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EN HOMMAGE A OLIVIER CLEMENT

EN HOMMAGE A OLIVIER CLEMENT
pour le premier anniversaire de sa mort

un petit dossier comprenant :
– le texte de la conférence de Mgr Stephanos de Tallinn prononcée à Paris le 16 janvier 2010
– La définition du saint synode réuni à Constantinople en 1872 sur le « phylétisme »
– Une note sur le phylétisme

 

OLIVIER CLEMENT ET L’UNIFICATION DE L’ORTHODOXIE EN FRANCE
(Paris, 16 janvier 2010)
C’est, vous pouvez le comprendre, avec une immense émotion que je me trouve parmi vous aujourd’hui pour participer à cet hommage à la mémoire d’Olivier Clément. Et aussi avec une certaine inquiétude car, je l’avoue, j’ai eu beaucoup de peine à préparer cette intervention. Aussi je ne suis pas certain de pouvoir correspondre pleinement à votre attente et c’est pourquoi je m’en remets par avance à votre bonne compréhension et à votre indulgence.

Olivier Clément fut et reste toujours pour moi plus qu’un ami. Il est celui qui m’a le plus marqué sur le plan théologique. Il y a eu entre lui et moi, tant sur le plan personnel que sur celui de la vie de l’Eglise, des échanges d’une intense et rare intimité qui n’ont cessé de renforcer la confiance mutuelle et la fidélité dans l’amitié. Olivier Clément fait partie, pardonnez ma franchise, de ces rares personnes qui, après mon départ de France, gardèrent vivant et intègre mon souvenir dans les tablettes de leur mémoire .

Le monde orthodoxe qu’a connu en France Olivier Clément fut celui né des migrations massives des peuples orthodoxes d’Asie Mineure, des Balkans et de Russie. Un monde implanté dans une terre devenue, au cours du temps, non plus terre d’accueil mais véritable patrie. Le monde orthodoxe d’Olivier Clément fut celui de la 2ème, de la 3ème, voire déjà de la 4ème génération de ces premiers migrants, auxquels peu à peu se sont ajoutés des Orthodoxes de souche occidentale, convertis ou non. C’est dire qu’en un peu moins d’un siècle de présence orthodoxe en terre française s’est produite une mutation historique majeure : à partir du concept initial d’une Orthodoxie reçue en simple héritage „oriental et culturel“, les Orthodoxes de ce pays ont su peu à peu proposer, en partant du témoignage de leur foi et des richesses de leur tradition religieuse, des ouvertures qui ont mis l’intelligence occidentale au service du mystère et ont suscité une prise de conscience de l’universalité et du rôle oecuménique de notre Eglise. En prônant l’idée du „mariage des cultures“, Olivier Clément a pour sa part insisté sur la nécessité de faire des Orthodoxes vivant en France des témoins informés de leur foi, imprégnés de leur tradition, ouverts sans ambiguité ni compromis à la fraternité avec tous les hommes en général et les autres baptisés en particulier.

Il n’est pas dans mon intention de m’attarder ici sur tout ce qui peut être dit sur la présence de l’Orthodoxie en Occident ni sur la manière magistrale par laquelle cette Présence orthodoxe, j’ose le dire, s’est organisée et a rendu accessibles à l’Occident ses nombreuses richesses tout en découvrant pour sa part les trésors de sainteté et de sagesse propres à ce dernier.

La rencontre de l’Europe occidentale avec l’Orthodoxie, dans le profond respect des cultures orthodoxes diverses, n’est certainement pas le fait d’un simple hasard historique. Elle est un enrichissement pour tous et nul ne conteste que notre témoignage doit rester pluriel tout en s’insérant de plus en plus largement dans la vie culturelle et religieuse des pays d’accueil. C’est ainsi que le Métropolite Emmanuel de France, en s’adressant au Patriarche Oecuménique en sa cathédrale de Saint-Etienne le 1er février 2007, pouvait affirmer sans aucune hésitation que « l’Eglise orthodoxe en France est, à l’image de l’Eglise orthodoxe dans le monde, une orthodoxie plurielle dans l’expression et une dans la foi et dans le vécu ecclésiologique et liturgique. L’Orthodoxie en France n’est plus aujourd’hui un ensemble sans unité, de communautés exotiques ou ayant subi la dispersion ».

Toutefois, au moment où cette Orthodoxie en Occident, devant le foisonnement des juridictions sur un même territoire et l’arrivée massive de nouveaux migrants après la chute du mur de Berlin, peine à se structurer autour d’une vision une et unique de ses diverses communautés ethniques, ma préoccupation principale est de savoir comment nous allons pouvoir résoudre l’équation „ethnicité-catholicité“. Pour celui en effet qui, de l’extérieur, nous regarde vivre, ce qui semble primer dans la plupart des cas, c’est non pas prioritairement l’organisation de l’Eglise Orthodoxe selon l’eucharistie et la synodalité – un seul évêque, une seule eucharistie, un seul Corps – mais selon l’ethnie et aussi des préférences politico-religieuses, idéologiques.

Venons-en maintenant à la France, puisque tel est l’objet de cette intervention.

Comment ne pas reconnaître, comment ne pas affirmer avec la plus grande certitude que la présence de l’Eglise orthodoxe dans ce pays a été marquée par une authentique expérience spirituelle ?

Il y eut d’abord les grandes migrations du début du siècle passé. Environ 400.000 Russes se sont établis en France dans les années 20. A Paris, en Lorraine, au pays de Montbéliard, dans les Alpes du Nord, la région du Creusot, celle de Caen.

Il y eut ensuite, dans les années 22-23, l’émigration massive des Grecs d’Asie Mineure qui vint s’associer à celle du XIXe siècle et en 1930 celle du Dodécanèse . Dans la région parisienne, à Lyon, à Grenoble, à Saint-Etienne et surtout à Marseille et ses environs. Enfin, la migration des années 60 dans la région lilloise.

Puis après la chute du « mur » des récentes émigrations verront le jour, balkaniques et russes pour des raisons économiques, parfois même intellectuelles ou politiques, précédées par celle des Antiochiens (Libanais et Syrien), fuyant la guerre et l’effondrement économique.

A partir des années 70-80 aparaissent dans la plupart des juridictions des paroisses francophones auxquelles il faut ajouter des petites communautés monastiques, elles aussi francophones. Devant cette situation, l’Eglise orthodoxe, par une lente et prudente prise de conscience d’une unité profonde de l’orthodoxie locale, a peu à peu surmonté la tentation d’organiser une « orthodoxie française » de type nationaliste. Je n’en dirai pas plus.

Permettez-moi toutefois de revenir sur l’importance du témoignage orthodoxe en France; un témoignage qui dépasse de beaucoup l’importance numérique de ses communautés. Pour ce faire, je me contenterai de rappeler à nos mémoires quelques grandes réalisations qui ont depuis fait leur preuve.

– Syndesmos, Fédération mondiale de la Jeunesse orthodoxe, a été fondée en 1953 à Sèvres et regroupe aujourd’hui plus de 120 mouvements de jeunes et facultés de théologie orthodoxe à travers le monde. Et que dire de l’ACER, Action chrétienne des Etudiants russes, et de sa large et généreuse contribution pour soutenir la Russie là où pendant plus d’un demi-siècle elle fut le plus éprouvée, tant spirituellement que matériellement ?

– En tant qu’espace de rencontre et instrument de service et de coordination, la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, a préparé en partie – grâce à son action missionnaire, catéchétique et pastorale (surtout auprès des disséminés) et plus encore grâce à ses Congrès – le terrain qui a servi de ferment et d’appui à la naissance du Comité interépiscopal orthodoxe en France. (*)

- L’importance et l’apport fécond des élites successives de théologiens et de philosophes religieux ont marqué par bien des aspects la pensée théologique ou philosophique d’Occident, sans omettre parrallèlement d’offrir aux Orthodoxes la possibilité de s’enrichir des vertus intellectuelles de ce dernier. C’est là l’oeuvre essentielle de « l’école dite de Paris » ainsi que de l’Institut de Théologie Saint Serge, qui ont pour grand mérite d’avoir uni le sens de la Tradition et celui de la recherche.

– Les émissions régulières à la radio nationale ou locales ainsi qu’à la télévision ont largement contribué à démontrer que les Orthodoxes de France avaient la capacité de porter leur témoignage au coeur même de la modernité.

– Les publications en langue française – grandes maisons d’édition, bulletins des évêchés , des paroisses et des monastères, sans oublier bien sûr les immenses services rendus par le SOP ainsi que par les revues « Contacts  » et « Le Messager Orthodoxe » – ont présenté et présentent à leurs lecteurs une Orthodoxie ferme, modeste, appelée à développer dans l’Eglise et dans la société d’authentiques structures de communion non seulement parmi les fidèles orthodoxes mais avec les autres confessions.

– La naissance en terre de France de communautés monastiques ; des lieux qui ne sont pas négligeables pour le devenir de l’Eglise orthodoxe en France ; des lieux qui offrent sereinement, paisiblement une nouvelle forme de transmission de la Tradition et une nouvelle forme d’exercice de la vie spirituelle ; des lieux où l’essentiel est de chercher d’abord Dieu, de toutes ses forces et de toutes ses énergies. Il est incontestable que l’avenir de ces communautés monastiques va de pair avec l’accroissement de l’Eglise locale en France, puisqu’elles sont des terrains neutres dont , comme le souligne si bien le Père Syméon Cossec, l’appartenance juridictionnelle, quoique toujours importante, n’est pas la première étant donné que « ce qui est important, c’est la « quête de Dieu ».

– L’Assemblée des évêques orthodoxes de France, qui vient de décrocher ses lettres de noblesse lors de la rencontre pan-orthodoxe présynodale de juin 2009 à Chambésy et qui, riche de son expérience, pourrait un jour promouvoir des propositions susceptibles d’inscrire plus clairement dans les faits notre ecclésiologie eucharistique et conciliaire ainsi que le sens de l’unité et de la catholicité,  » – au sens de kat’holon, autrement dit selon la plénitude de la vérité – afin que soit réalisée une orthodoxie une, laquelle, d’après Michel Stavrou, va prendre progressivement ses caractères particuliers avec sa diversité et ses richesses  ».

«  L’Eglise orthodoxe en France, répondit au métropolite Emmanuel le Patriarche Oecuménique Bartholomée au cours de ce même mois de février 2007 à Paris, représente, au sein de l’Orthodoxie universelle, une tradition d’une grande richesse, qui a beaucoup apporté à l’Eglise universelle et qui continue de le faire ». Pour lui, cette Orthodoxie en France a été un modèle pilote, un exemple à suivre grâce à l’oeuvre accomplie en son temps par son Comité interépiscopal.

Cette réponse reprenait en quelque sorte l’essentiel de la déclaration signée en juillet 2004 par vingt prêtres, supérieurs de monastères et laïcs français orthodoxes. La déclaration disait entr’autres : « en Europe occidentale, nous nous sommes retrouvés ensemble entre orthodoxes de différentes origines et nous avons compris qu’il nous revenait de témoigner de l’orthodoxie en dialogue fraternel avec les autres chrétiens et devant un monde souvent non chrétien. C’est pourquoi, depuis plusieurs décennies, nous cherchons à oeuvrer, dans la confiance et la transparence, pour un rassemblement de tous les orthodoxes dans l’unité eucharistique et dans une structure canonique qui soit conforme à l’ecclésiologie orthodoxe. Il s’agit donc d’une ecclésiologie territoriale d’où est absente toute forme de « nationalisme » (ce qui ne signifie aucunement, bien sûr, une rupture avec les cultures et les langues des uns et des autres). Cette ecclésiologie implique la catholicité/conciliarité, dont l’exercice est indissociable de la primauté actuellement exercée par le patriarcat de Constantinople, la Nouvelle Rome ».

Nationalisme d’une part, catholicité/synodalité d’autre part. Phylétisme d’un côté, autocéphalisme poussé à l’extrême de l’autre. Deux conceptions condamnées par le concile de Constrantinople de 1872 et malheureusement toujours dominantes dans l’Orthodoxie.

De tous les théologiens orthodoxes du 20e siècle, Olivier Clément est sans aucun doute celui qui a écrit le plus à ce sujet, celui qui a analysé avec une grande clairvoyance et décrié avec la plus grande rigueur le risque que l’Orthodoxie ne soit finalement perçue comme une idéologie, comme une simple dimension de la culture nationale, parfois même presque comme une dimension de l’Etat. Pour lui, l’Eglise est sans conteste à même de bénir une culture et une langue « encore faut-il qu’elle soit à la fois dans la nation et hors de la nation, dans la pleine conscience de sa catholicité ».

Olivier Clément, ne l’oublions pas, porte en lui toutes les valeurs et toutes les sensibilités des gens qui vivent autour de la Méditerranée. Et ces valeurs sont la foi en un Dieu trinitaire, le caractère sacré de la personne humaine, l’amour capable de dépasser toutes les frontières et toutes les discriminations par la compassion, le pardon, la justice et la paix. Il est bien connu que l’homme méditerranéen s’adonne plus volontiers au langage de l’amitié qu’à celui de la domination, préférant la chose dense et bonne à l’objet industriel. Pour l’homme méditerranéen, « l’être est relationnel », se plaisent à préciser Christos Yannaras et le Métropolite Jean de Pergame ; il est intérieur à la communion des hommes entr’eux et avec le Dieu vivant. Olivier Clément était bien tout cela. Et de même que le méditerranéen vit avec intensité, de même Olivier Clément a vécu avec intensité comme si pour lui « le sol de l’Orthodoxie se tendait, pour reprendre une expression du poète grec Sikélianos, comme la peau du boeuf sur le tambour ! »

Et puis il y a eu chez lui une autre expérience qui l’a particulièrement marqué, sa rencontre avec le Patriarche Athénagoras en 1968. Elle lui a fait découvrir « le mystère de Constantinople  ». Cette diaconie particulière de Constantinople, qu’il qualifie de « sollicitude pour les communautés de la diaspora  », et dont il sait pertinemment « que ces derniers mots irriteront certains », Olivier Clément ne cessera de la promouvoir avec une fermeté emprunte de douceur, de simplicité et d’humilité, spécialement durant les grandes tensions interorthodoxes qui ont marqué la fin du 20e et le début du 21e siècles.

Voici par exemple ce qu’il écrivait dans le SOP d’avril 1998 : « Depuis plusieurs décennies, le patriarcat de Constantinople a fait de grands efforts pour rassembler l’orthodoxie. Athénagoras 1er a réuni des conférences panorthodoxes et cette action a été poursuivie par son successeur Dimitrios 
1er et actuellement par Bartholomée 1er qui a réuni des synaxes des primats de l’Eglise orthodoxe. A chaque occasion, s’est produit ce qu’on a appelé le miracle de l’unité, car les Eglises orthodoxes, même si elles sont concrètement 
séparées les unes des autres, gardent l’unité de la foi et l’unité du sacrement… Enfin, la primauté universelle est pour nous orthodoxes celle du patriarche oecuménique qui veille à l’unité et à l’universalité de l’Eglise.  »

Certes, l’Orthodoxie en France n’est pas qu’une simple juxtaposition de communautés ethniques de tradition orthodoxe. Malheureusement, l’autocéphalie telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans nos Eglises respectives a créé de tels dysfonctionnements que cela fait douloureusement ressortir notre incapacité présente de vivre une vraie conciliarité tout comme d’admettre la nécessité d’un « centre » d’unité, de coordination et d’initiative tel qu’il a été compris et pratiqué au cours du premier millénaire de la chrétienté et par la suite, jusqu’en l’an 1990 au sein de l’Orthodoxie après le grand schisme du XIe siècle. Tant il est vrai que ce qui n’est pas transfiguré se défigure nécessairement à un moment ou l’autre de l’Histoire.

Un exemple parmi tant d’autres possibles pour illustrer ce propos. En 1967, après une longue visite du Père Dumont du Centre Istina dans le bureau de Mgr Meletios, il fut décidé de mettre en route le Comité interépiscopal orthodoxe parce que la Hiérarchie catholique demandait aux Orthodoxes de France de parler d’une seule voix.

C’est ainsi que peu à peu s’est affirmée une prise de conscience d’une unité profonde de l’Orthodoxie locale, laquelle a débouché aujourd’hui sur la constitution de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. Au temps du Père Dumont l’Episcopat catholique français attendait des Orthodoxes de France qu’ils s’expriment et agissent comme un seul corps, comme une seule et unique Eglise. Aujourd’hui, cette même Hiérarchie de l’Eglise Catholique de France, encore une fois par le truchement du Centre Istina, semble adopter une autre stratégie de relations, basée sur des degrés différents selon les personnes et les circonstances, comme si l’Eglise orthodoxe locale, plutôt que d’être reconnue comme une seule et unique Eglise, était reçue et perçue comme une somme d’Eglises.

Pour ce qui est du thème de ce jour, c’est au Congrès d’Amiens de novembre 1977 qu’Olivier Clément donna, ce me semble, le meilleur de lui-même en présentant sa conférence «  Avenir et signification de la diaspora en Europe occidentale (cfr la Revue « Contacts » n° 103 du 3e trimestre 1978). Cette conférence reste d’une brûlante actualité et ses propositions d’un futur saint-synode d’une future Eglise locale canoniquement unifiée vont au-delà de ce que préconise présentement la 4e conférence panorthodoxe préconciliaire de Chambésy. Je prends la liberté de vous lire ce qu’il dit du phylétisme et de l’autocéphalisme.

«On peut d’abord se demander, dit-il entr’autres choses, si le lien qui s’est établi, dans l’Eglise orthodoxe, entre la nationalité et la juridiction ecclésiastique, n’a pas, dans la Diaspora, achevé de changer de sens : originellement de transfiguration (de l’ethnie par l’Eglise), il devient souvent une forme spécifiquement orthodoxe de sécularisation (de l’Eglise par l’ethnie). Perspective où l’Orthodoxie semble seulement un aspect de la culture nationale. Les descendants d’émigrés, au fur et à mesure qu’ils s’assimilent, abandonnent tout naturellement une Orthodoxie dont ils ont l’impression qu’elle ne les concerne plus. L’hémorragie est gigantesque. Elle n’a jamais été mesurée… Le plus grave, enfin, c’est que l’ecclésiologie orthodoxe devient mythique. L’injonction du premier Concile oecuménique – « qu’il n’y ait pas deux évêques dans la même ville  » – la condamnation du nationalisme religieux par le Concile de 1872, restent lettre morte. Or, ces principes ne sont pas d’ordre administratif, mais d’ordre mystique, au sens de l’Eglise comme « mystère du Ressuscité »…

Dans son allocution d’ouverture de la 4e conférence panorthodoxe préconciliaire de juin 2009, le Métropolite Jean de Pergame a eu entièrement raison de souligner que « la question de ce qu’il est d’usage d’appeler la diaspora orthodoxe constitue l’un des problèmes les plus graves auxquels l’Eglise orthodoxe est confrontée ». Il a eu entièrement raison de rappeler que l’organisation traditionnelle de l’Eglise était fondée sur le principe de territorialité et non pas sur celui de nationalité. Il a eu raison d’insister sur le fait que l’autocéphalie ne doit pas dégénérer en autocéphalisme. En un mot, il a bien compris que la multiplicité et le chevauchement de différents diocèses orthodoxes ethniques finissent par exaspérer, pour ne pas dire scandaliser, « ceux qui partagent notre foi ; finissent par susciter parfois de la moquerie chez ceux du dehors qui se demandent si vraiment l’Eglise orthodoxe est une »… Et de conclure son analyse par ces mots : « nous devons prouver par nos actes que nous sommes une Eglise indivise, capable de se réunir en concile ».

La 4e conférence panorthodoxe préconciliaire qui s’est tenue au mois de juin 2009 au Centre Orthodoxe du Patriarcat Oecuménique, à Chambésy-Genève, a été sans conteste intéressante et riche en nombreuses promesses. Elle aborde de façon beaucoup plus réaliste et plus responsable que par le passé la problématique de l’avenir de la diaspora dans l’ensemble du monde orthodoxe.

A-t-elle pour autant suffisamment approfondi dans sa réflexion l’équation « ethnicité-catholicité »? J’avoue que les paragraphes 2/c et 5 des résolutions adoptées me laissent assez perplexe : le premier souligne la mise en place des assemblées épiscopales pour manifester et renforcer l’unité de l’Eglise orthodoxe, le deuxième insiste sur le fait que chaque juridiction pourra indépendamment des autres développer ses propres relations et entretenir des rapports directs avec les organisations de son choix, qu’elles soient gouvernementales, civiles, religieuses ou autres… N’est-ce pas contradictoire? Au moment où la diaspora orthodoxe, sous l’initiative et l’impulsion du Patriarcat Oecuménique, parvient enfin à mettre en place une structure nouvelle au sein de laquelle l’ecclésiologie eucharistique et conciliaire, le sens de l’unité et de l’universalité orthodoxe s’inscriront plus clairement, il serait particulièrement dommage et plus que dommageable de permettre que s’y introduisent des termes et des réalités opposées et incompatibles, susceptibles d’alimenter et de maintenir en éveil le bacille du nationalisme et de l’autocéphalisme, cette bête qui ne s’endort jamais et qui est apte à subir des mutations selon l’environnement qu’on lui propose.

A la suite de Mgr Georges Khodr du Mont Liban, je dirai volontiers ceci pour l’Eglise orthodoxe en France : de la même manière qu’une ethnie ne se constitue pas dans la vérité de Dieu si elle se connait simplement comme un enracinement, une langue et une histoire seulement, de la même manière une Eglise se constitue dans la vérité de Dieu comme un devenir vers le Royaume de la beauté où s’accomplit la rencontre du Christ. L’ethnicité est certes une réalité mais pas un attribut de l’Eglise. Vue sous cet angle, elle ne se comprend que comme l’une de ces nombreuses données dans lesquelles est localisée l’Eglise. Une donnée par laquelle toutes les ethnies orthodoxes confondues trouvent leur dénominateur commun de catholicité. Il n’est donc pas de juridiction messianique: les caractères psychologiques ou culturels des tendances éventuelles de telle ou telle entité ecclésiastique ou de ses dons théologiques, s’ils sont décelables et universellement reconnus, ne la rendent héritière d’aucun privilège. La seule promesse qui tienne, c’est celle faite aux pauvres, aux doux, aux affamés de justice, aux miséricordieux de toutes les nations ; la promesse des Béatitudes de l’Evangile.

Je ne puis terminer sans évoquer encore une fois la grande figure d’Olivier Clément. J’ai parfois l’impression, chaque fois que je le relis, que nous n’avons pas assez pris la peine d’intégrer dans le plus profond de notre être le message parfois douloureux, toujours « résurrectionnellement lumineux » qui fut le sien. Pour ma part, j’ai particulièrement été marqué par sa très vive pensée sur « le visage et sur la beauté ». L’héritage spirituel qu’il m’a légué, c’est la totale conviction que, par-delà ses tentations et ses faiblesses, l’Eglise orthodoxe universelle « sera un jour toute en Dieu ce qui n’a pas été encore manifesté  (1Jean 3,2) ». Parce que tout a un sens ; parce que «  l’histoire dans l’Orthodoxie trouve son sens. Et que ce sens s’appelle Résurrection »!

Et puisque, selon Ignace d’Antioche, « il y a en chaque homme une eau vive qui murmure : viens vers le Père », que notre certitude et notre espérance reposent sur la prière et la patience de nos saints et de nos martyrs, lesquelles sont abstention de tout jugement et confiance inébranlable dans le dessein de Dieu. « La sainteté comme liturgie et icône de tout approfondissement dans chaque destinée, se plaisait à écrire Olivier Clément ; le martyre comme ouverture de l’Histoire à la résurrection et comme anticipation eschatologique ».

+STEPHANOS, Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie.

(*) : Il est intéressant de noter qu’Olivier Clément a participé à la fondation, en 1964, du Comité de coordination de la Jeunesse orthodoxe en France. Celui-ci comprenait à l’époque Jean Tchékan (secrétaire), Nicolas Behr (trésorier), P.Cyrille Argenti, Cyrille Eltchaninoff, Nicolas Lossky, Gabriel Matzneff, le diacre Stephanos, P.Pierre Struve, Alexandre Victoroff et Michel Zimine. Ce comité de coordination avec ses nombreux services fut plus tard intégré en 1974 (à Lyon) à la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, ce qui depuis la rajeunit et l’étoffe en la dotant de services encore en place aujourd’hui.

Bibliographie ( par ordre chronologique)

-Evêque STEPHANE : Catholicité et ethnicité – SOP n°161 / Septembre-Octobre 1991.

-Olivier Clément: – Renouer avec l’Esprit de nouveauté dans l’Eglise – SOP n° 227 / avril 1998.

-L’orthodoxie en France – SOP n° 260 / juillet-août 2001

-Dépasser les cloisonnements ethniques pour mieux représenter l’unité et l’universalité de l’orthodoxie – SOP n° 279 / juin 2003.

-L’Eglise orthodoxe en France et son organisation canonique, déclaration de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France – SOP n° 237 / avril 1999.

-Père Jean GUEIT : L’Eglise locale et l’ecclésiologie de communion – SOP n° 271 / Septembre-Octobre 2002.

–  « L’unité orthodoxe en France et en Occident : notre responsabilité commune », une déclaration de vingt prêtres, supérieurs de monastères et laïcs de France – SOP n° 291 / Septembre-Octobre 2004.

-Evêque ATHENAGORAS (Peckstadt) : Le mal suprême que l’Eglise puisse s’infliger à elle-même est celui de la division et du schisme – SOP n° 296 / mars 2005.

-Michel STAVROU : « L’orthodoxie en France ne constitue pas simplement une juxtaposition de communautés ethniques de tradition orthodoxe » – SOP n° 308 / mai 2006.

–S.S.Bartholomée 1er : « L’orthodoxie en France, un modèle pilote » – SOP n° 316 / mars 2007.

-Père Boris Bobrinskoy : Etre orthodoxe dans le monde occidental – SOP n° 316 / mars 2007.

-Métropolite JEAN (Zizioulas) : « Nous devons prouver par nos actes que nous sommes une Eglise indivise » – SOP n° 340 / juillet-août 2009.

 

Définition du grand et saint synode réuni à Constantinople
au mois de septembre de l’année mil-huit-cent soixante-douze (1872), la Ière de l’indiction

« Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Église de Dieu qu’il a ac-quise de son propre sang ». Voilà ce que nous ordonne l’instrument choisi, nous annonçant que, « il s’élèvera au milieu de l’Église des loups ravisseurs qui n’épargneront pas le troupeau, et des gens qui annonceront des choses pernicieuses, afin d’attirer les disciples après eux »; c’est pourquoi il nous exhorte à veiller.
Ayant appris avec douleur et surprise que de telles gens se sont élevés dernièrement dans la circonscription du trône œcuménique, du milieu du peuple pieux des Bulgares ; des gens qui ont osé introduire dans l’Église une nouvelle croyance, celle du phylétisme, issue de la vie séculière ; qui ont eu de l’audace de mépriser les canons divins et saints et de former un concilia¬bule phylétique nouveau, afin de détruire ces canons, nous nous sommes ins¬pirés du zèle du Seigneur, comme nous le devions, et nous nous sommes réunis au nom du grand Dieu, notre sauveur Jésus-Christ, afin de prévenir et d’arrêter la propagation du mal au milieu de ce peuple pieux.
Ayant ainsi invoqué, l’âme toute contrite, la grâce divine du père de toutes les lumières et, ayant exposé au milieu de nous l’évangile du Christ, « où se trouvent tous les trésors secrets de la sagesse et de la connaissance », nous avons examiné et comparé le phylétisme avec la doctrine évangélique et la constitution de l’Église de Dieu, établies depuis des siècles, et nous avons constaté que, non seulement c’est un principe étranger, mais qu’il leur est complètement hostile. Nous avons aussi constaté, après en avoir fait le dé-nombrement exact, que tous les actes illégaux, commis pour établir le conci-liabule phylétique, sont ouvertement réprouvés par la constitution des saints canons. 
C’est pourquoi, d’accord avec nos saints pèresinspirés de Dieu, « ac-ceptant de tout notre cœur les saints canons et conservant inébranlable tout ce que ces canons ordonnent, c’est-à-dire ceux des bienheureux apôtres, pro-cla¬més par les trompettes de l’Esprit Saint ; ceux des sept saints conciles œcu¬méniques, ceux des conciles locaux réunis pour rendre de semblables dé-crets et ceux de nos saints pères, car ils ont tous, inspirés par la lumière du même esprit, ordonné ce qui était utile », nous déclarons au nom du Saint Esprit :
I. Nous réprouvons, nous blâmons et nous condamnons le phylétisme, c’est-à-dire les distinctions de races, les querelles, l’émulation et les divisions nationales dans l’Église de Jésus-Christ, comme opposé à la doctrine de l’évangile et aux saints canons de nos bienheureux pères « qui soutiennent la sainte Église, et maintiennent en bon ordre la communauté chrétienne qu’ils dirigent dans la voie de la divine piété ».
II. Nous déclarons, d’accord avec les saints canons, étrangers à l’Église une, sainte, catholique et apostolique, et réellement schismatiques , tous ceux qui admettent ce phylétisme et qui osent fonder sur ce principe des concilia¬bules phylétiques nouveaux.
Par conséquent nous déclarons schismatiques et étrangers à l’Église orthodoxe du Christ tous ceux qui se sont séparés eux-mêmes de l’Église or-thodoxe, qui ont dressé un autel particulier et qui ont formé un conciliabule phylétique ; c’est-à-dire les évêques précédemment dégradés et excommu-niés, Hilarion ci-devant de Macariopolis, Panarétos ci-devant de Philippopoli, Hilarion ci-devant de Loftza, Anthimos ci-devant de Vidin, et les évêques qui viennent d’être dégradés : Dorothéos ci-devant de Sophia, Parthénios ci-de¬vant de Nyssava, Gennadios ci-devant de Vélissos ; les prêtres et les diacres qu’ils ont illégalement ordonnés, tous ceux qui sont en communion avec eux, qui partagent leurs doctrines et qui leur prêtent leur concours ; ainsi que tous ceux qui acceptent comme réelles et canoniques leurs bénédictions et leur cérémonies, qu’ils soient ecclésiastiques ou laïcs.
Ayant ainsi défini, nous prions Dieu très bon et très miséricordieux, notre seigneur Jésus-Christ, le chef et le consommateur de notre foi, de con-server sa sainte Église pure et intacte de toute contagion des innovations, ap-puyée sur le fondement des apôtres et des prophètes, et d’accorder le repentir à ceux qui se sont séparés d’elle et qui ont appuyé leur conciliabule sur l’idée du phylétisme, pour qu’ils puissent enfin, venant à résipiscence et abjurant leurs erreurs, retourner à l’Église une, sainte, catholique et apostolique pour y adorer avec tous les orthodoxes le grand messager de la paix, Dieu, qui est venu réunir tous les hommes et annoncer la paix à ceux qui sont près et loin ; car c’est à lui que sont dûs toute gloire, tout honneur et toute adora¬tion, avec le Père et le Saint Esprit, dans les siècles. Amen.

La copie, ayant été trouvée fidèle et exacte, a été signée seulement par les patriarches, les métropolites et les évêques dans l’ordre suivant :

+Anthimos, patriarche de Constantinople, votant en même temps pour sa sainteté +Anthimos de Byzance, ancien patriarche de Constantinople, a défini et signé.
+Grégorios, ancien patriarche de Constantinople, a également défini et signé.
+Joachim, ancien patriarche de Constantinople, a également défini et signé.
+Sophronios, patriarche et pape d’Alexandrie, a également défini et signé.
+Hiérothéos, patriarche d’Antioche, a également défini et signé.
+Sophronios, archevêque de Chypre, a également défini et signé.

+Agathangélos d’Éphèse a également défini et signé.
+Panarétos d’Héraclée a également défini et signé.
+Dionysios de Nicomédie a également défini et signé.

+Ioannicios de Nicée a également défini et signé.
+Gérasimos de Chalcédoine a également défini et signé.
+Néophytos de Derci a également défini et signé.
+Grégorios de Tournovo a également défini et signé.
+Dionysios de Didymotichon a également défini et signé.
+Sophronios d’Iconion a également défini et signé.
+Chrysanthos d’Ancyre a également défini et signé.
+Mélétios d’Énos a également défini et signé.
+Gabriel de Samos a également défini et signé.
+Théophilos de Sozuagathopolis a également défini et signé.
+Païsios d’Imbros a également défini et signé.
+Anthimos de Vélégrada a également défini et signé.
+Callinicos de Nyssa a également défini et signé.
+Dionysios de Svornic a également défini et signé.
+Ignatios de Lititza a également défini et signé.
+Païsios de Vratza a également défini et signé.
+Eugénios de Mélitopolis a également défini et signé.
+Cyrillos d’Anastasiopolis a également défini et signé.
+Dionysios de Pamphilos a également défini et signé.
+Gennadios de Chariapolis a également défini et signé.
+Athanasios d’Argyropolis a également défini et signé.
+Parthénios de Laodicée a également défini et signé.

 

NOTE SUR LE PHYLETISME

A la fin du 20e siècle, après la chute du communisme, et suite à l’effondrement institutionnel, politique et économique ainsi qu’au vide spirituel qui en a résulté, le nationalisme extrémiste a trouvé un terrain fertile . Les sentiments nationaux et religieux ont été utilisés et le sont encore maintenant aussi pour atteindre des buts politiques, ce qui suscite une immense spirale de trouble et de souffrance, comme c’est le cas présentement parmi les Orthodoxes d’Europe Occidentale ( France, Bénélux, Angleterre ) mais aussi en Estonie et qui sait ce qu’il adviendra de l’Ukraine.

Nous devons être conscients qu’il s’agit là d’un problème plus complexe qu’il n’y paraît . Il ne faut pas se contenter de l’aborder d’une façon simpliste ou superficielle car lorsque nous parlons de l’Eglise nous devons nous souvenir qu’elle se compose non seulement du clergé et des fidèles qui ont des niveaux de foi et d’expérience différents, mais aussi de nombreuses personnes qui ne sont orthodoxes que de nom.

La relation entre l’Eglise et la nation est complexe et les deux sont inséparables parce que les membres de l’Eglise font aussi partie de la nation . Et il est évident que dans les pays ou les membres de la nation sont majoritairement ceux d’une seule Eglise, un grand nombre de questions sur la relation entre l’identité nationale et l’Eglise demeurent par trop souvent sans réponse.

L’Eglise orthodoxe a donc le devoir de parler ouvertement et clairement . Elle doit rappeler à Elle-même comme à ses fidèles que l’incarnation du Seigneur et son œuvre sotériologique démontrent que Dieu n’est pas le Dieu des seuls Juifs mais aussi le Dieu des païens . Ainsi, fondée sur cette base, l’Eglise ne divise les gens ni sur des critères de nation ni sur des critères de classe : il n’y a en elle ni Grec, ni Juif, ni circoncis ou incirconcis, ni barbare ni scythe, ni esclave ni homme libre ; mais le Christ est tout, et en tous ( Col.3,11 ).

Les théories et les pratiques récentes qui sont monnaie courante dans la Diaspora orthodoxe contemporaine et qui sont essentiellement animées par un ethnophylétisme qui n’a aucun rapport avec les Ecritures Saintes, visent à mettre en place des juridictions s’étendant sur le monde entier, ce qui est en contradiction flagrante avec la tradition canonique et toute l’ecclésiologie de l’Eglise Orthodoxe . Elles ont fini par conduire au désordre ecclésiologique profond qui sévit présentement au sein de toute l’Orthodoxie . Nulle part dans nos saints canons et dans notre théologie patristique la juridiction canonique d’une Eglise, c’est-à-dire son territoire, n’est définie sur la base de critères à caractère ethnophylétiques, politiques, culturels, linguistiques ou autres de ce genre, lesquels par-dessus le marché trahissent manifestement des nostalgies expansionnistes séculières ou des objectifs impérialistes d’époques et de circonstances révolues.

L’Orthodoxie n’est ni byzantine, ni russe, ni slave, ni orientale, ni occidentale . Elle ne relève d’aucun système politique, économique ou social . Elle est tout simplement l’expression vivante de l’Esprit et de la Vie . Elle est la vérité du Corps du Christ Elle est le Christ à travers les siècles et puisque Christ est la vie, alors l’Orthodoxie c’est aussi la Vie . Une vie de liberté donc, totalement libératrice, écrit le Pr Mantzarides.

Est par conséquent chrétien orthodoxe celui qui entretient des liens étroits avec l’Eglise Orthodoxe, partage sa vie culturelle, est sanctifié par ses sacrements et son Eucharistie.

Pourtant, l’importance exagérée accordée encore à l’idée de nation, que l’on place parfois plus haut que l’Eglise, est non seulement un phénomène nouveau, écrit l’évêque albanais Jean de Korçë, mais une violation flagrante de l’ethos de l’orthodoxie et une négation de celle-ci . Elle a beaucoup nui à la vie de l’Eglise et à l’unité interne des Eglises orthodoxes parce qu’elle a souvent poussé ces Eglises à se centrer sur leurs intérêts nationaux plus que sur l’Eglise orthodoxe dans son ensemble.

Comme en écho à ces dernières remarques, un grand penseur grec, Georges Thetokas, insiste sur le fait que les nouvelles conditions historiques imposent à l’Eglise Orthodoxe de revenir à ses sources initiales de spiritualité les plus profondes, de redevenir un authentique foyer pour l’humanité d’une vie spirituelle vraie et authentique, de partir à la recherche de nouvelles idées, de résoudre les problèmes de conscience que se pose le monde et de permettre aux hommes d’aujourd’hui de donner un sens à leur existence.

La condamnation par notre Eglise du péché du phylétisme en 1872 dit ceci : nous rejetons, censurons et condamnons l’ethnopylétisme, c’est-à-dire la discrimination sur des critères ethniques, les querelles, haines et dissensions ethniques au sein de l’Eglise du Christ, comme contraires à l’enseignement de l’Evangile et des saints canons de nos Pères bénis…

Au moment où semble naître un nouveau phylétisme chauvin qui a pour terrain d’action surtout les pays orthodoxes dits de la Diaspora, notre Eglise se doit donc de renouveler sans équivoque cette condamnation face aux nationalismes d’aujourd’hui , qui se développent dans son sein, parfois même de manière agressive.