de l’Eglise comme Corps du Christ. » (Alexandre SCHMEMANN, l’Eucharistie, Sacrement du Royaume, p. 250).
La Liturgie de saint Basile est très explicite à ce sujet : «Et nous tous, qui communions au pain unique et au même calice, fais que nous soyons unis les uns aux autres dans la communion de l’unique Esprit Saint ». (Dans certains usages russes après «nous te chantons» le prêtre dit par trois fois à voix basse et en élevant les mains, une prière préalable d’invocation de l’Esprit-Saint : «Seigneur, qui, à la troisième heure, as envoyé ton très Saint-Esprit sur tes apôtres, ne nous le retire pas dans ta bonté, mais rénove-nous, nous qui T’implorons». et le diacre, en réponse dit les versets du Psaume 50 : «Créé en moi un cœur pur, ô Dieu, et renouvelle en ma poitrine un esprit droit. Ne me rejette pas loin de ta face, et ne retire pas de moi ton Esprit-Saint.»)
Ainsi préparés pour l’épiclèse, le prêtre prononce à voix haute «Nous T’offrons encore ce culte spirituel et non sanglant, et nous T’invoquons, nous Te prions et nous Te supplions : envoie ton Esprit Saint sur nous et sur les dons qui sont présentés ici»
Le diacre désignant le Pain «Bénis, Père, le saint Pain».
Le prêtre bénissant le Pain «Et fais de ce Pain, Corps précieux de ton Christ.»
Le diacre, parfois avec le chœur, et parfois toute l’assemblée (selon les usages locaux) : «Amen»
Puis désignant le calice, le diacre dit : «Bénis, Père, le saint calice»
Le prêtre en bénissant : «Et ce qui est dans ce calice Sang précieux de ton Christ»
Le diacre seul (ou voir ci-dessus) : «Amen»
Le diacre désignant le Pain et le Vin : «Bénis, Père, l’un et l’autre.»
Le prêtre faisant un signe de croix «Les changeant par ton Esprit-Saint.»
Le diacre seul (ou voir ci-dessus) : «Amen, Amen, Amen.»
Le prêtre : «Afin qu’ils deviennent pour ceux qui les reçoivent sobriété de l’âme, rémission des péchés, communion de ton Saint-Esprit, plénitude du Royaume des cieux, confiance en Toi, et non jugement ou condamnation. Nous T’offrons encore ce culte raisonnable pour ceux qui ont trouvé le repos dans la foi : les Ancêtres, les Pères, les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Prédicateurs, les Evangélistes, les Martyrs, les Confesseurs, les Ascètes et pour toute âme juste décédée dans la foi.»
Le prêtre va maintenant inclure dans son action de grâce l’Eglise tout entière : celle des défunts et des vivants, avec une place toute particulière à la Mère de Dieu, celle qui fut «le Temple incarné et que l’Eglise exalte comme plus glorieuse que les saints et même que les puissances angéliques.» (La Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome, éd. Cerf, p. 67)
Le prêtre encense l’autel et les saints dons en commémorant la Mère de Dieu : « Et en premier lieu pour notre très sainte, immaculée, toute bénie et glorieuse Souveraine, la Mère de Dieu, et toujours Vierge, Marie.»
Le chœur répond par un chant de louange à la Mère de Dieu «Il est digne en vérité de Te célébrer, ô Mère de Dieu, Bienheureuse et très pure et Mère de notre Dieu. Toi, plus vénérable que les Chérubins, et plus glorieuse incomparablement que les Séraphins. Qui, sans tache, enfantas Dieu le Verbe, Toi, véritablement Mère de Dieu, nous T’exaltons.»
Le prêtre continue de commémorer les saints et en particulier les saints du jour, les défunts et tous les vivants.
«Le prêtre conclut : «Et souviens-toi de tous ceux à qui chacun de nous pense, et souviens-toi de tous et de toutes.» Le chœur répète : «Et de tous et de toutes.» Voyons bien tout ce qu’implique cette phrase. Elle exprime l’universalité de la prière de l’Eglise et de notre prière personnelle. Nous n’excluons personne de notre prière. Nous ouvrons nos bras, nous les tendons vers tous les besoins, vers toutes les détresses. A vous tous, à vous toutes, nous appartenons, nous nous unissons.» (Un moine de l’Eglise d’orient, op. cit., P54)
Enfin le prêtre intercède pour tous les besoins humains et la prière eucharistique se conclut par une doxologie trinitaire.
C’est donc l’Eglise tout entière, terrestre et céleste qui se retrouve dans l’unité de la foi et la communion du Saint-Esprit, grâce au mystère de l’Eucharistie. Cette unité de tous dans le Corps du Christ nous permet de recevoir la bénédiction qui conclut la prière de l’anaphore : «Que les miséricordes de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ soient avec vous tous.» Le chœur : «Et avec ton esprit.»
La nécessité d’avoir à présenter la Divine Liturgie en différentes parties, ne doit pas nous faire oublier le lien essentiel qui les relie toutes entre elles : à savoir la montée de l’Eglise, du peuple de Dieu vers le Royaum ; ce Royaume qui nous est manifesté et légué au cours de cette cène mystique.
Tout le mouvement ascensionnel de la Liturgie nous a menés jusqu’à cette invocation du Saint-Esprit sur les Saints Dons, qui va nous permettre de communier avec le Christ, devenu notre nourriture, notre Vie.

11) PRIERES PREPARATOIRES A LA COMMUNION

A la fin du canon eucharistique, le prêtre ayant béni l’assemblées, le diacre sort par la porte Nord et prononce une ecténie qui est proche de celle qui est dite avant la confession de foi, mais, à présent, on prie pour les «dons précieux, offerts et sanctifiés», car, depuis lors, a eu lieu la consécration eucharistique.
Pendant ce temps le prêtre dit à voix basse :
«C’est à Toi, Maître, ami des hommes, que nous confions notre vie tout entière et notre espoir. Nous T’invoquons, nous Te prions et nous Te supplions : rends-nous dignes de participer aux célestes et redoutables Mystères de cette table spirituelle et sacrée, avec une conscience pure, en rémission des péchés, pour le pardon de nos transgressions, pour la communion du Saint-Esprit et l’héritage du Royaume des cieux, afin que nous ayons la confiance de venir à Toi, sans encourir de jugement ou de condamnation.»
Puis le diacre termine les demandes par :
«Ayant demandé l’unité de la foi et la communion du Saint-Esprit, confions-nous nous-mêmes, confions-nous les uns les autres, confions toute notre vie au Christ, notre Dieu.»
L’unité de la Foi, c’est cette certitude intérieure, inébranlable, sans hésitation, stable, à l’abri de remous extérieurs, du cœur de cet homme qui croit et qui sait où il va, en toute quiétude. «Quant à la communion du Saint-Esprit, elle signifie la grâce de cet Esprit. On l’appelle «communion» parce que le Seigneur, ayant abattu par sa croix, le «mur de séparation» (Éphès. 4, 13) entre Dieu et nous, ceux qui, jusqu’alors étaient séparés, et n’avaient rien de commun, devaient désormais s’accorder et rester en communion : la venue du Saint-Esprit sur les Apôtres a produit cet effet… » (N. Cabasilas, op. cit. P119-121). Pour «se confier à Dieu», il faut de l’assurance. Or, l’assurance, c’est une conscience pure qui la produit «lorsqu’en paix dans notre cœur, nous nous occupons des intérêts de Dieu» sans nous soucier des nôtres. Tel le «lys des champs» nous oublions alors tout ce qui nous ramènerait à nous-mêmes pour nous abandonner à Dieu qui sait mieux que nous ce dont nous avons besoin.»

La prière du Seigneur

Le prêtre dit à haute voix : «Et rends-nous dignes, Maître, d’oser en toute confiance et sans encourir de condamnation t’appeler Père, toi le Dieu céleste et dire :»
Selon la coutume locale soit le chœur, soit l’assemblée, soit le président de l’assemblée récite le «Notre Père».
«Pour toute la tradition chrétienne, le «Notre Père» est la prière par excellence des baptisés, de ceux qui ne sont plus à l’égard de Dieu des esclaves craintifs mais des fils adoptifs auxquels l’Esprit-Saint inspire une confiance toute filiale à l’égard de leur Père céleste.»
« Après quoi le prêtre souhaite à tous la paix, Il vient de leur rappeler par la prière leur titre de noblesse en nommant Dieu leur Père : voici maintenant qu’il les invite à le reconnaître aussi pour leur souverain Maître et à montrer à son égard des sentiments de serviteur en inclinant la tête devant lui en faisant, par cette attitude, profession d’être à son service. Ils s’inclinent, en effet, non pas seulement comme des êtres nés serviteurs le font devant leur Maître, leur Créateur et leur Dieu, mais comme des serviteurs achetés s’inclinent devant Celui qui les a acquis au prix du sang de son Fils unique ; en vertu de ce sang, il nous possède à double titre : il nous a acquis comme esclaves et en même temps il a fait de nous ses enfants. Car c’est le même et unique sang qui a renforcé et multiplié les liens de notre servitude et qui a opéré l’adoption divine. » (Idem, P221).
Pendant que les fidèles inclinent la tête, le prêtre prononce une prière d’action de grâces et de préparation à la communion, qui s’adresse à tous les fidèles, car, dès son origine, l’Eglise a considéré la communion comme l’accomplissement par chacun de ses membres de sa vocation chrétienne et de sa qualité de membre du Corps du Christ, Il faut bien reconnaître comme le souligne très fortement A. Schmémann tout au long de son livre : «L’Eucharistie, Sacrement du Royaume », qu’au cours des temps cette attitude communautaire s’est transformée en un acte individuel, privé, chacun communiant pour sa sanctification propre et non plus pour la participation à la réalisation de l’Eglise ; il nous faut redevenir très conscients du fait que ces deux aspects ne doivent jamais être séparés.
En effet, depuis le début de la Liturgie des fidèles, rien n’indique qu’il y ait deux catégories de fidèles : les communiants et les non-communiants. Dans l’Eglise ancienne, ceux qui ne communiaient pas : catéchumènes, pénitents étaient renvoyés après la Liturgie de la Parole. Seuls restaient pour la partie eucharistique de la Liturgie ceux qui étaient admis à communier. La prière suivante et celles qui précèdent la communion vont nous le confirmer :
«Nous te rendons grâce, ô Roi invisible, Toi qui par ta puissance incommensurable as tout créé et qui, par l’abondance de ta miséricorde as tout amené du néant à l’être. Toi-même, Maître, abaisse ton regard du haut du ciel sur ceux qui ont la tête inclinée non devant la chair et le sang, mais devant Toi, Dieu redoutable. Toi donc, Maître, répartis entre nous tous les dons posés ici pour notre bien, selon le besoin propre de chacun…»

12) COMMUNION

Rites et prières préparatoires

Le prêtre dit tout bas la prière suivante :
«Sois attentif, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, du haut de ta sainte Demeure et du trône de gloire de ton Royaume, et viens nous sanctifier. Toi qui sièges au ciel avec le Père et qui es invisiblement présent ici avec nous. Daigne nous distribuer de ta main puissante ton Corps immaculé et ton Sang précieux, et, par nous, à tout le peuple.»
«Il nous faut devenir capable, par les yeux de la foi et de l’amour, de voir le Seigneur Jésus Lui-même venir vers chacun de nous et, comme il le fit avec ses disciples, nous présenter les Saints Dons à travers lesquels il se donne. Ce n’est pas le prêtre qui nous donne la communion, c’est, au-delà du prêtre, le Seigneur, qui, à la fois, offre et est offert et qui s’approche personnellement de nous.» (Un moine de l’Eglise d’Orient, L’Offrande Liturgique, op.cit.)
Pendant la prière du prêtre, le diacre a croisé l’orarion sur sa poitrine, il devient ainsi semblable aux Séraphins «qui disposent leurs ailes en forme de croix, sur leur sein» afin de se voiler la face devant l’éclat de la Lumière Divine.
Après quoi le prêtre proclame :
«Les Saints Dons aux saints !»
«Le Corps du Seigneur, mêlé à la divinité, est Dieu. De même, le fer mis dans le feu devient feu et rien ne peut le toucher ni l’approcher sans être détruit et consumé : seul le feu peut voisiner avec le feu, seuls des charbons ardents peuvent être en contact avec des braises sans en subir de dommage. C’est ainsi que toute âme purifiée par le feu de l’Esprit, devenue feu et esprit, est capable d’entrer en contact avec le corps immaculé du Christ. Mais l’âme non initiée à cet Esprit ne saurait s’approcher jusque là, ni fixer cet éclair divin, et vivre en cette éblouissante lumière» (Saint MACAIRE d’EGYPTE, Homélie 52, 6). Cette sainteté requise pour la communion aux Saints Mystères n’est pas cependant la sainteté consommée, mais celle d’hommes qui ont reçu au baptême le don divin et s’efforçant chaque jour humblement de le faire fructifier dans leur vie.
Aussi les fidèles par le chant du chœur : «Un Seul est Saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père. Amen», répondent qu’ils ne sont pas saints : «Car personne n’a de soi-même la sainteté, et elle n’est pas le résultat de la vertu humaine, mais tous la reçoivent du Seigneur et par le Seigneur.» (N. CABASILAS op. cit. P 225).
A présent le diacre rentre dans le sanctuaire et se place à la droite du prêtre. Le chœur entonne le verset de la communion propre au jour ou à la fête. Puis, tandis que le chœur continue à entonner des chants, des lectures de psaumes et des prières de préparation à la communion, dans le sanctuaire le prêtre partage en quatre parts l’Agneau qui avait été préalablement incisé en forme de croix (lors de la proscomidie). Il dispose ces parts sur la patène, en haut, en bas, à droite et à gauche. En accomplissant ce rite il dit :
«L’Agneau de Dieu est fractionné et partagé, Il est fractionné mais non divisé, Il est toujours nourriture et ne s’épuise jamais, mais il sanctifie ceux qui y communient.»
«Ce à quoi nous allons communier est un pain rompu, le Corps du Sauveur brisé dans sa Passion. Ce que nous allons boire est un vin versé, le Sang du Seigneur répandu sur la Croix. Nous ne renouvelons pas physiquement le Sacrifice du Golgotha, mais nous participons spirituellement à ce Sacrifice. Toute communion eucharistique est une immolation de celui qui communie. Le communiant se laisse pénétrer par un glaive de feu. Il meurt à lui-même et naît de nouveau comme un homme changé.» (Un moine de l’Eglise d’Orient, L’Offrande Liturgique, op. cit)
Le prêtre prend la part marquée des lettres IC et la met dans le calice en disant : «Plénitude du Saint-Esprit.» Le diacre répond : «Amen» Puis le prêtre partage la part marquée des lettres XC en autant de parcelles qu’il y a de communiants dans le sanctuaire. Sur la demande du diacre il bénit le Zéon constitué d’eau chaude en disant :
«Bénie est la chaleur de ta sainteté en tout temps, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen»
Le diacre verse l’eau chaude dans le calice et dit «Chaleur de la foi pleine du Saint-Esprit. Amen»
«Cette eau, qui, à la fois, est de l’eau et participe à la nature du feu, signifie l’Esprit-Saint, qui est aussi parfois appelée eau et qui apparut comme du feu lorsqu’il tomba sur les disciples du Christ. Le moment présent de la sainte Liturgie signifie ce triomphe de la Pentecôte : alors, le Saint-Esprit descendit après que tous les mystères du Christ eurent été accomplis; maintenant, les dons sacrés ayant atteint leur suprême perfection on y ajoute cette eau.» (N. Cabasilas op. cit. P229).

La communion du clergé

Les célébrants se prosternent ensemble au pied de l’autel et demandent pardon pour leurs fautes. Ils reçoivent d’abord le pain dans leur main droite. Le diacre reçoit la parcelle des mains du prêtre. Le prêtre se donne la parcelle en la prenant de sa main gauche pour la déposer dans sa droite. Avant de consommer le Saint Corps, tous disent la prière de communion, puis ils communient au calice par trois fois : le prêtre d’abord, le diacre ensuite.
«En communiant dans le sanctuaire fermé, les prêtres et les ministres figurent les apôtres qui furent, dans le Tombeau, les premiers témoins de la Résurrection. Etant ainsi comme illuminés par la lumière de la Résurrection, ils donnent cette grâce au peuple, à l’ouverture des Portes Saintes.»
Quand le clergé a communié, le prêtre fractionne les deux parts de l’Agneau restant sur la patène et marquées des lettres NI et KA. suivant le nombre des communiants. Il les immerge dans le calice qu’il recouvre du voile de communion, et sur lequel il dépose la cuiller.

La communion des fidèles

Les Portes Saintes s’ouvrent dans le silence devant les fidèles prosternés. Le diacre présente le calice et appelle toute l’assemblée à la communion en disant :
«Avec crainte de Dieu, foi et amour, approchez.»
«Vêtu de son orarion croisé comme leurs ailes devant la face des Séraphins, le diacre, portant le Saint Corps et le précieux Sang du Christ, ressemble au Séraphin portant le charbon ardent devant Isaïe. Le chœur entonne un chant qui affirme la présence du Seigneur : «Amen, amen. Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur »
Les fidèles, à présent, s’approchent du calice tour à tour. Le prêtre, aidé du diacre, leur donne la communion sous les deux espèces avec la cuiller en nommant chacun par son nom.
De même que le Séraphin au moyen d’une pincette a déposé sur les lèvres du prophète Isaïe un charbon ardent
pour les purifier, de même le prêtre, au moyen d’une cuillère dont le nom liturgique est «pincette» dépose sur les lèvres de celui qui communie, le Charbon Ardent par excellence qu’est le Christ Lui même, pour le purifier et le vivifier du Feu de l’Esprit-Saint».
«Ce qui m’est donné est le Corps et le Sang du Seigneur Jésus. Sous les signes physiques, il y a la réalité, la présence de mon Sauveur et de son action rédemptrice. Je participe à l’offrande et au sacrifice du Golgotha. Les saints Dons que je reçois sont l’expression du pardon de mes péchés, que l’Agneau immolé a ôtés de moi et pris sur Lui-même. Je suis rendu pur par son sang, lavé et plongé dans son sang, comme les parcelles de ce pain que le prêtre verse dans la coupe. Et ce Don m’est un gage de vie éternelle, car l’Agneau immolé auquel je participe est aussi l’Agneau réssuscité le troisième jour. Pâques inclut la Résurrection tout autant que la Crucifixion du Sauveur. Je communie à la Résurrection». (L’Offrande liturgique op. cit. P61-62)

Action de grâces

Quand la communion des fidèles est terminée, le prêtre remet le calice sur l’autel. Le diacre procède alors à l’immersion des parcelles restées sur la patène dans le Sang du Christ que contient encore le calice. Ces parcelles représentent la Vierge, les saints, les vivants et les morts qui ont été mentionnés lors de la proscomidie. Pendant que le diacre accomplit ce rite, il dit les tropaires de la Résurrection. Au moment où il immerge la parcelle de la Mère de Dieu, il dit le tropaire suivant :«Illumine, illumine-toi, nouvelle Jérusalem ! Car la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Exulte maintenant et tressaille d’allégresse, ô Sion. Et toi, toute pure Mère de Dieu, réjouis-toi de la Résurrection de ton Fils».
«Le Christ ressuscité en répandant sur l’Eglise, Nouvelle Jérusalem, le feu de son Esprit-Saint, accomplit définitivement la théophanie annoncée dans Isaïe 60, 1-3».
Le diacre termine le dépôt des parcelles en essuyant soigneusement la patène au-dessus du calice avec l’éponge en disant : «Lave, Seigneur, par ton Sang précieux et les prières de tes saints les péchés de ceux dont il a été fait mémoire ici.»
Ce rite manifeste visiblement l’intercession pour nos proches, vivants et défunts. Tous ceux dont les noms ont été mentionnés lorsque le prêtre détachait des parcelles des prosphores apportées par les fidèles, se trouvent à présent, par cette immersion, associés au mystère de la Rédemption.
Le prêtre, de l’ambon, bénit le peuple en disant : «0 Dieu, sauve ton peuple et bénis ton héritage.»
Le chœur répond par un chant tiré de l’office de la Pentecôte, ce qui rappelle que chaque communion est aussi une réception du Saint-Esprit, une Pentecôte permanente : «Nous avons vu la vraie lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste, nous avons trouvé la foi véritable, adorons l’indivisible Trinité car c’est Elle qui nous a sauvés.»
Le prêtre rentre dans le sanctuaire pour accomplir avec le diacre le transfert des Saints Dons de l’autel à la table de préparation. Le diacre pose l’astérisque sur la patène et recouvre le tout de son voile. De même il recouvre le calice. Puis le prêtre, par trois fois, encense les Saints Dons en accompagnant cet encensement par ces paroles :
«Sois exalté, ô Dieu, au-dessus des cieux et ta gloire resplendira sur toute la terre.»
Le prêtre évoque ici la montée du Seigneur auprès de son Père pour y être glorifié, exalté : c’est le thème de l’Ascension. Avant de s’élever au Ciel, le Christ n’avait-il pas dit : «Il est avantageux pour vous que je m’en aille! Si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra point à vous ; mais si je m’en vais je vous l’enverrai.» (Jn 16, 7) Dans la seconde partie du verset, le prêtre appelle l’Esprit de la Pentecôte qui doit déferler sur l’Eglise pour accomplir une œuvre de transfiguration qui se révélera dans toute sa plénitude au jour du dernier avènement.
Le prêtre prend le calice et l’élève en geste de bénédiction en disant : «Béni soit notre Dieu.» Et tourné vers le peuple il dit : «En tout temps, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles».
Le chœur chante un hymne d’action de grâces. Le diacre sort du sanctuaire, décroise son orarion pour dire une dernière ecténie ; le prêtre dit alors la prière d’action de grâces en pliant l’antimension et en traçant un signe de croix avec l’Evangéliaire qu’il tient à deux mains.

13) CONCLUSION

Renvoi des fidèles, bénédiction et congé

Le prêtre après cette prière sort par les Portes Saintes et, s’étant rendu au milieu de l’église, il dit à haute voix : «Sortons en paix.» Par ces mots et la prière de conclusion qui suit il donne le renvoi des fidèles qui marque, non pas la sortie de l’église, mais l’entrée de l’Eglise dans le monde. Comme le dit le Père Schmemann, «le temps de la mission» commence au moment où la Liturgie s’achève.
Puis le diacre, qui pendant la prière s’était tenu incliné devant l’icône du Sauveur, rentre dans le sanctuaire par la porte Nord et demande au prêtre sa bénédiction avant de consommer les Saints Dons. Le prêtre prononce la prière de la consommation des Dons et, tandis que le diacre se rend à la table de préparation pour consommer le contenu du calice, le prêtre bénit le peuple, prend la croix, sort par les Portes Saintes, et, tourné vers le peuple donne le congé. Les fidèles baisent la croix et prennent un morceau de pain béni, appelé antidoron, provenant des prosphores de la proscomidie et évoquant les agapes primitives.
La fin rapide et concise de la Liturgie rompt avec la lente progression de l’office jusqu’à la communion.
Les communiants participants à présent au Royaume sont en quelque sorte sortis du temps pour entrer dans l’éternité. «Et de même que l’avènement du Fils de l’homme sera comme l’éclair qui part de ]’Orient et se montre jusqu’en Occident» (cf. Matth. 24, 27), de même la communion aux Saints Mystères nous met en présence du Seigneur sans délai.
Cette rapidité et cette allégresse n’est pas sans rappeler la Nuit Pascale, où, après avoir vécu le Grand Carême et les offices majestueux de la Semaine Sainte, la lumière et la joie de la Résurrection nous illumine tout à coup de sa fraîcheur et de sa jeunesse éternelle.

Tous les extraits de la Divine Liturgie de St Jean Chrysostome sont tirés d’une traduction du P. Boris Bobrinskoy sous la direction du Métropolite Damaskinos de Suisse aux Editions Tertios.